Grèce: une société bloquée par la grève générale

La semaine dernière, le jeudi 11 mars, la Grèce a de nouveau connu un temps mort en conséquence de l’action collective de la classe ouvrière organisée. Les travailleurs du privé et du public s’étaient unis pour la troisième, et la plus grande, grève générale en trois semaines contre le plan d’austérité draconien du gouvernement. L’action a touché 90% du secteur public et environ 90% également du secteur privé. Rien ne fonctionnait et rien ne bougeait. Les transports publics étaient complètement à l’arrêt, et seules quelques lignes de train étaient encore en service à Athènes pour que les travailleurs puissent se rendre aux manifestations et rentrer chez eux ensuite. C’était un exemple éclatant de l’énorme pouvoir dont dispose la classe ouvrière quand elle est organisée et qu’elle agit unie.

Andreas Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce), Athènes, et Niall Mulholland, CIO, Londres

Socialisme 2010: samedi 24 et dimanche 25 avril à Bruxelles

A noter à votre agenda!

La résistance contre les plans d’austérité se poursuit en grèce. Cette lutte est la seule possibilité pour les travailleurs et les jeunes de Grèce de réagir à la tentative de l’élite grecque et européenne de faire payer la crise aux travailleurs et aux jeunes. Au week end Socialisme 2010, l’évènement annuel de discussion et de débat du Parti Socialiste de Lutte, nous allons accorder une place de choix à la crise en Grèce, à la résistance qui s’y déroule et à la nécessité d’une alternative face au capitalisme.

Le PSL a invité Dimitris Pantazopoulos pour ce weekend, un membre de Xekinima (l’organisation-soeur du PSL en Grèce) et de la commission syndicale de SYRIZA (une nouvelle formation de gauche que différents courants à gauche de la social-démocratie ont rejoint).

Il parlera à différents endroits:

  • Samedi 24 avril. Au meeting d’ouverture sur la lutte contre la faillite du capitalisme (entre 11.30 et 12.15), où il parlera de la crise et de ses conséquences pour les travailleurs en Grèce, aux côtés de Senan de Tamil Solidarity, une campagne contre la répression contre les droits des travailleurs et contre les Tamouls au Sri Lanka.
  • A la commission consacrée aux nouvelles formations de gauche en Europe (de 15.30 à 18.00), et particulièrement au NPA en France avec Alex Rouillard (Gauche Révolutionaire, organisation-soeur du PSL en France) et Syriza en Grèce.
  • Au meeting de samedi soir "Seule la lutte paie!" (de 19.00 à 20.30), Dimitris parlera de la résistance et des grèves générales contre les assainissements et de la nécessité d’un programme socialiste dans cette résistance. A ce meeting nous aurons également comme orateur: Levi Sollie (délégué à Bayer) et Greg Maughan de la Trade Union and Socialist Coalition, qui parlera de la résistance croissante contre la crise en Grande-Bretagne et des élections nationales de mai.

> Vous pouvez trouver ici le programme intégral de ce week end

Les deux fédérations syndicales grecques avaient appelé à la grève pour protester contre le plan additionnel de 4,8 milliards d’euros d’assainissements et d’augmentation de taxes que le gouvernement a annoncé le 3 mars, approuvé par le parlement quelques jours plus tard. Depuis le début de l’année, sous la pression de l’Union Européenne, il s’agissait du troisième paquet d’austérité annoncé, ce qui porte le total à environ 20 milliards d’euros.

Des rassemblements de protestation ont été appelés par le syndicat GSEE et le syndicat des fonctionnaires ADEDY, un autre a été organisé par le front syndical dirigé par le parti communiste, le PAME. Les rues d’Athènes ont connu une manifestation syndicale de grande ampleur, avec entre 80.000 et 100.000 participants, une des plus grande mobilisations rencontrée ces dernières années. Bien d’autres travailleurs voulaient rejoindre les protestations mais ne le pouvaient pas parce que le plan de transports en commun prévu pour permettre aux travailleurs de rejoindre les manifestations était insuffisant (seules quelques lignes fonctionnaient à Athènes entre 10 heures et 16heures).

