Début mars, des postiers venus de partout en Europe se sont rassemblés au Parlement européen pour une réunion co-organisée par le parlementaire européen Joe Higgins, du Socialist Party en Irlande (le parti-frère du PSL). L’objectif de cette rencontre était de discuter des différentes expériences concernant la libéralisation totale du marché de la poste d’ici 2011 ainsi que de la défense du service et des conditions de travail.
Article de Finghin Kelly, collaborateur de l’eurodéputé Joe Higgins au Parlement Européen
Le marché européen du courrier est immense et pesait en 2007 un chiffre d’affaires de 94 milliards d’euros. La libéralisation prévoit de donner au secteur privé sa part du gâteau. Comme leur seul objectif est de faire sans cesse plus de profits, cela signifie des économies sur le dos du personnel et du service. Joe Higgins affirme: «S’ils privatisent, c’est parce que beaucoup de profits peuvent être réalisés.»
Dans l’Union Européenne, 1,4 million de travailleurs sont concernés. Dans les entreprises privées qui arrivent sur ce marché, les salaires sont invariablement plus bas que dans le public. Une étude de la fédération syndicale internationale UNI a calculé que les salaires y sont en moyenne 20% plus bas.
Un postier néerlandais donnait un exemple des conditions de travail dans ces nouvelles entreprises: «Ce sont de véritables cow-boys. Ils payent le personnel à la pièce et non par heure et si un travailleur ne réussit pas à tout faire, il ne gagne rien. Cela entraîne des salaires très bas.» L’existence de telles entreprises met aussi sous pression les salaires chez TNT (principal fournisseur européen de services de courrier express). Au lieu de l’augmentation salariale promise, la direction veut réaliser des économies de 25% pour les deux années à venir.
François, un postier de Bruxelles, a parlé des conséquences des libéralisations pour le personnel: «En 1991, il y avait encore 43.000 postiers en Belgique, pour moins de 30.000 maintenant. (…) «Les jeunes travaillent maintenant avec des contrats temporaires de six mois aux pires conditions. Cela ne signifie toutefois pas que ceux qui travaillent depuis déjà longtemps à La Poste gagnent beaucoup. Après 37 années de service, j’arrive à 25.000 euros brut par an, contre de 800.000 à 900.000 euros par an pour la direction. En un an, c’est plus que ce que j’ai gagné durant toutes ces années!» Un postier allemand racontait encore que les entreprises privées payent 50-60% de moins que l’ancien service public. Les postiers allemands sont dépendants de l’assistance sociale pour survivre.
Les libéralisations détruisent aussi le service. Des services moins rentables sont remis en cause, comme la livraison de courrier dans les régions éloignées. Un syndicaliste allemand racontait ainsi: «la livraison dans certaines régions ne va plus être garantie.» Des milliers de bureaux ferment partout en Europe, un désastre pour l’emploi et sur le plan social. «Les bureaux de poste et la livraison du courrier jouent un rôle social important», a déclaré Joe Higgins. Des 17.000 anciens bureaux de poste, en France, 8.000 ont déjà fermé leurs portes et la direction ne veut garder à terme que 3.600 bureaux. Le postier bruxellois disait encore: «La Poste perd son côté social. Nous devons livrer toujours plus rapidement et tous les gestes sont chronométrés. Nous avons par exemple 9 secondes pour mettre notre casque. Comment le personnel de La Poste peut-il encore rentrer en contact avec le public, certainement avec les personnes âgées, si nous devons travailler sous cette forme de pression?»
Les entreprises privées se concentrent sur les éléments les plus rentables, le reste est pour le gouvernement. Au privé les profits, à la collectivité de supporter les charges. En Finlande, l’entreprise publique ne réalise plus 30-80 millions d’euros de bénéfice comme c’était précédemment le cas, la collectivité doit maintenant contribuer à hauteur de 150 millions d’euros au fonctionnement des entreprises privées à la campagne.
Joe Higgins a aussi parlé de la résistance contre les libéralisations: «Le processus de libéralisation est bien avancé. Le mouvement syndical aurait dû lutter dès le début contre les libéralisations et les privatisations. On n’aurait jamais dû permettre d’arriver à la situation actuelle. Les services postaux doivent revenir aux mains du public sous contrôle démocratique du personnel et de la collectivité.»
La revendication de la fédération syndicale internationale UNI pour un «moratoire sur la poursuite des libéralisations» était considérée comme étant trop légère. Un postier grec a ainsi déclaré: «Mon pays est sous pression, les travailleurs et les postiers sont sous pression. Les directives sont liées à la politique générale de l’UE: une politique néolibérale. Un moratoire temporaire ne suffit pas.» Le 14 avril, l’UNI mènera une action au Parlement Européen, le PSL y sera présent. La résistance doit être organisée et coordonnée par les syndicats. Terry Kelleher, un facteur irlandais et conseiller communal du Socialist Party a conclu: «Les syndicat sont partout forts dans les services postaux. Ils doivent combattre et mener des actions pour défendre les syndicalistes, le service et l’emploi. Nous devons préparer des actions à la base, coordonnées au niveau national et européen, et lutter ensemble. Voilà ce qui devrait être le travail syndical.»