L’Asie et l’Afrique. Un processus de révolution et de contre-révolution

Les masses ont besoin d’une alternative socialiste pour mettre un terme à la pauvreté, aux guerres et à l’oppression. La discussion sur le potentiel croissant de révolution et la menace de contre-révolution en Afrique et en Asie n’a pas seulement montré l’ampleur du travail des forces du CIO dans d’importants pays, mais aussi le rôle crucial que peut jouer le CIO.

Rapport du Comité Exécutif International du CIO

C’est Clare Doyle du Secrétariat International du CIO qui a introduit la discussion, soulignant la pure énormité des problèmes qui affligent les travailleurs d’Asie et d’Afrique. Ces deux continents comportent les deux nations les plus peuplées du monde, de même que le plus grand nombre de pauvres du monde. Ils contiennent aussi certains des plus riches pays du monde, et de loin. L’héritage du colonialisme persiste sous la forme de l’oppression brutale, de la dictature et de la corruption. Des mouvements de masse, avec des proportions révolutionnaires, se sont développés après la crise de 1997 en Asie, et pas moins de sept grèves générales ont eu lieu au Nigéria depuis 2000.

Les tentatives désespérées des classes dirigeantes de se maintenir au pouvoir peut provoquer de nouvelles vagues révolutionnaires tandis que, avec la nouvelle chute de l’économie mondiale, le niveau de vie de la majorité de la population du monde néocolonial devient de pire en pire. Même dans des pays tels que la Chine ou l’Inde, dont les taux de croissance donnent l’impression qu’ils ne sont pas affectés par la crise, le raz-de-marée économique prépare le terrain pour de nouvelles convulsions sur les deux continents, dont on peut voir des signes avant-coureurs dans les âpres luttes qui se produisent chaque jour en Afrique du Sud.

Dans toute une série de pays, la soi-disant Gauche a implémenté des attaques néolibérales sur les travailleurs et les pauvres. Non des moindres, le Parti Communiste d’Inde (Marxiste) qui a subi de graves pertes lors des dernières élections, et est maintenant ravagé par la corruption. En Afrique du Sud, le Parti Communiste et son organisation syndicale, le Cosatu, sentent une intense pression de la base, les dirigeants syndicaux étant maintenant attaqués pour avoir trahi leur base. Les conditions de vie cauchemardesques au Pakistan, y compris les attentats à la bombe dans les grandes villes, ont tiré vers le bas la capacité de lutte de la classe ouvrière, mais le CIO est parvenu à y maintenir ses forces intactes. Notre section au Sri Lanka, le United Socialist Party (USP – Parti Socialiste Unifié), a réussi à organiser un congrès récemment et a déclaré son intention de présenter un candidat aux élections présidentielles.

La lutte pour les droits démocratiques – liberté des médias, droit d’organisation et de grève, droit à se présenter et à voter aux élections, droit à l’autodétermination des nations opprimées – forment une partie cruciale du programme des socialistes du CIO et de ses sections dans le monde néocolonial.

Un raz-de-marée économique

Il est ironique que les pays capitalistes avancés soi-disant « modernes » et « démocratiques » se retrouvent dépendants de ces pays, où certaines des formes d’oppression les plus barbares sont utilisées. Toutefois, ces économies sont confrontées à leurs propres raz-de-marée économiques.

L’Inde et la Chine ont été perçues comme étant des « moteurs de croissance » et l’économie du Nigéria était censée devenir le « Tigre africain ». Tandis que l’économie chinoise a été capable de résister à la tempête actuelle grâce à son plan de stimulus, et que l’Inde n’est pas tellement affectée par la chute des exportations, ces pays vont être battus par de nouvelles tempêtes économiques et sociales dans le futur proche. Le Nigéria est presque complètement dépendant sur l’exportation de son pétrole. Au cours de la dernière période, l’industrie textile y est passée de un million de travailleurs à 40 000. Même la destruction causée par la guerre au Sri Lanka est perçue comme une opportunité économique, avec des « dividendes de paix » qui vont certainement plus rapporter aux entreprises de construction chinoises et indiennes qu’aux centaines de millier de gens qui ont été déplacés pendant le massacre.

