Charlottesville. Stopper la violence d’extrême droite par la mobilisation de masse et une alternative politique

Le samedi 12 août, lors d’une manifestation d’extrême-droite à Charlottesville (dans l’Etat américain de Virginie), une brutale agression envers les contre-manifestants a causé un décès et des dizaines de blessés. Des centaines d’actions de solidarité ont par la suite eu lieu aux États-Unis contre la violence fasciste. Une semaine plus tard, plusieurs dizaines de manifestants de l’Alt-right (‘‘droite alternative’’, appellation qui regroupe les diverses tendances de l’extrême droite) se sont réunis à Boston. Face à eux, les manifestants antiracistes étaient… 40.000 ! La violence néonazie a déclenché une nouvelle vague de résistance contre l’extrême droite et contre Donald Trump.

Par Fabian (Gand)

La manifestation Unite the Right de Charlottesville regroupait des centaines de suprémacistes blancs, de fans du Ku Klux Klan et de néonazis portant des boucliers décorés de multiples références fascistes, des drapeaux à croix gammées, armés de bâtons et même d’armes à feu. Ce rassemblement nauséabond entendait protester contre la décision du conseil municipal de retirer une statue du général Lee, propriétaire d’esclaves et général en chef des armées des États confédérés durant la guerre civile américaine (1861-65).

Ce prétexte visait, à la suite du développement de l’extrême droite sur internet, à faire descendre le mouvement Alt-right dans la rue afin de poser les jalons pour l’organisation de nombreux événements racistes. Des dizaines de groupes néofascistes et de droite radicale étaient présents : Nationalist Front, Identity Evropa, Vanguard America, … Leur point commun est de défendre la ‘‘culture’’ de la ‘‘race’’ blanche contre le ‘‘multiculturalisme’’ (un ‘‘complot juif’’ pour nombre d’entre eux…). Au programme : saluts nazis, slogans antisémites (‘‘les Juifs ne nous remplaceront pas’’) et nazis, et charges contre les antifascistes. Finalement, un militant d’extrême droite de 20 ans, James Field, a foncé en voiture sur les antifascistes. La militante antifasciste Heather Heyer a perdu la vie et 19 personnes ont été gravement blessées.

L’Alt-right et Donald Trump

Le terme Alt-right a été popularisé par le site d’information de droite dure Breitbart News. Steve Bannon (son président de 2012 à 2016) a qualifié le site de ‘‘plateforme de l’Alt-right’’. Les forces qui s’identifient au terme ont été très enthousiastes à l’égard de la campagne de Trump et lui sont restés fidèles. Bannon fut d’ailleurs directeur exécutif de la campagne présidentielle de Trump et fut par la suite nommé au poste nouvellement créé de conseiller stratégique du président (il a été limogé le 18 août). Ce n’est pas un hasard si Trump a eu si difficile à condamner la violence fasciste de Charlottesville. Trump est le président américain le plus impopulaire de l’histoire, et sa cote continue de baisser. Le soutien des médias d’ultra-droite lui est donc plus que nécessaire, notamment pour dissimuler son agenda politique pro-riches derrière le slogan ‘‘America First’’.

La présidence de Trump est une expression de la crise profonde dans laquelle est plongé le capitalisme. La colère de la population n’a fait que croître face à l’explosion des inégalités et à la généralisation de la précarité. Les traditionnels instruments politiques de la classe dirigeante (les partis Républicain et Démocrate) ont perdu toute crédibilité. En l’absence d’une alternative de gauche et en blâmant agressivement divers boucs émissaires, Trump a su se profiler comme une figure ‘‘anti-establishment’’. Il a tout d’abord vaincu ses opposants issus du sérail républicain et ensuite Hillary Clinton, la candidate de Wall Street et de l’establishment par excellence.

La violence d’extrême droite

Si tous les courants regroupés derrière l’appellation d’Alt-right ne sont pas fascistes, cette mouvance est le moyen par lequel les forces fascistes essayent de paraître respectables. Par exemple, le National Socialist Movement (qui entretient des liens étroits avec Aube Dorée en Grèce) a retiré la croix gammée de son logo en 2016 pour s’intégrer plus facilement dans le spectre plus large de la droite-ultra.

La victoire de Trump a donné une nouvelle confiance à l’extrême droite. Depuis novembre dernier, le nombre d’actes de violence raciste commis par des groupes d’extrême droite a considérablement augmenté. Au cours des dix premiers jours qui ont suivi l’élection de Trump, le Southern Poverty Law Center a enregistrés 867 délits racistes, la plupart dans le cadre de célébrations de la victoire Trump. David Duke, l’ancien responsable national du KKK, a déclaré à Charlottesville: ‘‘Nous allons exécuter les promesses de Trump. C’est pourquoi nous avons voté pour lui. Parce qu’il a promis de reprendre en main notre pays.’’

