Ces dernières semaines, les médias ont décrit Bruxelles comme une zone en guerre et certains quartiers comme des zones de non-droit. Bien que le problème de l’insécurité reste bien réel pour une grande partie des travailleurs et de leur famille, ce tableau ne correspond pas à la réalité quotidienne des Bruxellois. Très certainement pour ceux qui vivent dans les quartiers les plus pauvres de la ville.
Par Aisha (Bruxelles)
Bruxelles, ce n’est pas seulement les très riches quartiers européens, c’est aussi de fortes concentrations de pauvreté et de précarité dans le centre-ville. Ce sont les quartiers les plus précarisés qui ont connu des émeutes. Plus d’un quart des habitants de la capitale habite des quartiers où le taux de chômage dépasse la barre des 25%. Des quartiers comme celui de «Maritime» à Molenbeek, plusieurs fois secoué par des affrontements entre jeunes et police, est frappé d’un taux de chômage de 70% parmi les moins de 26 ans!
Quelle est la réponse du gouvernement face à cette violence? Il renforce l’appareil répressif de l’Etat, met en avant la politique de tolérance zéro, etc. Bref, il s’en prend aux conséquences du problème sans chercher à le résoudre effectivement. S’en prendre aux causes de la montée de cette violence signifie s’attaquer aux problèmes sociaux omniprésents.
A Bruxelles, 34% des jeunes sont au chômage. Il y existe un vrai problème d’inadéquation entre la formation des jeunes et les offres d’emplois, à 90% dans le secteur des services. En plus des problèmes de qualification et du manque d’emplois, les jeunes travailleurs de ces quartiers, souvent d’origine immigrée, sont confrontés aux discriminations à l’embauche. Le chômage touche les travailleurs de toutes nationalités, mais les personnes issues de l’immigration cumulent les obstacles. Les jeunes de ces quartiers sont donc régulièrement confrontés aux discriminations, au racisme et aux provocations policières. Mais même si les émeutes sont parfois l’expression de la colère générale de la jeunesse de ces quartiers contre cette situation et contre l’absence de toute perspective d’avenir, la forme que prend cette colère a un effet contre-productif vis-à-vis des intérêts des travailleurs dans leur ensemble.
Les premiers à payer ces actes de violence gratuite sont les autres travailleurs habitant le quartier. De plus, ces évènements sont utilisés pour appliquer une politique encore plus répressive contre l’ensemble des travailleurs. Mais surtout, cette violence gratuite offre une arme au patronat et à ses politiciens pour diviser les travailleurs. Aujourd’hui, il est nécessaire que les organisations de travailleurs interviennent dans cette situation. Pour tous ces jeunes, le manque de réponse issue de la cause des travailleurs laisse le champ libre à la recherche de solutions individuelles.
Il est essentiel qu’une réponse capable d’unifier les travailleurs soit formulée. Une revendication telle que celle du partage du temps de travail avec les 32 heures de travail par semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires permet d’unir les travailleurs, qu’ils aient ou non du travail et quelque soient leur quartier et leur nationalité.
«Les problèmes sociaux (chômage, pauvreté, et ainsi de suite) sont considérés comme des problèmes individuels qui doivent être abordés avec une politique plus sévère et répressive. Cela conduit à des mesures politiques simplistes qui s’adressent surtout à la lutte contre les symptômes: les SDF sont chassés des gares et des stations de métro, les jeunes qui brossent leurs cours sont plus sévèrement punis et leurs parents aussi. De cette façon, l’aspect de la société est éliminé du problème, reste l’aspect individuel. Sans avenir pour la ‘génération perdue’, il n’y aura aucune amélioration». (Carte blanche de Nadia Fadil, Sarah Bracke, Pascal Debruyne et Ico Maly dans le quotidien De Standaard)