Italie : Une campagne «anti-TGV» contre la destruction de l’environnement

L’euro-parlementaire Joe Higgins a récemment rendu visite à des militants anti-TGV en Italie. Ces derniers sont en train de mener campagne et d’organiser une opposition de masse contre une liaison ferroviaire à haute vitesse fiancée par l’Union Européenne, avec de graves conséquences pour l’environnement.

Par des reporters du CIO

En novembre dernier, lors d’un meeting national de Controcorrente à Gênes, le Parlementaire Européen Joe Higgins a rencontré Nicoletta Dosio, une des principales militantes de cette campagne. Là, Joe avait été invité au Val de Suse afin d’y rencontrer les habitants et de voir ce qu’il pourrait faire pour aider cette campagne à travers l’Europe. L’Union Européenne finance la construction d’une liaison de train à haute vitesse de Turin à Lyon, mais cette liaison va couper en deux le Val de Suse, une belle vallée avec une population de 80.000 personnes réparties dans 40 différentes villes, détruisant l’environnement et menaçant la santé des populations locales.

Communiqué de presse

A la suite de sa visite, Joe a envoyé le communiqué de presse suivant :

«Ma visite du 20 février au Val de Suse m’a prouvé à quel point la position de la campagne NO TAV («Non au TGV») est absolument correcte. Cette campagne est une campagne massive d’opposition, véritablement impressionnante, face au projet de construction d’une liaison TGV qui n’est pas nécessaire mais qui aurait des conséquences catastrophiques pour les communautés du Val de Suse tout en impliquant une importante destruction environnementale dans une région d’une grande beauté naturelle. Confrontés à la répression par la police et par la mafia, des milliers de gens ont courageusement tenu bon afin de défendre leurs communautés. Ils sont un brillant exemple pour les militants environnementaux et communautaires partout dans le monde.

«Ayant vu la région de mes propres yeux, je compte bien redoubler d’efforts afin d’assister cette campagne. Je vais soumettre une question détaillée à la Commission Européenne afin d’obtenir les dernières informations pour la campagne et d’exercer une pression sur les autorités européennes dans le but d’annuler le soutien européen. Je vais aussi utiliser ma position et le travail des sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (www.socialistworld.net) afin de faire connaître cette campagne et organiser un soutien à l’échelle internationale»

Une campagne de masse

Certains militants locaux comme Nicoletta militent depuis 21 ans contre le projet de liaison TGV, mais ce n’est vraiment que depuis les dix dernières années que le mouvement a pris un caractère de masse. En 2007, une pétition a été signée par 32.000 habitants des zones affectées par le projet et amenée à l’UE à Bruxelles. Pour pouvoir faire progresser le projet de TGV, les habitants devraient être d’abord consultés. Comme d’habitude, les spéculateurs, les grandes entreprises et les politiciens sont en train de fouler les droits des petites gens dans l’intérêt de leurs profits.

La campagne a atteint un stade critique, parce qu’afin d’obtenir un soutien financier européen, des sondages (forages) doivent être entrepris dans la zone. Le 23 janvier, 40.000 personnes ont manifesté en opposition, et des «presidi» (camps de protestation) permanents ont été établis là où les forages sont censés être effectués. Ces presidi ont été construits par la population en tant que lieux de rencontre, de repas et de repos pour les manifestants, mais aussi en tant que ressource pour la communauté locale. En fait, c’est une forme de vie alternative basée sur la solidarité, la coopération et l’esprit de communauté qui est en train de prendre forme.

Confrontés à une opposition de plus en plus grande de la population, les techniques d’intimidation et de répression se sont aussi intensifiées. Des presidi ont été incendiés, et une des récentes manifestations de nuit (les forages sont effectués de nuit afin de minimiser l’opposition) a été brutalement attaquée par la police, blessant 22 personnes, dont 2 gravement. 600 policiers sont déployés pour chaque tour de forage, et il y a 4 tours pour chaque forage.

«C’est l’un des nôtres»

Joe a visité à l’hôpital Marinella une des victimes de la brutalité policière. Malgré son nez cassé, une blessure à la tête et le fait que son corps soit recouvert de bleus, elle a juré que quoi qu’il arrive, elle était déterminée à poursuivre la lutte.

