De bons emplois et de bons salaires pour tous !

Le moteur de la prospérité, ce ne sont pas les entrepreneurs, mais le travail !

Après le large soutien dont ont bénéficié les travailleurs d’Inbev en lutte contre le diktat patronal – sacrifier des emplois pour garantir les bonus de la direction – il était nécessaire pour le patronat de changer d’optique en mettant en avant ses vieilles revendications. Une grosse campagne publicitaire a ainsi été lancée sous le titre «Laissez-nous entreprendre!», avec pétition et tout le bataclan. Le second signataire de cette pétition est le plus grand importateur de caviar en Belgique, quoi de plus révélateur… Quatre revendications importantes figurent dans cette campagne patronale. Que sont-elles exactement et comment y répondre?

Par Geert Cool


1. Les salaires en ligne de mire

Leur proposition

Selon les organisations patronales, les salaires sont trop élevés, ce qui handicape notre position concurrentielle: «Les coûts salariaux sont en moyenne 11% plus élevés que ceux de nos pays voisins. Le mécanisme structurel d’indexation automatique des salaires n’est pas étranger à cette situation.» L’index est un ensemble de «mécanismes de dépenses automatiques qui vont au-delà de la croissance économique». L’accord interprofessionnel (AIP) qui va être discuté en automne doit être «tourné vers l’avenir».

Que veulent-ils dire?

Le patronat se prépare à ne faire aucune concession durant les négociations pour le prochain AIP : le maintien de l’indexation, c’est déjà bien assez et si cela peut être contourné (avec par exemple une prime nette au lieu d’augmentations salariales), ce ne serait pas plus mal.

Notre réponse

  • Les syndicats contestent ces chiffres. Le rapport du Conseil Central de l’Economie (CCE) parle d’une augmentation des salaires belges basée sur les conventions collectives de 0,3% pour cette année, contre 1,% en Allemagne et 1,5% aux Pays-Bas. Ce que veut le patronat, c’est nous faire toucher le fond par une spirale vers le bas: des salaires de famine sont excellents pour la position concurrentielle. Nous disons: bas les pattes de l’index, pour un index qui représente réellement le coût de la vie!
  • Les salaires des simples travailleurs n’ont pas augmenté. Aujourd’hui, pour s’en sortir, il faut deux salaires dans un ménage. Chômage et insécurité croissants transforment les jeunes en une «génération perdue». Cela n’est pas prêt de changer si on poursuit les assainissements sur les salaires et les conditions de travail. Nous disons: de bons emplois avec de bons salaires!
  • Dans son argumentation, le patronat ne tient consciemment pas compte de la productivité, qui grimpe bien plus vite que les salaires. Nous devons produire plus dans un laps de temps plus court et en même temps travailler autant d’heures voire même plus. Résultat: tandis qu’un groupe toujours plus restreint doit travailler jusqu’à l’épuisement, les autres n’ont d’autre issue que le chômage. Pourquoi ne pas redistribuer le travail en fonction des forces disponibles? La diminution du temps de travail est inacceptable pour le patronat, mais avec des mesures comme le chômage économique, il diminue lui-même le temps de travail. Aux Etats-Unis, durant l’été 2009, une semaine de travail était en moyenne de 33 heures ! Nous disons: répartissons le travail, pas le chômage. 32 heures par semaine sans perte de salaire (que ce soit par heure ou par mois) et avec embauches compensatoires.

2. Les indemnités de licenciement

Leur proposition

Selon le patronat, il faut «une évolution en plusieurs phases vers un statut unique» et il faut «d’abord une solution au droit de licenciement», qui doit «devenir identique pour tous les travailleurs», sous conditions bien sûr d’«aucune aggravation du handicap de nos entreprises en matière de compétitivité».

Que veulent-ils dire?

Dans le manifeste patronal, trois mesures concernent ce point:

  • un préavis d’un temps égal à un nombre fixe de semaines par tranche de cinq années d’ancienneté
  • une prime de licenciement nette exonérée de charges fiscales et parafiscales
  • un régime de chômage à forte activation

Notre réponse

  • Les propositions patronales sont une harmonisation vers le bas. Nous sommes pour un statut unique pour les ouvriers et les employés, mais avec le maintien de tous les droits acquis. L’attaque contre le préavis vise à pouvoir licencier plus facilement. Le préavis actuel des employés (un certain nombre de mois par année de travail) doit être étendu aux ouvriers. Nous disons: un statut unique avec harmonisation vers le haut!
  • La prime de licenciement est une forme de salaire et ne peut donc pas être exonérée de payement pour le précompte professionnel et la sécurité sociale. Le contraire signifie un transfert de moyens de la collectivité vers les entreprises (moins de revenus pour la collectivité et la sécurité sociale, plus de profits pour les entreprises). Nous disons: les primes de licenciement, c’est du salaire; halte au travail de sape de la sécurité sociale!
  • La politique d’activation des chômeurs, c’est la chasse aux chômeurs. Il est faux de prétendre que le chômage augmente parce que de plus en plus de gens choisissent cette situation et ne veulent pas travailler. Nous disons: il faut s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs!