La grève a également touché de plus petites villes et villages, avec de grandes manifestations. La société était complètement paralysée. Mêmes de petits tenanciers de magasins ont rejoint la grève.

La dictature du marché et de l’Union Européenne

Sous la pression de l’UE et des marchés financiers, le gouvernement social-démocrate grec du PASOK a présenté la semaine dernière le dernier d’une série de paquets d’austérité pour réduire le déficit budgétaire à 8.7% du Produit Intérieur Brut pour cette année, contre une estimation de 12.7% l’an dernier.

Entre autres choses, il s’agit de couper de 7% les salaires dans les services publics, de diminuer de 30% les primes de Noël et d’été (qui sont connues comme les ‘13e et 14e mois’), de geler toutes les pensions y compris les plus basses (plus d’un million de pensionnés Grecs ont moins de 500 euros par mois) et d’augmenter les taxes sur le fuel, l’alcool et les cigarettes tout en portant la TVA de 19% à 21%.

Le sentiment dominant parmi les travailleurs en grève était bien entendu la colère, une colère et une frustration encore exacerbées et élargies par l’annonce de nouvelles économies la semaine dernière. Mais il existe également le sentiment que les actions de grève menées jusqu’à présent ne sont pas suffisantes pour stopper l’avalanche d’attaques.

Les directions syndicales n’offrent aucune voie pour la fureur des travailleurs

Les travailleurs sont furieux et veulent mener des actions, mais les dirigeants syndicaux n’offrent pas de plan concret pour faire les prochains pas en avant dans la lutte contre l’assaut du gouvernement. De son côté, le parti social-démocrate au pouvoir, le PASOK, tente de faire porter le chapeau à l’héritage laissé par le précédent gouvernement de droite de la Nouvelle Démocratie, qui a subi une cuisante défaite aux élections générales de 2009. La Nouvelle Démocratie est maintenant dans l’opposition avec 12% de moins que le PASOK, et ce fossé se creuse (le sondage le plus récent parlait d’une différence de plus de 15%).

A cause de l’absence d’opposition syndicale décisive face aux assainissements, le gouvernement du PASOK a pour l’instant été capable d’aller plus loin dans sa logique. Les travailleurs avec la conscience de classe la plus élevée accusent les fédérations syndicales dominées par le PASOK (GSEE et ADEDY) de ne faire que prétendre offrir une lutte à leurs membres.

Au vu de la grande colère parmi les travailleurs, il est probable que suivent d’autres grèves générales. Le mouvement de grève contre la ‘réforme des pensions’ et les nouvelles taxes qui vont être votées au Parlement ces prochaines semaines va probablement se poursuivre, ces deux mesures sont celles qui touchent le plus durement les travailleurs. Jeudi dernier, la grève générale avait suivi plusieurs journées d’actions allant crescendo par toutes sortes de syndicats, mais cela s’est largement déroulé sans véritable coordination.

Pour l’instant, la jeunesse n’a pas été engagée dans les protestations de masse de façon décisive. Cela s’explique partiellement parce que la crise économique ne les a pas encore touchés directement, comme c’est le cas pour les travailleurs des secteurs publics et privés. Les étudiants du secondaire, par exemple, n’ont pas participé aux manifestations en grand nombre. Mais cela peut encore changer dans la période à venir. Tant les étudiants du secondaire que les universitaires ont fait des protestations de masse ces dernières années en Grèce. Il y a un peu plus d’un an (en décembre 2008), les rues étaient remplies d’une éruption de colère parmi la jeunesse contre les brutalités policières. Maintenant, la plupart des universitaires finissent leurs examens et quelques occupations commencent à prendre place contre les conséquences des assainissements dans l’enseignement.

Occupations d’universités

Xekinima (CIO-Grèce) appelle à des occupations d’universités pour lancer une vague massive d’occupations, non seulement dans les universités, mais aussi dans les écoles. Xekinima appelle à la constitution de comités d’action de masse et à la liaison des luttes de la jeunesse et de celles des travailleurs.