La répression et la lutte pour la démocratie

Au cours de cette discussion, le camarade Senan (Angleterre – Pays de Galles) a fait remarquer à quel point le massacre brutal au Sri Lanka, qui est censé avoir mis un terme à la guerre civile, a été perpétré par le régime Rajapakse armé jusqu’aux dents par l’Inde et la Chine. Plus de 100 000 personnes y ont perdu la vie. A la fin de la guerre, jusqu’à 300 000 personnes étaient toujours dans les faits internés dans des camps de prisonniers. L’Etat sri-lankais utilise sa victoire pour briser toute dissidence. Un journaliste a récemment été condamné à 20 ans de prison pour avoir écrit un seul article critique. Les dirigeants de l’USP sont constamment en danger.

Le régime a été temporairement renforcé par sa victoire sur les LTTE (Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul). Le pays est maintenant confronté à des élections, au cours desquels même certains des dirigeants tamouls soutiennent l’un ou l’autre des deux criminels de masse qui se présentent comme principaux candidats : le Président actuel Mahinda Rajapakse, et le Général Fonseka, qui était commandant de l’armée pendant la plupart de la guerre.

La répression militaire n’a pas été limitée au seul Sri Lanka ; elle est également symptomatique de comment le capitalisme maintient son contrôle. Le camarade Jagadish (Inde) a soulevé le fait que 750 000 soldats indiens sont maintenant stationnés au Kashmir – ce qui représente la plus grande concentration militaire du monde. En réalité, il n’y a pas une mais toute une série de guerres civiles qui font rage en différents endroits de l’Inde.

La récente expulsion d’un camarade du CIO de Chine a été un pas en arrière, mais ce n’est rien comparé aux milliers de travailleurs, de jeunes et de membres de minorités ethniques qui entrent en conflit avec l’appareil d’Etat et sont brutalement réprimés.

Des milliards de travailleurs, de jeunes et de pauvres en Afrique et en Asie sont confrontés à la lutte pour parfois les plus basiques des droits. 70% des Indiens et 80% des Indonésiens vivent sous le seuil de pauvreté. Inévitablement, les travailleurs et les pauvres vont entrer ou sont déjà en lutte. Leur bataille pour sortir de la misère en gagnant quelques dollars de plus ne suffira pas. Cette bataille sera liée à la lutte pour les droits démocratiques et à la lutte pour la prise en charge et pour la gestion de la société par eux-mêmes, via la mobilisation contre le capitalisme. En Inde – surnommée « la plus grande démocratie du monde » – un économiste vétéran a même parlé de changer le principe de « une personne, un vote » par « une roupie, un vote » ! A Hong Kong, les propositions de réformes du système électoral soutenues par le régime de Beijing renforceraient encore plus le caractère élitiste du droit de vote – maintenant déjà en grande partie le privilège d’une riche oligarchie. Les « districts fonctionnels » qui donnent des votes multiples aux riches seraient augmentés. Dans une de ces districts qui représente le secteur financier, un membre du Conseil Législatif (Legco) est élu dans un district de 140 votes mais a les mêmes pouvoirs qu’un élu en provenance d’un district de 250 000 votes ! Le peuple de Hong Kong est encore plus loin d’obtenir une véritable démocratie qu’il ne l’était en 1984 lorsque cela lui avait été promis.

Le Nigéria a subi une dictature militaire pendant 29 de ces 50 années d’indépendance. Le camarade Sengun Sango (Nigéria) a décrit l’extrême faiblesse du régime profondément impopulaire d’Umaru Musa Yar’Adua. Il y a eu une longue campagne pour l’autodétermination du Delta du Niger menée par le MEND (Mouvement pour l’Emancipation du Delta du Niger) qui a temporairement cessé après que les dirigeants de cette milice se soient laissé acheter. Le Nigéria pourrait faire face à la perspective d’un autre coup d’Etat militaire, mais aussi à des mouvements explosifs des travailleurs y compris de nouvelles grèves générales.