3. Un nouveau Pacte des Générations

Leur proposition

Selon le patronat, le travail de nos aînés plus expérimentés est un problème. Maintenant, «il est souvent plus intéressant, à partir de l’âge de 55 ans, de ne plus travailler». Il est dès lors grand temps pour un nouveau «Pacte sur la fin de carrière et la pension».

Que veulent-ils dire?

Le manifeste patronal affirme: «Une réforme profonde du système de pension, tenant compte de l’augmentation de l’espérance de vie, est indispensable. Mais il convient aussi de revoir en profondeur la période précédant la pension.» Message: travailler plus longtemps.

Notre réponse

  • Le chômage des jeunes a monté de plus de 30%, et les travailleurs les plus anciens devraient travailler plus longtemps? Nous disons: maintien de la prépension! des emplois pour les jeunes!
  • Ce n’est pas parce qu’il porterait un autre nom que ce deuxième pacte des générations serait tout d’un coup plus acceptable. Ce n’est d’ailleurs qu’un premier pas vers une discussion sur l’âge de la pension, comme aux Pays-Bas où le gouvernement et le patronat veulent aller vers 67 ans en diminuant les pensions de ceux qui partent plus tôt. Nous disons: bas les pattes de nos pensions! Des pensions légales et viables!

4. Des cadeaux verts

Leur proposition

Stimuler l’innovation et le «verdissement» de l’économie.

Que veulent-ils dire?

Après, entre autres, la déduction des intérêts notionnels et les diminutions d’impôt des entreprises, il faut un peu d’originalité pour revendiquer encore plus de cadeaux pour le patronat. Pourquoi ne pas jouer la carte du capitalisme vert?

Notre réponse

  • Le patronat a déjà reçu 4 milliards d’euros avec la déduction des intérêts notionnels (en 2008 uniquement) tandis que le taux d’imposition des 500 plus grandes entreprises du pays a baissé de 24,19% en 2001 vers 13,57% en 2008. Selon le Conseil Central de l’Economie, le patronat va recevoir cette année des cadeaux pour 8,9 milliards d’euros (4,9 milliards de diminution de charges et 3,5 milliards en subventions salariales). Combien de cadeaux veulent-ils? Nous disons: abolition des intérêts notionnels, stop aux cadeaux au patronat!
  • Une économie verte ne peut être obtenue que par la nationalisation du secteur énergétique pour que la production ne soit pas orientée vers les profits à court terme, mais en fonction des intérêts à long terme de la collectivité. Nous disons: nationalisation du secteur énergétique sous contrôle et gestion démocratique de la collectivité!

Il faut une offensive syndicale !

La manifestation du 29 janvier a mobilisé 35.000 personnes, une bonne mobilisation compte tenu du délai d’organisation d’une semaine seulement. Mais il manquait cependant des mots d’ordre ou des appels pour poursuivre l’action. A nouveau, il s’agissait d’un événement unique qui n’était pas combiné à un plan d’information, de mobilisation et d’action pour l’emploi. Cela pourrait toutefois assurer une généralisation de la lutte, au lieu de se battre entreprise par entreprise.

La campagne patronale «laissez-nous entreprendre» est à voir dans le cadre de la construction d’un rapport de forces dans les négociations pour le nouvel accord interprofessionnel fin d’année. Au moment où même les médias traditionnels doivent reconnaître que les syndicats avaient pour eux l’opinion publique face aux licenciements prévus (mais maintenant retirés) chez Inbev ou encore face à la fermeture d’Opel-Anvers, une bonne campagne d’information bien préparée et suffisamment large sur les lieux de travail serait un pas en avant vers une réponse syndicale offensive contre la volonté de faire payer la crise aux travailleurs et à leurs familles.

Nous ne pouvons pas nous faire piéger par la rhétorique sociale du PS qui plaide contre la déduction des intérêts notionnels, mais qui a voté pour introduire cette mesure. Les liens entretenus avec les partis traditionnels comme le PS, le SP.a ou le CD&V sont un frein pour le développement d’une réponse syndicale. Ces partis ont accepté la logique néolibérale et l’appliquent. Le PSL défend la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs. Mais même en l’absence d’un tel parti, rompre les liens entre les syndicats et les partis traditionnels serait toutefois un pas en avant.

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