Hier, le groupe Carrefour a fait connaître sa volonté de licencier 1672 personnes et de fermer 21 magasins en Belgique. Si les médias parlent de bénéfices en baisse, Carrefour a néanmoins réalisé l’an dernier un bénéfice de plus de 400 millions d’euros. Les travailleurs sont sacrifiés pour la soif de profits aveugle des actionnaires. Il faut résister!
Par Jonas
De nos archives
- 2007: GB : 900 emplois menacés
- 2007: Wal-Mart: le modèle américain
- 2008: Carrefour solde ses employés
- 2008: Nouvelles actions de grève aux Carrefour et nouvelles agressions patronales
- 2008: La colère chez Carrefour ne diminue pas
- 2008: Des huissiers employés pour casser les piquets de grève
- 2008: Carrefour – Une lutte à l’issue décisive pour l’avenir
- 2009: Les syndicats contre Carrefour (et la limitation du droit de grève)
- 2009: Protestation contre les attaques sur le droit de grève
Des rumeurs circulaient déjà depuis quelques jours au sujet d’un nouveau plan d’assainissement chez Carrefour. Une chose était claire, il était question de centaines de licenciements. Carrefour s’ajoute à la liste des multinationales présentes en Belgique qui ont dévoilé des plans de “ restructuration” : Opel, Bayer, Inbev,… à un moment où des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes se trouvent déjà sans emploi.
Et puis la nouvelle est tombée: 1.672 personnes risquent de perdre leur emploi et 21 magasins de fermer d’ici au 30 juin. Les sites concernés sont ceux de Bruges, Middelkerke, Zwijnaarde, Malines, Westerlo, Genk, Eupen, Kuurne, Mouscron, Renaix, Casteau, Haine-St.- Pierre, Jumet, Gand, Courtrai, Anvers, Maaseik et Maasmechelen. En plus, 10 magasins doivent être franchisés et 20 cédés à la famille Mestdagh. Le dépôt de Ternat (de Logistics, un sous-traitant), qui compte un personnel de 270 personnes, va également fermer. Ternat Logistics fournit surtout les hypermarchés. Il est encore question de geler les salaires des travailleurs qui sont sous la Comité Paritaire 312 (concernant les ouvriers et employés des grands magasins).
Des licenciements prémédités
La direction craignait qu’un tel plan d’économie ne soit considéré comme totalement inacceptable par le personnel mais aussi par l’opinion publique. C’est pour cela que ces licenciements ont été préparés des mois durant en faisant circuler toutes sortes de scénarios catastrophe. Il y a déjà plusieurs mois, on a lancé une rumeur selon laquelle le groupe Carrefour dans sa totalité pourrait quitter la Belgique, rumeur destinée à susciter une peur telle que le personnel accepte plus facilement le plan d’économie actuel.
Les chiffres de la comptabilité de la chaîne ont aussi été consciemment falsifiés. Au nouvel an, la direction a retiré de Carrefour-Belgique au moins 1 milliard d’euros afin d’artificiellement appauvrir la société. Le quotidien flamand De Standard déclarait ce lundi: “ en jouant avec les flux monétaires, on peut le rendre vendable (le plan d’assainissement, ndlr)… Carrefour a retiré de l’argent de la société en Belgique pour que les syndicats négocient maintenant avec une entreprise «pauvre». Du fait même que l’argent est parti, Carrefour est en quelque sorte moins vulnérable au chantage social.”
Le tantième plan d’austérité
En termes de plans d’assainissement, Carrefour n’en est pas à son coup d’essai. Ces dernières années, la multinationale en a lancé toute une série. Une méthode éprouvée est de fermer les magasins (16 en 2007) pour les revendre ensuite à des indépendants. Le personnel peut être éventuellement ré-accepté, mais avec des salaires beaucoup plus bas et une plus mauvaise protection syndicale. Mais le personnel plus âgé est alors éliminé: trop d’ancienneté et trop d’expérience syndicale.
Carrefour a entre-temps continué à recevoir des bénéfices avec la location de son installation et les droits de vente. De beaux bénéfices donc, et aucune charge sur un personnel qui pourrait en plus protester contre l’exploitation!