Le camarade Anthony (Australie) a raconté sa récente visite en Indonésie. Il a expliqué les restrictions draconiennes qui y ont été mises en place pour empêcher la formation de partis politiques ; il faut des milliers de membres enregistrés dans un grand nombre de régions. Même alors, le droit pour un parti d’exister ou pas dépend entièrement du bon vouloir de l’administration. Alors que les seuls candidats aux élections ne sont que les représentants de différentes factions de la classe capitaliste, dont la plupart des suppléants sont des officiers militaires de l’ère Suharto, la classe ouvrière n’a aucun représentant. Le KASBI, une fédération de gauche représentant 128 000 travailleurs, aux côtés de toute une série de groupes de gauche, a mené campagne pour boycotter les dernières élections. Plus de 38% de la population s’est abstenue, mais une lutte pour bâtir un parti des travailleurs est en cours. Anthony a aussi visité les réfugiés tamouls piégés sur un bateau dans le port de Merak. Alors qu’ils fuyaient au départ l’horreur des camps de prisonniers, ils se retrouvent maintenant à devoir lutter pour leur droit d’asile en Indonésie et en Australie.

Il n’y a pas d’avenir pour les travailleurs et les pauvres sous le capitalisme

L’idée que les pays du monde néocolonial devraient être appelés « pays en voie de développement » est une complète forfanterie. Le camarade Weizmann (Afrique du Sud) a soulevé le fait que l’Afrique du Sud est la société la plus inégalitaire au monde, un titre pour lequel concourent de nombreux pays capitalistes. Les travailleurs de Hong Kong ont été réduits à vivre dans des cages empilées les unes sur les autres et qui contiennent leurs effets personnels et leur matelas, tandis que la somme record de 57 millions $ a été récemment dépensée pour un seul appartement de luxe. Les travailleurs et les jeunes vont tirer, et dans de nombreux cas tirent déjà de tout ceci des conclusions importantes quant à la nécessité de remplacer le capitalisme.

Le camarade Robert Bechert (Secrétariat International) a conclu la discussion en expliquant le rôle fondamental qu’un parti socialiste peut jouer dans le re-développement des organisations ouvrières, tel que la fondation par des sympathisants du CIO de la Fédération des Travailleurs Progressistes du Pakistan, laquelle compte déjà 600 000 membres.

La différence entre la victoire de la révolution sociale ou celle de la contre-révolution peut en dernière analyse être réduite à la question de la direction de la classe ouvrière et des pauvres. Rien n’illustre mieux la nécessité d’une direction socialiste pour les masses que l’exemple de ce qui se passe lorsque celle-ci est absente ou échoue à remplir les tâches auxquelles elle est confrontée. C’est l’effondrement du Lanka Sama Samaja Party, la plus grande section de la Quatrième Internationale (trotskyste) après la Deuxième Guerre, qui a directement mené aux horreurs de la violence communautaire que nous avons vu depuis lors.

Une direction socialiste correcte pourrait montrer une issue claire hors du bourbier du capitalisme, et ceci peut attirer et attirera les meilleurs militants dans la lutte contre le système des profits. Anthony d’Australie a, pendant sa visite en Indonésie, organisé des discussions avec des organisations intéressées à une collaboration avec le CIO. En Afrique, le soutien pour le CIO au Nigéria et en Afrique du Sud peut jouer un rôle de « piste de lancement » pour la diffusion des idées du marxisme authentique dans les autres pays du continent. Le travail du camarade Ravie et d’autres sympathisants du CIO a mené à la présence du CIO en Malaisie et a aussi posé la base pour le développement de liens avec des socialistes en Birmanie et en Thaïlande.

Le CIO continue à être une force effective, capable d’appliquer les idées du marxisme dans certaines des situations les plus difficiles au monde. Les horreurs sans fin que le capitalisme inflige aujourd’hui à la masse de la population d’Afrique et d’Asie ne cesseront que lorsque le capitalisme aura été renversé par une lutte menée par la classe ouvrière. Une fédération socialiste des Etats africains et asiatiques, et une économie démocratiquement planifiée sur le plan mondial, orientée dans le but de répondre aux besoins des plus démunis sur la planète et de l’ensemble de la classe ouvrière, mettra un terme aux effets destructeurs qu’infligent le « marché libre aux gens, à l’environnement et à notre futur.

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