Affaires, attaques contre les travailleurs,… Est-ce cela le “Bel avenir du socialisme”¹ selon le PS?

Depuis le début de la crise économique – et principalement lors des 1er mai, où le PS met un point d’honneur à se “rapprocher” des travailleurs – les pontes du Parti “Socialiste” dénoncent la “crise libérale”. Mais qu’a-t-on eu du PS depuis lors? Des affaires, des annonces d’austérité budgétaires et… le rire de Michel Daerden.

Par Stéphane (Liège) et Nicolas Croes

Manifestation de la CES le 15 mai 2009: le PS défile avec l’autocollant de la campagne de la FGTB wallonne Le capitalisme nuit gravement à la santé. Tout comme sur les paquets de cigarette, l’avertissement est sur le produit nocif…

La bonne vieille recette néolibérale

Et ce rire, il est bien nécessaire pour tenter de faire passer la pilule. C’est sans doute ce que s’est dit Di Rupo en envoyant Daerden au gouvernement fédéral s’occuper des pensions. Ce qu’il a encore dû se dire, c’est qu’en tant que réviseur d’entreprise, Michel, il connaissait les sous et il savait comment en économiser. Aujourd’hui, voilà qui est bien utile pour le gouvernement.

Tout bon comptable qu’il soit, Daerden n’est guère imaginatif. Et pour équilibrer les budgets des prochaines années, il s’est contenté de ressortir les bonnes vieilles recettes néolibérales. Dans son Livre vert des pensions, il parle de «reporter l’âge effectif de la retraite de trois ans» en «décourageant les mécanismes de départ anticipé à la retraite»(2). C’était déjà l’objectif du Pacte des Générations, mais les résultats sont, aux dires de Daerden, «décevants». Pourquoi donc? Entre autres parce que le salaire des travailleurs âgés serait… trop élevé! Il nous faut donc nous orienter vers un deuxième Pacte des Générations. Les «pistes de réflexion» avancées dans ce fameux Livre vert sont de s’attaquer au système des prépensions, d’accorder des diminutions fiscales ou des subsides pour l’engagement de travailleurs âgés, de prendre en charge par l’Etat une partie des salaires des plus de 50 ans,…

Et non, tout cela n’est pas la réponse cynique d’un Reynders volontairement aveugle fasse aux dizaines de milliers de pertes d’emplois et aux 800.000 chômeurs annoncés pour 2011. Ce n’est pas non plus le discours d’un Modrikamen pour qui des salaires sont toujours trop élevés (et tant pis pour les travailleurs qui tombent sous le seuil de pauvreté ou dans l’endettement). C’est ce qu’annonce un ministre qui se dit «socialiste», sans que personne de son parti ne trouve quelque chose à redire.

Attention, ce n’est pas de sa faute! Le vieillissement a un coût, comprenez-vous, et le fonds de vieillissement ressemble à une chaussette trouée. Mais d’où il vient ce trou? Bon, OK, c’est la crise. Les entreprises ferment. Les travailleurs sont licenciés, ils paient donc moins d’impôts (les patrons aussi, mais eux, ça fait déjà longtemps, et ce n’est pas parce que leur revenu diminue…). Sans blague, la réalité, c’est que cela fait 30 ans qu’on troue la chaussette, à coups de politiques néolibérales.

Dans ce processus de pillage de la collectivité, les «camarades» de Michel Daerden n’ont pas été les derniers. Aujourd’hui encore, ils refusent de remettre quoi que ce soit fondamentalement en cause. La Déduction des Intérêts Notionnels, par exemple, c’est un coût estimé à 4 milliards d’euros pour 2008 uniquement, et au bénéfice exclusif des patrons (3). Ce système est évidemment sorti du crâne de Didier Reynders, mais il a été voté par le PS sans le soutien de qui bien d’autres mesures néolibérales n’auraient pas pu voir le jour si facilement. Toujours maintenant, le PS continue d’estimer que ce système ne pose pas de problème. Il suffirait juste de l’aménager en interdisant son application aux entreprises qui licencient. C’est bien maigre, et ce ne sont aussi que des paroles. Le PS sait que personne ne suivra parmi les autres partis et il se garde bien de dire qu’il conditionne sa participation gouvernementale à cette modification. C’est une opération de relations publiques, rien de plus.

En résumé, la recette néolibérale, c’est donner 4 milliards d’euros aux riches, dire qu’il manque 4 milliards et les réclamer ensuite aux travailleurs et aux pauvres. C’est ce que Michel Daerden fait aujourd’hui, dans la droite ligne de l’orientation réelle de son parti.