Un autre moyen par lequel Carrefour sacrifie son personnel pour ses actionnaires est de donner un autre statut aux travailleurs des nouveaux sites. Ainsi, il y a quelques années, un nouveau site a ouvert à Bruges, la Tour Bleue. Mais ce qui était surtout nouveau, c’était les conditions de travail du personnel. Au lieu d’être sous la commission paritaire 312, la commission des supermarchés, le nouveau personnel est tombé sous la commission paritaire 202.01, pour le commerce de détail indépendant. La direction a ainsi pu économiser 25% sur ses coûts de personnel. En plus, les travailleurs étaient contrôlés par caméra et il n’y avait pas de délégation syndicale.
Il n’est pas étonnant que ces emplois low-cost n’aient pas été très populaires parmi les chercheurs d’emploi brugeois, il a été nécessaire de ‘collaborer’ avec la VDAB (équivalent flamand du Forem). Tous les chômeurs brugeois ont été invités à une bourse à l’emploi à la Tour Bleue pour accepter un travail dans ce Carrefour. Celui qui refusait ces conditions perdait immédiatement ses allocations. L’esclavage moderne, c’est quelque chose de ce genre!
Répression
Trends/Tendance a fait connaître ce lundi que le Conseil d’Administration qui devait annoncer les licenciements serait protégé de près. Un service de sécurité a été spécialement engagé contre les employés qui n’auraient pas été d’accord de se tenir à l’écart. Cela illustre déjà en soi la manière dont Carrefour traite son personnel, surtout s’ils ne sont pas d’accord avec l’exploitation: la répression est un atout.
Là non plus, Carrefour n’en est pas à son coup d’essai. La chaîne a déjà démontré dans le passé à quel point elle méprisait le droit de grève en le foulant allègrement des pieds. Quand le personnel était en grève pour protester avec raison contre des restructurations, les piquets de grève de travailleurs et de clients n’ont rencontré de Carrefour que des coups de téléphone d’intimidation, des huissiers, des requêtes unilatérales, des astreintes, la violence physique de la direction et même la violence policière.
Même les militants politiques et syndicaux qui ont soutenu la lutte des travailleurs de Carrefour ont déjà été confrontés à différentes reprises à la répression brutale de la direction de Carrefour. Le 8 novembre 2008, avec quelques autres syndicalistes un militant de l’ACOD (la CGSP flamande) a été arrêté par la police au Carrefour de Leeuw Saint Pierre. Il a été frappé d’une amende par la suite, en plus d’une taxe-combi.
Même les médias capitalistes et le système judiciaire trouvent parfois que Carrefour exagère tout de même. En décembre 2008, le tribunal de Furnes a ainsi affirmé que la procédure de requête unilatérale utilisée par la direction pour interdire les piquets de grève était illégale.
Il faut résister
Ce n’est pas en comptant sur le tribunal et les médias que nous pouvons remporter la lutte contre les plans d’assainissement de Carrefour. Le personnel et les syndicats doivent organiser la résistance. La lutte paie! C’est ce que de précédentes actions ont déjà démontré dans le passé, y compris à Carrefour.
Ces dernières semaines, les travailleurs de Bayer et d’InBev ont montré l’exemple. Vis-à-vis de la cupidité des capitalistes, en tant que travailleurs et syndicalistes, nous devons avoir une réponse pour riposter. Durant des années, les bénéfices n’ont cessé de grimper, pourquoi devons nous continuer à payer pour ces bénéfices? Carrefour fait toujours un bénéfice net annuel de plus de 400 millions d’euros!
Accepter les exigences de la direction serait interprété comme un signe de faiblesse, et d’autres attaques suivraient encore. Dans les magasins qui ne sont pas aujourd’hui menacés de fermetures, une défaite aurait de lourdes conséquences. Pour tout cela, il faut lutter et résister. Ce mardi après-midi, le Carrefour de Leeuw Saint Pierre a donné le bon exemple en partant en grève. D’autres magasins ont suivi.
Organiser la résistance dans un supermarché est évident. Mais le personnel est divisé dans différentes implantations, et dans les plus petits magasins, le personnel se trouve souvent dans une position plus faible vis-à-vis de la répression et des huissiers. L’organisation de la solidarité entre les magasins et avec les habitants des quartier voisins est cruciale pour une victoire dans cette lutte pour conserver les emplois et les conditions de travail.
Les syndicats doivent aussi élaborer un plan de lutte si Carrefour veut faire passer ses projets en force. Généraliser la lutte vers d’autres magasins, d’autres entreprises et d’autres secteurs sera alors nécessaire.