Les actions de grève ont besoin d’être coordonnées et étendues. Le prochain pas doit être une grève générale de 48 heures, suivie par des grèves plus longues et répétées pour forcer le gouvernement à reculer. Des comités d’actions doivent être constitués sur les lieux de travail et dans les diverses communautés et ils doivent coordonner et lier entre elles les luttes sur les plans local, régional et national.

Cependant, si les protestations et les grèves générales ne forcent par le gouvernement à reculer, de plus en plus de travailleurs et de jeunes vont comprendre le caractère réel du gouvernement pro-capitaliste du PASOK et vont se tourner plus à gauche dans la recherche de réponses face à la crise catastrophique et aux attaques. Dans ces conditions, la proposition lancée par Xekinima d’une lutte commune et unifiée des partis de gauche pour stopper ces attaques et pour former la base d’un gouvernement de gauche basé sur les partis de gauche, la coalition SYRIZA et le parti communiste KKE, pourrait trouver de bonnes réponses parmi les travailleurs et la jeunesse. Toutefois, au vu de la frustration et de la colère d’un grand nombre de jeunes et des faiblesses de SYRIZA et du KKE, des explosions sociales aveugles et de tendance anarchistes peuvent une fois de plus dominer la scène.

Construire une alternative de gauche de masse

Les partis de gauche comme SYRIZA et le KKE ont une responsabilité cruciale pour former un ‘front unique’ avec un programme clairement socialiste qui comprenne l’opposition au payement de la dette nationale, la nationalisation du secteur bancaire, la fin des gigantesques avantages fiscaux des patrons, un programme d’investissement massif et immédiat dans les secteurs de la santé mais aussi de l’enseignement, du logement et de l’infrastructure. Par-dessus tout, pour porter un tel programme, un gouvernement véritablement de gauche doit nationaliser les services d’utilité publics ainsi que les secteurs clés de l’économie, sous le contrôle et la gestion démocratique de la classe ouvrière, pour mettre en place un plan économique apte à mettre fin à la crise dans les intérêts de la classe ouvrière et des pauvres.

Seul un gouvernement de gauche, un gouvernement basé sur la défense des intérêts de la classe ouvrière et des jeunes, peut apporter une solution face à la profonde crise économique que nous connaissons, une crise du capitalisme grec et international. Cependant, les principaux partis de gauche refusent de lutter pour un tel programme. Ce facteur est un frein sur la dynamique de développement du mouvement et des mobilisations des travailleurs et des jeunes. Dans ces circonstances, Xekinima (une des organisations qui constituent SYRIZA) popularise la nécessité d’un parti des travailleurs de masse, avec des idées révolutionnaires et socialistes, basé sur les meilleurs éléments présents au sein de SYRIZA et du KKE mais aussi au sein de certaines organisations de ‘l’extrême-gauche’.

Visite de l’euro-député Joe Higgins

Joe Higgins, membre du parlement Européen and membre de la section du CIO en Irlande, le Socialist Party, a visité la Grèce cette dernière semaine et y a parlé à plusieurs meetings de travailleurs et de jeunes. Joe a apporté un message de solidarité de la part des travailleurs irlandais, qui font eux aussi face à des attaques draconiennes contre leurs emplois et leurs conditions de vie. Il a appelé à des actions de solidarité à travers l’Europe et contre les tentativezs de monter la classe ouvrière d’un pays contre celle d’un autre. Le CIO appelle à des actions de masse coordonnées et unies ainsi qu’à des grèves à travers l’Europe, pour résister aux attaques de tous les gouvernements et aux diktats de l’Union Européenne des patrons. Lors d’un meeting véritablement réussi, un jour où il n’y avait pas de transports en communs à cause de la grève (les trains ont stoppé après la fin des manifestations) et après de longues heures de marche durant les manifestations ainsi que des confrontations avec la police, plus de 220 personnes avaient fait un effort pour participer à Athènes à un meeting public où parlaient Joe Higgins et un représentant du NPA français (le Nouveau parti Anticapitaliste). Un nombre similaire de personnes ont participé à un meeting à Salonika, où parlaient Joe et un représentant local de SYRIZA.

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