Double langage

Le PS appelle à une «économie enfin sortie des griffes des spéculateurs, une économie qui crée de l’emploi et rend possible un modèle social élevant le bien être durable des populations.» (4) Dans différentes villes, plusieurs projections gratuites du dernier film de Michael Moore (Capitalism : a love story) ont été organisées par le PS, avec petite présentation d’Elio. On a même pu voir des individus comme Jean-Claude Marcourt arborer l’autocollant de la campagne de la FGTB wallonne «Le capitalisme nuit gravement à la santé». Voilà pour la galerie.

5-6 avril 1885, 125 ans après la fondation du Parti Ouvrier Belge Quelque chose a-t-il fondamentalement changé?

En 1865, Karl Marx parlait ainsi de la Belgique: «La Belgique est le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés». En avril 2009, l’OCDE classait la Belgique au même rang que Monaco, le Luxembourg et le Liechtenstein sur la liste des endroits favoris des riches pour éviter de payer des impôts.

Le POB et son successeur, le Parti Socialiste Belge, a durant longtemps fait fonction de mécanisme de contrôle face aux excès du capitalisme. Ce parti, les travailleurs s’en sont saisis comme d’un instrument pour défendre leurs intérêts dans le domaine politique (malgré le fait que sa direction était dès le début acquise au capitalisme). La lutte pour le suffrage universel a constitué une première étape. Mais les luttes qui se sont déroulées pour la journée de huit heures, pour les congés payés, pour un système de sécurité sociale,… ont aussi pu compter sur une traduction politique.

125 ans après la fondation du POB, la classe des travailleurs se retrouve sans abri. Le PS et ECOLO ont été séduits par les sirènes du néolibéralisme et acceptent la logique du marché dit «libre». Ils se présentent même comme les meilleurs gestionnaires de ce marché «libre». En 1885, les travailleurs des mutualités, des syndicats et des coopératives avaient pris l’initiative de fédérer les groupes politiques locaux existants en un grand parti de la classe ouvrière. Lancer un tel processus est à nouveau nécessaire aujourd’hui.

Dans les faits, Laurette Onkelinx n’hésite pas à louer le gouvernement «socialiste» grec qui «travaille à éviter la faillite» (5). Ce «travail» est constitué du gel des salaires du secteur public, de suppressions de primes (qui composent une grande partie des salaires), d’une augmentation des impôts sur le carburant, le tabac et l’alcool, du remplacement d’un travailleur sur cinq dans la fonction publique ou encore de l’augmentation de l’âge d’accès à la retraite de deux ans. Voilà une belle vision de la façon dont le PS pense que l’on peut «éviter la faillite» d’un Etat. C’est exactement de cette manière que les patrons et actionnaires veulent que cela se passe, et c’est exactement cela que le PS est disposé à faire. Plus que cela, il a plus que tout autre les moyens de le faire, il a ses liens avec les directions syndicales et garde son image de prétendu «moindre mal». En d’autres termes, le PS est le mieux placé pour faire passer la pilule prescrite par les patrons.

Pour un nouveau parti des travailleurs

Dans de nombreux pays en Europe et ailleurs, des syndicalistes, des travailleurs, des allocataires sociaux, des militants politiques, etc. ont dit «ASSEZ!» et ont lancé des initiatives pour construire de nouveaux instruments politiques pour les travailleurs et leurs familles. Avec toutes leurs différences, leurs défauts et leurs victoires, des partis comme le NPA en France ou Die Linke en Allemagne ainsi que des initiatives comme la TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition – Coalition de syndicalistes et de socialistes) en Grande Bretagne représentent des pas importants posés vers la constitution de nouveaux partis des travailleurs de masse, pour autant bien sûr que les opportunités soient correctement saisies, comme l’illustre l’effondrement du PRC en Italie après sa participation gouvernementale.

Chez nous comme ailleurs, nous avons un besoin urgent d’un prolongement politique pour les luttes des travailleurs, également afin d’éviter que les directions syndicales ne se cachent derrière l’absence de choix à gauche pour soutenir le «partenaire privilégié». Le PS remercie ce soutien à coups de poignards dans le dos de la population.


(1) «Le bel avenir du socialisme» est le titre du dernier livre de Paul Magnette, ministre du climat et de l’énergie et personnalité montante au sein du parti socialiste.

(2) Le Soir du 11 février 2010

(3) De Morgen du 10 décembre 2009

(4) Sommet européen et «Stratégie UE 2020», www.ps.be, mis en ligne le 10 février 2010

(5) Le Soir, 13-14 février 2010.

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