En dépit d’une participation limitée (6000 personnes), la mobilisation d’extrême droite de Charlottesville fut l’expression de sa confiance croissance. La nature dangereuse de ce type de rassemblement de plusieurs milliers de néonazis armés ne doit pas éclipser le constat que cela reste malgré tout très limité face aux plus de 3 millions de personnes qui ont manifesté contre Trump lors de son intronisation en janvier dernier.

L’action directe

La droite radicale est très active sur internat, mais ce regain de confiance ne s’accompagne pas encore d’une grande capacité de mobilisation. D’autres part, à la suite des manifestations antiracistes de masse en réaction aux tragiques événements de Charlotesville, des dizaines de rassemblements de l’Alt-right ont été annulés (67 dans 36 Etats différents la semaine suivant la manifestation monstre de Boston). La force de notre nombre est la meilleure action directe qui soit.
L’extrême droite représente cependant un danger direct pour les activistes et les minorités aux États-Unis. Certains courants antifascistes considèrent la violence comme l’élément crucial du combat contre l’extrême droite. Organiser la défense du mouvement contre des fascistes armés est essentiel, c’est vrai, et nous ne pouvons pas nous reposer sur la police ou l’establishment pour cela. C’est le mouvement lui-même qui doit s’en occuper. Mais cela doit être le fait de comités de lutte démocratiques, avec la perspective d’impliquer le plus de monde possible dans la lutte. Limiter le combat antifasciste à la simple confrontation physique menace de repousser la population au lieu de l’engager dans le mouvement.

Ce serait également une erreur de ne pas élargir l’action antifasciste à l’opposition à la politique de Trump, à tous les formes de discrimination et au système qui les permet. C’est ainsi qu’il est possible d’impliquer des couches larges de travailleurs et de jeunes, à l’exemple du syndicat Longshore and Warehouse Union (dockers et autres travailleurs des ports) de San Francisco, qui a fait grève et a manifesté contre un rassemblement de Patriot Prayer le 26 août dernier. Cependant, l’action antiraciste n’est pas suffisante pour empêcher la croissance de l’extrême droite.

Il nous faut un programme politique

Le terreau sur lequel peuvent se développer des populistes de droite comme Trump et l’extrême droite ne peut être supprimé qu’en s’en prenant à la pauvreté, au chômage, au manque de logements de qualité et abordables, au sous-financement chronique de l’éducation et des diverses infrastructures,… Aux Etats-Unis, des actions locales ont eu lieu en réaction au débat sur la réforme des soins de santé de Trump. Ce thème est également particulièrement sensible pour son électorat. Certains de ses électeurs peuvent s’en détacher par un mouvement de masse autour de revendications sociales fortes. Pour arracher l’instauration de ces mesures, il faut aller chercher les moyens là où ils sont : chez les super-riches. Cela signifie concrètement de briser le système capitaliste.

Tant que se perpétuera l’exploitation capitaliste, toutes sortes de haines et de frustrations seront instrumentalisées pour diviser la majorité de la population. Seul le contrôle démocratique de la collectivité sur les énormes richesses qui existent peut assurer leur utilisation dans le but du bien-être de l’humanité et poser les bases de l’éradication du racisme, du sexisme et de l’homophobie. “None of us are free until all of us are free.” – Aucun de nous ne sera libre tant que nous ne le serons pas tous.

Et en Belgique ?

Les idées de l’Alt-right trouvent leur voie en Belgique également, tout particulièrement en Flandre où existent divers groupes d’extrême droite classiques structurés comme le NSV, le Voorpost,… Ces groupes ont toutefois difficile à mobiliser au-delà de leur cercle restreint. Ils sont par contre fort actifs sur la toile et les trolls de droite parviennent à se retrouver par-delà les frontières de leurs organisations.

Certains membres du cercle étudiant catholique ultra-conservateur KVHV ont essayé de copier le site Breitbart. Cela reste encore un phénomène marginal jusqu’ici. La confiance n’existe pas encore pour organiser des événements similaires à celui de Charlottesville. Mais cette confiance accrue est un danger pour les activistes, les personnes LGBTQI, les migrants,… cela fut illustré par les menaces ouvertes de l’ancien vice-président de l’organisation de jeunesse de la N-VA, Dylan Vandersnickt, a publié sur Facebook une caricature dans laquelle une étudiante responsable de COMAC (l’organisation de jeunesse du PTB) se faisait violer.

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