La victoire de Mahmoud Abbas à la présidence de l’autorité palestinienne est en partie l’expression de la lassitude des Palestiniens face au conflit permanent. Cependant, ces élections ont mis fin à la période de relative tranquillité. Le sanglant attentat suicide de Kari, près de la frontière israélo-palestinienne, a été revendiqué collectivement par le Hamas, le Jihad islamique et les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa. Le porte-parole du Hamas, Mushir al Masri a déclaré à ce propos : «Le fil rouge de notre existence reste la résistance armée, et nous ne permettrons à personne de nous arrêter».
Micha Teller
Les tentatives d’Abbas et du Premier ministre Ahmed Qorei de retourner à la table de négociations et de casser une partie de la résistance se heurtent au refus catégorique de toutes les autres organisations. Ainsi, Abbas a proposé d’intégrer les Brigades d’Al-Aqsa au sein de l’armée palestinienne et a promis des postes à chaque organisation qui s’allierait aux «modérés». Les représentants des Brigades ont refusé en déclarant qu’elles «continueront à lutter contre l’occupation israélienne jusqu’au bout», tout en se qualifiant «d’incorruptibles». Ces expressions indiquent la faiblesse et l’impopularité du président nouvellement élu, favori de l’impérialisme américain et du gouvernement israélien.
La position de faiblesse des dirigeants du Fatah était déjà claire lors des élections communales partielles du 24 décembre, puisque le Hamas a remporté 20% des voix alors qu’il n’y avait pas de liste et que ces élections se déroulaient en dehors de la bande de Gaza, fief du Hamas. Abbas sait qu’une confrontation ouverte avec des organisations comme le Hamas et les Brigades d’Al-Aqsa, qui jouissent d’un soutien passif mais massif, signifierait la fin de son mandat.
A cause de l’instabilité actuelle, la promesse d’Abbas de rencontrer Sharon dans les plus brefs délais est déjà impossible à réaliser. Le gouvernement israélien veut suspendre toutes les négociations tant que l’autorité palestinienne ne prend pas en charge «ses terroristes». Cela signifie que l’impuissance d’Abbas peut mener à une nouvelle phase de répression sanglante par l’armée israélienne dans les territoires palestiniens. Le ministre de l’intérieur israélien Ze’ev Boim a déjà déclaré: «Si Abbas échoue, nous lancerons dans la semaine une grande opération militaire à Gaza où nous serons obligés de faire des choix plus fermes.»
Ceci met en évidence l’objectif réel du plan de retrait israélien de Gaza. Jamais la coalition gouvernementale (composée du Likoud -le parti de Sharon-, du Parti Travailliste et de Yahadut Ha’torah -un petit parti ultra-orthodoxe de droite) n’a envisagé de faire un pas vers la création d’un Etat palestinien. «Au contraire», affirme le Likoud, «le moment est venu de mettre fin physiquement au problème des réfugiés, aux discussions aux postes frontières, etc.». L’occupation improductive et permanente de Gaza coûte trop cher à la bourgeoisie israélienne qui exige donc la séparation complète des deux régions. Mais avant de séparer totalement Gaza du monde extérieur (et de renforcer les contrôles en Cisjordanie), l’armée israélienne videra la région elle-même de tous les «terroristes». Le passé nous apprend qu’une telle opération ira de pair avec une répression brutale et des carnages en masse.
Pour nous, il est clair que le Mur de séparation, qui sépare physiquement la Palestine et Israël, est une expression de la faillite de la classe dominante israélienne à répondre à l’insécurité régnante et aux contradictions croissantes dans son propre pays.
D’autre part, l’échec des politiques, tant du Fatah que des organisations islamistes de droite, a démontré leur incapacité à répondre aux aspirations des masses palestiniennes. Ces organisations n’ont aucune solution à offrir à long terme aux Palestiniens pour contrer les humiliations et la détresse quoti-dienne dont ils sont victimes. Le capitalisme s’est avéré incapable de mettre fin à la pauvreté dans la région. La paix et le capitalisme se contredisent et chaque tentative d’arriver à une solution au sein du capitalisme dans le passé provoque une croissance de la violence et de la misère. Seule une lutte unifiée des travailleurs israéliens et des masses palestiniennes peut renverser les élites locales corrompues et peut faire en sorte que la gestion de la société soit prise en main par la classe ouvrière elle-même.
Voilà pourquoi il nous faut un parti combatif, large et démocratique des travailleurs qui puisse offrir un prolongement politique aux aspirations de la population face à l’impasse de l’impérialis-me.