Pays-Bas: Le rôle de l’armée néerlandaise en Afghanistan déclenche la chute du gouvernement

Les partis de l’establishment projettent d’immenses coupes budgétaires après les nouvelles élections

Après une semaine de crise politique intense autour d’un rapport concernant le soutien du gouvernement néerlandais à la guerre en Irak et au sujet de la prolongation de la mission militaire néerlandaise en Uruzgan (province centrale d’Afghanistan), le gouvernement néerlandais est tombé. Les Ministres du Parti Travailliste (PVDA, social-démocrate) vont démissionner et un cabinet temporaire va être mis sur pied, incluant les Ministres du Parti Démocrate-Chrétien et de l’Union Chrétienne (un petit partenaire de coalition).

Pieter Brans, Offensief (partisans du CIO aux Pays-Bas)

La cause immédiate de la chute du gouvernement est l’ambition de Maxime Verhagen, Ministre des Affaires Étrangères (et peut-être prochain dirigeant des Démocrates-Chrétiens) de prolonger la mission militaire néerlandaise en Afghanistan. En 2007, le gouvernement avait décidé que cette mission se terminerait en août 2010. Sous la pression de Washington et de l’OTAN, Verhagen a œuvré en faveur d’une poursuite de la présence militaire néerlandaise (environ 2000 soldats en Uruzgan). Toutefois, selon les sondages, 50% de la population des Pays-Bas est opposée à la mission.

Le PVDA s’en est tenu à l’accord précédent et a rejeté les arguments comme quoi la situation aurait changé à cause de la «politique d’offensive» menée par le Président Obama. Sous la pression populaire, le dirigeant du parti Wouter Bos (Ministre des Finances) s’est senti obligé de rejeter la requête de l’OTAN qui demandait que les forces néerlandaises prolongent leur «mission» militaire en Afghanistan, au sujet de laquelle il a déclaré ne pas avoir été informé. Le PVDA est aussi mis sous forte pression de part les sondages qui prédisent une défaite lors des élections communales du 3 mars.

Cette crise gouvernementale est arrivée après une longue série de petites crises politiques, y compris autour du contrat pour les avions «Joint Strike fighter» (les Démocrates-Chrétiens le voulaient, les travaillistes du PVDA non, mais l’ont finalement concédé), autour d’une réforme de la loi qui aurait facilité les licenciements (les Démocrates-Chrétiens en rêvaient, mais on dû laisser tomber), autour de l’évaluation de l’enquête sur la participation néerlandaise dans la guerre d’Irak (les Démocrates-Chrétiens ne voulaient pas de cette enquête et ont rejeté les conclusions de la Commission, qui incluaient entre autres le fait que cette guerre était illégale au regard du droit international, mais ont été finalement été contraints de reculer sur ce point), et la rehausse de l’âge des pensions à 67 ans (qui a constitué une pilule amère pour le Parti Travailliste et pour les syndicats). L’immense potentiel pour qu’un mouvement de protestation se développe contre ces enjeux a été saboté par la direction syndicale liée au Parti Travailliste.

Les conflits et crises du gouvernement sont devenus de plus en plus difficiles à gérer, sur un fond de croissance du soutien pour les partis de droite, surtout pour le Parti de la Liberté populiste et anti-immigrants de Geert Wilder. Le Parti de la Liberté a déclaré qu’il ne participera pas aux élections communales de mars, tablant sur la continuation des frustrations populaires afin de se construire, et sur le fait que cela lui offrira un excellent tremplin pour les élections parlementaires nationales initialement prévues pour mai 2011. Maintenant il sera capable de se présenter pour les élections nationales anticipées en exploitant l’humeur anti-gouvernement avec un discours populiste de droite.

Un enjeu plus fondamental est le programme de coupes budgétaires, d’environ 35 milliards d’euros, que le gouvernement était en train de préparer. Après avoir dépensé près de 90 milliards d’euros pour sauver les banques néerlandaises décrépites, le gouvernement se prépare à des coupes qui pourraient bouleverser la société néerlandaise. Comme de nombreux autres gouvernements européens, le gouvernement néerlandais cherche à démanteler des pans entiers de l’Etat-providence.

Nouveau gouvernement – courte lune de miel

En ce moment, la classe ouvrière néerlandaise n’a pas une direction qui est préparée à défendre ses intérêts de classe de manière adéquate. Les élections qui avaient au départ été prévues pour 2011 auraient dû fournir aux organisations de la classe ouvrière néerlandaise le temps de souffler après la défaite de la résistance contre la hausse de l’âge de la pension, pour pouvoir partir à l’offensive à la fois sur le plan politique et syndical. Les partis pro-marché néerlandais vont entrer dans la prochaine campagne électorale (les élections tombant probablement en juin) sur l’air de «d’immenses coupes sont nécessaires, inévitables et pour le bénéfice de «nous» tous». Ils vont tenter de cacher l’ampleur des attaques qu’ils comptent mener sur les droits et les conditions des travailleurs. L’enjeu des coupes sera gardé aussi vague que possible.

Après cela, ils vont chercher à avoir une coalition gouvernementale aussi stable que possible afin de mettre en œuvre un plan d’austérité draconien. Mais ce ne sera pas si facile que ça. On ne peut plus compter sur le Parti Travailliste. Le Parti de la Liberté n’est pas un facteur stable, comme l’a montré son prédécesseur en 2002 lorsqu’il faisait partie du gouvernement national.

Malheureusement, le mouvement ouvrier des Pays-Bas doit se développer et même être reconstruit en termes de programme, d’idées, d’organisations et de combativité (il y a eu de bons exemples récemment). Les syndicats vont se retrouver sous la pression de leur base qui voudra résister à de nouvelles « mesures de crise » (càd coupes, pertes d’emplois et gel salarial) par les patrons et par le gouvernement. Le Parti Socialiste néerlandais (un parti réformiste large qui attire des couches de travailleurs et de jeunes) a fait des ouvertures vers le Parti Travailliste et a viré vers la droite (y compris en attaquant les socialistes de lutte à l’intérieur de ce parti), mais une résistance ouvrière de masse face à l’agenda d’austérité pourrait changer le cours de ce parti.

Avec une crise gouvernementale en février, des élections communales de mars et des élections nationales en juin, la situation aux Pays-Bas devient de plus en plus politisée. Sur le court terme, les parties conservateurs pro-capitalistes pourraient en être les principaux bénéficiaires sur le plan électoral. Mais les mesures qu’un nouveau gouvernement de coalition va sans aucun doute prendre afin de sauver le capitalisme vont commencer à modifier la situation, ce qui mènera à des collisions avec la classe ouvrière et à une radicalisation. Une chose est sûre, ce nouveau gouvernement deviendra très rapidement extrêmement impopulaire !

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