Au moment où les journaux belges sont remplis de détails sur la tantième crise politique, de l’autre côté de la planète, de très intéressantes nouvelles sont à rapporter. Du mardi 20 avril au jeudi 22 avril inclus se déroulait à Cochabamba (Bolivie) la Conférence des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre mère à l’initiative du président Evo Morales. Le Comité pour une Internationale Ouvrière, une organisation qui a l’objectif d’unir les travailleurs et les opprimés à travers le monde, était présent et témoin de cet évènement exceptionnel. Un rapport arrivera sous peu.
Rapport de Hannes (PSL-Anvers), de Bolivie.
15.000 personnes étaient attendues, de 129 pays et de tous les continents: des représentants de mouvements sociaux, de syndicats, d’organisations indigènes, des scientifiques, des journalistes, des militants de la cause environnementale et des politiciens. Tous étaient présents afin de discuter des conséquences des problèmes environnementaux et d’éventuelles solutions. Ce sommet a pris place “sans refuser de représentants de peuples, comme c’est le cas lors des sommets gouvernementaux,” aux dires du président Evo Morales, à l’initiative du sommet.
La conférence était divisée en 17 forums officiels consacrés à des thèmes stratégiques comme les droits de la Terre Mère, les conséquences structurelles du changement climatique, la justice climatique et le protocole de Kyoto. Ces forums étaient organisés par différents ministères boliviens et avaient pour objectif de parvenir à trouver des propositions concrètes pour le prochain sommet officiel des Nations Unies à Mexico, en novembre 2010. A côté de cela, plus de 200 activités indépendantes étaient prévues autour de divers thèmes. Ces activités étaient organisées par des organisations nationales et internationales, des ONG et des réseaux. Tous les participants européens n’avaient pas pu participer à la conférence suite aux problèmes rencontrés par les compagnies aériennes, mais ce sommet était tout de même un énorme succès, avec entre 20.000 et 30.000 personnes.
Le contraste avec la conférence pour le climat de Copenhague fin de l’année dernière ne pouvait être plus grand. Les mêmes militants qui avaient dû rester des heures durant bloqués dans le froid, assis sur le sol gelé en état d’arrestation, étaient à Cochabamba des invités appréciés qui pouvaient participer aux différents groupes de travail et débats dans les grandes salles. Alors qu’à Copenhague, une bonne partie des discussions se sont faites à huis clos ou dans la coulisse, tout était ici disponible à la télévision nationale. A Cochabamba, il n’y a pas eu de discussions exclusivement entre certains groupes de pays pour imposer leur volonté aux autres. Ce n’est en définitive pas surprenant que les politiciens et les médias des Etats-Unis ou d’Europe, par exemple, n’ont pas consacré énormément d’attention pour cet évènement pourtant exceptionnel.
La tendance générale à cette conférence sur le climat était claire. L’augmentation de la température aura des conséquences dramatiques pour la terre et l’humanité, et ce surtout dans les pays les plus pauvres. La proposition du soi-disant accord de Copenhague de limiter le réchauffement à 2°C pour 2050 comparé à 1990 ne pourra pas prévenir l’arrivée de conditions atmosphériques encore pires et l’augmentation de catastrophes naturelles, qui auront notamment pour effet d’augmenter le nombre de personnes souffrant de la faim de 100 à 400 millions de personnes, que jusqu’à 2 milliards de personnes n’auront pas un accès total à l’eau potable et que, chaque année, il y aura environ 200 millions de réfugiés climatiques.
Les participants à la conférence étaient très clairs sur le fait que les dirigeants actuels n’arriveront pas à une solution. Ceux-ci préfèrent favoriser les intérêts économiques des capitalistes contre ceux du peuple et de la nature. Le sommet de Copenhague a très clairement illustré cela. Presque tous les groupes de travail ont pointé du doigt la responsabilité du capitalisme. Aucune solution n’est possible au sein du système actuel.
Les sentiments anticapitalistes étaient variés, de ceux qui désirent introduire des réformes énergiques jusqu’à ceux qui estiment qu’il est nécessaire de complètement détruire le capitalisme pour instaurer un système alternatif. Hélas, les discussions sont restées assez vagues au sujet de ces réformes qui seraient nécessaires ainsi qu’au sujet de l’alternative à mettre en place contre le capitalisme. Certains orateurs ont toutefois affirmé que seule une société socialiste peut réellement parvenir à fournir des solutions, mais ils se sont tus sur la manière d’arriver à l’instauration d’un tel système ainsi que sur ce que cela pourrait représenter.
