Après Bayer, la direction d’InBev a aussi dû reculer
Des blocages déterminés, la solidarité des travailleurs européens et brésiliens et l’indignation générale contre la rapacité de la direction d’InBev ont obligé celle-ci à faire marche arrière. Le plan initial, qui prévoyait la liquidation de 300 emplois, a été retiré. Les salaires ont été payés, le lockout a été levé et une vraie concertation sociale doit commencer. C’est une deuxième victoire pour les travailleurs après celle de chez Bayer en décembre. Mais, le jour de l’annonce de cette bonne nouvelle, un nouveau drame social était annoncé : Opel-Anvers doit fermer ses portes.
Depuis que le gouvernement a donné 21 milliards (21.000 millions !) d’euros aux spéculateurs qui se font passer pour des « institutions financières », c’est de nouveau la fête à la Bourse. Les dividendes aux actionnaires et les bonus aux managers coulent de nouveau généreusement. Le grand patron d’InBev, Carlos Britto, prévoyait un bonus de 80 millions d’euros en actions si son plan d’assainissement avait pu être réalisé. Voilà quelqu’un que Leterme peut aller voir s’il veut augmenter les 9 millions dérisoires promis par le gouvernement pour aider les victimes à Haïti. Mais la politique étrangère de Leterme n’est pas différente de sa politique intérieure : brandir des cacahuètes pour les pauvres et farfouiller généreusement dans les caisses de l’Etat pour les riches.
A quoi aurait-on pu s’attendre d’autre ? Les conseils d’administration sont pleins d’anciens politiciens qui y reçoivent leur récompense pour services rendus. L’eurodéputé Dehaene trouve nécessaire de compléter son salaire avec des postes lucratifs dans les conseils d’administration de Lotus-Bakeries, Umicore, Dexia (comme président, c’est tarif double)… et InBev. Là, il a des actions pour une valeur de 1,5 million d’euros et reçoit annuellement à peu près 80.000 euros pour sa présence à une dizaine de réunions. Comparons cela avec l’eurodéputé Joe Higgins, élu du Socialist Party (notre parti-frère en Irlande), qui ne garde pour lui-même, de son salaire royal de parlementaire européen, que le salaire moyen d’un travailleur. En tant que représentant du mouvement ouvrier, il cède tout le reste à son parti et à toutes sortes d’actions de solidarité avec les travailleurs en lutte partout dans le monde.
Chaque victoire d’un groupe de travailleurs est un stimulant pour les luttes à venir. Le conflit chez Bayer a marqué un tournant. C’est la raison pour laquelle nous revenons si largement sur ce conflit dans ce journal (voir pages 8-9). Lorsque les travailleurs de Bayer ont refusé d’accepter des pertes de salaire ou de travailler plus longtemps, l’ensemble des médias et du monde politique se sont violemment opposés à eux. La menace était claire : « accepter des assainissements ou fermer ». Le ministre-président flamand Peeters a traité d’« irresponsable » l’attitude des délégations syndicales. Le patronat de la chimie a exigé que les travailleurs puissent se prononcer contre leurs délégués. Mais les délégués n’ont pas abandonné. Et ils ont infligé à tous ceux-là une défaite humiliante. Il n’y a eu aucune concession, ni sur le salaire, ni sur le temps de travail, et la multinationale a même dû annoncer un investissement supplémentaire.
La victoire chez InBev peut, elle aussi, représenter une étape importante. Avec le blocage, InBev a rapidement utilisé son stock spécialement accumulé. Les sites du Luxembourg et des Pays-Bas ont refusé de brasser de la Jupiler tant qu’une solution n’était pas trouvée en Belgique. Au Brésil, les travailleurs avaient déjà exprimé leur solidarité et, en Allemagne, des actions étaient en préparation. La direction était piégée et a du ravaler sa proposition.
Entretemps, les travailleurs d’Opel ont aussi commencé un blocage. Nous comprenons le fatalisme qui règne parmi beaucoup de travailleurs après des mois d’insécurité. Mais nous ne sommes pas d’accord de dire qu’il est trop tard. La filiale d’Anvers est une usine très moderne, avec des lignes de production totalement amorties et du personnel hautement qualifié. Il serait criminel de perdre tout ça. Il est sans doute clair pour tout le monde que la solution ne va pas venir du secteur privé, ni de GM, ni de Magna, ni d’Opel,… Qu’est-ce qu’on attend encore pour nous emparer collectivement de ce site et d’en faire une plateforme de recherche et de mise en œuvre d’alternatives de transport écologiques ?