Depuis la fin de l’année 2009, nos politiciens et leurs économistes bourgeois se plaisaient à saluer le retour de la croissance. En quelques jours seulement, la tendance s’est inversée vers des discours catastrophiques, notamment au sujet de la Grèce. Que s’est-il donc passé?
Par Baptiste (Wavre), article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste
La crise économique a connu un certain répit après l’intervention des différents gouvernements. Ceux-ci sont intervenus pour sauver les banques de leurs montagnes de dettes (transformées du même coup en dettes publiques), et aussi pour «restimuler» l’économie: liquidités à bon marché, primes à la casse,… Une erreur serait de sous-estimer l’impact que ces interventions ont eu: un plancher a pu être placé et a clairement freiné la crise, du moins temporairement. Mais une autre erreur serait de croire que ces interventions aient pu résoudre la crise du capitalisme.
La crise est-elle terminée?
Transférer des dettes du privé vers le public et stabiliser une activité économique en creusant encore plus les déficits publics, cela ne résout en rien la crise de surproduction du capitalisme. Les crédits à bon marché et les différents stimuli ne font que reporter l’échéance tout en permettant de créer des bulles spéculatives sur base de la montagne de dettes.
Les interventions gouvernementales ont aménagé la crise en collectivisant cette montagne. Après l’instrumentalisation de la crise par les patrons (pour attaquer les emplois et les conditions de travail), c’est en fait une seconde manière de la faire payer aux ménages.
Un certain nombre d’Etats risquent de ne pas être en mesure de payer leur dette. C’est ce risque qui est derrière l’acronyme anglais de «P.I.G.S.» («cochons»): Portugal, Italie/Irlande, Grèce et Espagne. Les Etats de la zone euro et la Suisse vont devoir emprunter 2.200 milliards d’euros cette année, ce qui revient à dire que 20% des richesses produites en 2010 dans ces Etats serviront à financer les dettes publiques..
Vers une faillite des Etats et l’éclatement de la zone euro?
Que des Etats aient une importante dette publique, cela ne date d’hier. Cela n’est pas non plus forcément dangereux pour des pays comme la Belgique où l’Etat peut se baser sur une bourgeoisie relativement forte, avec des institutions financières capables de financer la grande majorité de cette dette. Ce n’est pas le cas pour la Grèce: une majeure partie du financement de la dette publique est réalisée par l’extérieur, ce qui ouvre le risque d’une spéculation forte sur les obligations.
A cause de l’existence de l’euro, des pays comme la Grèce sont incapables de jouer pleinement sur une dévaluation compétitive de leur monnaie (ce qui aurait pour effet de baisser le prix de leurs exportations) et, d’autre part, les pays riches de la zone euro (comme l’Allemagne et la France) voient une spéculation sur leur monnaie, les amenant à «payer la note» pour les pays du « Club Med’ ».
Ces tensions ont conduit certains économistes à prédire l’éclatement de la zone euro. Il existe des contradictions entre les différentes bourgeoisies en Europe. L’introduction de la monnaie unique a été réalisée pendant une période de croissance économique avec des profits diluant les tensions entre Etats. Aujourd’hui, le retour de la crise économique remet à l’ordre du jour les tensions et contradictions, menaçant l’euro lui-même.
Néanmoins, une erreur serait de sous-estimer l’importance du processus d’intégration qui a pris place avec l’euro, à tel point que les élites européennes vont dans un premier temps tout faire pour préserver la zone euro. L’instabilité économique générée par la sortie de la Grèce de la zone euro représenterait un désavantage supérieur à l’avantage qu’une telle sortie pourrait amener. Mais un tel «plan A» ne peut être réalisé qu’avec un retour à la croissance, c’est-à-dire une fois les profits à nouveau suffisants pour payer la note du voisin. Dans le cas contraire, de plus en plus d’Etats feraient face à de telles situations de risque de banqueroute, et il est clair qu’à ce moment-là un tel «plan A» passerait vite à la trappe.
L’agenda néolibéral comme unique perspective pour les capitalistes
A l’heure actuelle (le 20 janvier), il n’y a pas encore eu d’accord concret à l’échelle européenne pour un financement de la dette grecque de sorte à contrer la spéculation sur celle-ci, tout simplement parce que les décisions politiques au sein de la zone euro sont prises au niveau national et que les pays «riches» de la zone euro ne sont pas encore prêts à payer pour la dette grecque.
A la place, les gouvernements de la zone euro ont manifesté une solidarité «politique» à la Grèce en contrepartie de quoi elle doit élaborer un plan d’austérité dur dans les finances publiques. La Grèce constitue un test pour la zone euro: d’une part sur les capacités de l’euro à surmonter une telle crise, mais aussi sur la capacité du gouvernement à faire passer une austérité forte. Le but de ces mesures serait de faire passer le déficit public de 12,7% du PIB en 2009 à 8,7% du PIB en 2010 dans un premier temps, pour finalement redescendre sous la barre des 3% pour 2012 comme le souhaite le Traité de Maastricht. Le parti PASOK (social-démocrate) fraîchement élu au gouvernement est évidemment l’outil politique idéal pour les élites européennes en vue de réaliser le boulot: la rhétorique d’unité nationale est déjà mise en avant pour justifier les mesures d’austérité. Ainsi, parallèlement aux coupes sociales, les plus fortunés devront également participer à «l’effort national», notamment via une lutte accrue contre l’évasion fiscale et une taxation des bonus dans la finance.
De plus, ce gouvernement social-démocrate tente de maintenir une stabilité sociale en reportant la responsabilité de l’austérité ailleurs: sur les fonds spéculatifs, sur le bilan du gouvernement de droite précédent et évidemment sur l’Union Européenne qui joue à nouveau son rôle d’agent néolibéral imposé depuis l’extérieur, c’est-à-dire un cache-sexe pour les gouvernements néolibéraux..
Nous ne payerons pas leur crise!
Néanmoins, cette stabilité dans l’austérité n’est pas acquise pour le gouvernement grec, comme en attestent la grève massive dans le secteur public qui a eu lieu le mercredi 10 février et la grève générale de 24h du 24 février. Au Portugal aussi, le mouvement ouvrier est en train de prendre la rue. Le CIO participe activement aux luttes en Grèce et propose une alternative claire à l’austérité: une planification démocratique de l’économie sous contrôle et gestion des travailleurs.