Joe est ensuite passé de presido en presido afin de rencontrer les gens et discuter avec eux. Au premier presido, San Antonino, il a été accueilli par l’applaudissement de 200 manifestants et par un orchestre qui jouait de la musique irlandaise! «Il est clair que cette liaison ferroviaire n’est pas nécessaire», a-t-il dit à la foule. «Cette belle vallée large de seulement deux kilomètres, bordée de montagnes, est déjà parcourue par une autoroute, une ligne de chemin de fer et deux routes nationales… Alors pourquoi les politiciens veulent-ils y construire une ligne de TGV, contre la volonté de la population locale? Ce pourrait-il qu’ils soient en ligue avec les spéculateurs, le grand patronat, les entreprises de construction et la mafia qui en seront les principaux bénéficiaires?»

«On dirait que ça fait 10 ans qu’il est là, pas 10 minutes» a dit un des manifestants. «Il comprend tout.»

A tous les presidi, Joe a été accueilli chaleureusement et informé quant aux risques environnementaux auxquels la population locale est confrontée. Le projet prévoit de faire passer la liaison ferroviaire à travers la montagne qui contient de l’amiante et de l’uranium, ce qui pourrait poser de graves problèmes. Le terrain de la région est fragile, avec le risque de glissements de terrain, et là où les autres lignes de chemin de fer ont été construites, comme celle de Muginello en Toscane, de précieuses ressources en eau ont été détruites. Comment cette destruction peut-elle être justifiée lorsque la ligne ferroviaire déjà existante ne tourne qu’à 30% de sa capacité ?

Au soir, Joe a pris la parole devant un meeting public organisé avec Nicoletta à Bussolano. Elle a présenté Joe aux 200 personnes présentes en parlant des campagnes locales auxquelles Joe a pris part en Irlande, contre la taxe sur l’eau, la taxe sur les poubelles et la raffinerie Shell. Lorsque Joe a expliqué qu’il ne reçoit que le salaire d’un travailleur moyen, la salle a connu une explosion d’applaudissements. «Il est des nôtres!» a crié quelqu’un. «Il ne s’habille pas chez Armani» a crié quelqu’un d’autre.

Une autre personne a dit «Il devrait se présenter en Italie, on a bien besoin de gens comme lui», mais quelqu’un a alors rétorqué «Ils l’en empêcheraient – il est trop éthique.»

Le lendemain, en plus de continuer le tour des presidi, Joe a rencontré le président de la Communauté de la Montagne et divers maires et conseillers NO TAV. Il a promis qu’il ferait tout ce qu’il pourrait en Europe afin d’aider la campagne, mais tout au long de sa visite, il a insisté sur le fait que ce serait seulement la détermination, la résistance de masse et l’unité de la population en lutte qui pourra vaincre ce projet. «D’après ce que j’en ai vu au cours des deux derniers jours, ils ne seront jamais capables de construire ce chemin de fer», a-t-il déclaré.

Finalement, le dimanche soir, Joe a rencontré une trentaine de travailleurs en lutte dans diverses entreprises du Val de Suse. Comme ils l’ont expliqué, quasi chaque usine de la vallée soit a fermé, soit se trouve dans la «cassa integrazione» (où les travailleurs sont « temporairement » licenciés et reçoivent une partie de leur salaire, souvent avant le chômage). Marco, un jeune travailleur d’Azimut, la plus grande entreprise de la région, qui fabrique des yachts, a expliqué comment 350 travailleurs en CDD ont perdu leur emploi, et comment d’autres doivent maintenant accomplir le travail de ceux qui ont été virés, y compris en heures sup’. Un des arguments qui est mis en avant par les partisans du TGV est qu’il amènera de l’emploi dans la région. Mais avec la privatisation du chemin de fer existant, des centaines d’emplois locaux seront détruits. Les habitants veulent des emplois décents et permanents, par du travail temporaire dans des conditions dangereuses ou illégales qui est le seul type d’emploi que le TGV amènera – s’il en amène.

Joe s’est engagé à maintenir le lien avec la campagne NO TGV et à les représenter au Parlement Européen. Le slogan du mouvement est « A sará dura » (« A ça sera dur »), mais les habitants sont déterminés à défendre leur communauté, leur environnement et leur futur.

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