Finalement, le résultat de la conférence s’est limité à une déclaration commune, essentiellement des pays les plus pauvres, en guise de préparation au sommet de Cancun (au Mexique), fin de cette année. Cette déclaration condamne lourdement le capitalisme:
«Le système capitaliste repose sur une logique de concurrence, de progrès et de croissance sans bornes. Cette production, la manière de consommer et la recherche sans bornes de bénéfices séparent l’homme de la nature, établissent une logique de domination sur la nature et changent tout en marchandise: l’eau, la terre, le génome humain, la culture, la biodiversité, la justice, l’éthique, les Droits de l’Homme, la mort et même la vie.
«Sous le capitalisme, la terre mère est réduite à une source de matières premières et les gens sont réduits à des moyens de production et à des consommateurs, appréciés pour ce qu’ils ont ou n’ont pas et non pour qui ils sont.
«Le capitalisme a besoin d’une forte industrie de l’armement pour accumuler et contrôler les zones qui contiennent des matières premières et pour opprimer ceux qui résistent. C’est un système impérialiste qui colonise la planète.
«L’humanité se trouve devant un grand dilemme: continuer sur la route du capitalisme, de la rapacité et de la mort, ou emprunter la voie de l’harmonie avec la nature et du respect pour la vie.
«Il est nécessaire de construire un nouveau système ayant pour but d’atteindre l’harmonie avec la nature et entre les hommes. L’équilibre avec la nature ne peut être atteint qu’avec l’égalité entre les hommes.»
Les conséquences d’une hausse de la température de 2°C ont été expliquées, et des propositions ont été faites pour prévenir cela. Ainsi, le texte demande aux pays capitalistes développés de consacrer 6% de leur PIB à la lutte contre les changements climatiques. Ceci devrait être faisable étant donné qu’un pourcentage similaire est consacré à la défense nationale et que le quintuple de cette somme a été dépensé pour venir en aide au système financier et aux banques. Cela en dit beaucoup au sujet des priorités des gouvernements actuels.
Le texte affirme ensuite que la récente crise financière a démontré que le marché libre est n’est pas en mesure de réguler le système financier. Il est injustifiable que le marché libre régule l’humanité et la mère terre. Le texte demande en outre que les pays évolués partagent leurs connaissances et leurs technologies avec les pays en ‘voie de développement’ étant donné que la connaissance est universelle et qu’elle ne doit pas tomber dans les mains du privé. En définitive, les pays évolués devraient diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre de 50% et commencer à remboursement leur dette climatique aux pays en voie de développement.
Pour parvenir à un accord mondial sur le climat, la proposition a été faite de fonder une cour d’appel internationale pour l’environnement et le climat. Cette cour d’appel aurait le pouvoir de poursuivre les Etats, les entreprises et les personnes et les sanctionnerait en cas de dommages exorbitants causés à l’environnement. Étant donné que l’avenir de l’humanité est en danger, on ne peut pas accepter qu’un groupe constitué de dirigeants de gouvernements puisse décider pour toutes les personnes à travers le monde, d’où la proposition d’un référendum mondial qui donnent la possibilité à chacun de s’exprimer au sujet des problèmes climatiques. La déclaration se termine par l’accord de tenir une deuxième conférence mondiale au sujet du changement climatique et des droits de la mère terre en 2011 afin de construire «The Global Peoples Movement for Mother Earth» (le mouvement global des peuples pour la terre mère) et afin de réagir aux résultats de la conférence de Cancun.
Cette conférence alternative sur le climat et cette déclaration sont assurément des pas dans la bonne direction, mais une grande partie du potentiel qui était présent n’a pas été exploitée. Quand on est en mesure de réunir plus de 20.000 représentants de mouvements sociaux, de syndicats, d’ONG, d’organisations politiques, d’étudiants, de militants et de politiciens, il est dommage de n’aboutir qu’à une déclaration à destination de la prochaine conférence des Nations Unies.
Aucune disposition n’a été convenue pour assurer que ces propositions deviennent effectives et pour aboutir à un réel changement. Une chance a été perdue d’arriver à un plan d’action international pour le climat avec des manifestations internationales, des journées d’action et même des journées de grève, tant dans le nord que dans le sud.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (Alternativa Socialista Revolucionaria) a tenu un stand et mené campagne durant toute la durée de cette conférence, ce qui a constitué une énorme réussite. Nos réponses marxistes face aux crises climatique et économique ont suscité un très grand intérêt. Nous avons récolté environ 80 adresses de personnes réellement intéressées pour s’impliquer dans le renforcement de la défense de telles idées. Nous avons utilisé une brochure avec notre position générale concernant la crise environnementale, notre journal bolivien et des livres de Marx, Lénine et Trotski, entre autres. Le succès rencontré par ce matériel illustre une grande ouverture pour la recherche d’une alternative au capitalisme et aussi pour les idées marxistes.