Europe. Un continent perclu de crises économiques, sociales et politiques

Bien que les développements économiques, sociaux et politiques varient à travers toute l’Europe, aucun pays n’est parvenu à éviter les effets de la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 30. La discussion du Comité Exécutif International du CIO a examiné les conséquences de la situation pour les travailleurs, de même que les luttes pour défendre les conditions de vie, face aux tentatives de faire payer le prix de la crise aux travailleurs et aux jeunes.

Sarah Sachs-Eldridge, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)

Dans son introduction à la discussion, Tony Saunois, du Secrétariat International du CIO, a décrit la morosité des perspectives économiques pour la région. Les perspectives d’une reprise économique sur le court terme sont au mieux anémiques dans certains pays, totalement exclues pour les autres.

Là où certains gouvernements parlent de « reprise », ceci ne sera pas un retour aux niveaux d’avant « crise financière ». En réalité, la faible croissance dans des pays tels que l’Allemagne ne créera aucun emploi et sera basée sur des plans de stimulus à court terme, tels que les primes à la casse pour l’automobile et autres mesures spécifiques.

La trame générale est un malaise économique, avec des dettes nationales brisant tous les plafonds, et un chômage en hausse. En fait, le timing du retrait des mesures stimulus, qui ont permis à ce stade de repousser le spectre d’une crise économique encore plus prolongée, pourrait être le déclencheur d’un nouveau plongeon.

Pendant la discussion, Danny Byrne a rapporté que l’Espagne a prédit un retour à la croissance en 2011, et prévoyait d’annuler son plan de relance à ce moment-là – ce qui présage des attaques massives sur les travailleurs. Mais le gouvernement espagnol devra pour cela passer sur le corps du gros de la classe ouvrière espagnole, et il y a un potentiel pour d’énormes explosions dans cette situation.

Les plans de relance ont été introduits en tant que « mesures-réflexes » par les gouvernements qui tentaient d’éviter un effondrement économique complet. Tony a montré en quoi les nationalisations des banques ne représentent pas une rupture avec la politique néolibérale des privatisations. Le gouvernement britannique a affirmé que son intention est de vendre dès que possible toute partie profitable du secteur bancaire nationalisé. Encouragés par la politique anti-ouvrière des institutions de l’Union Européenne, les gouvernements britannique et français poursuivent la privatisation des services postaux.

L’Irlande et l’Espagne, qui jusqu’à très récemment constituaient des « success stories » européennes, lorsque leur croissance économique a atteint des records, traversent maintenant une crise profonde. Le gouvernement irlandais emprunte 500 millions € par semaine et la jeunesse espagnole est confrontée à un taux de chômage de 38%. Avec le Portugal, la Grèce et l’Europe de l’Est, ces pays forment un « arc d’instabilité ». En guise d’avertissement quant à ce qui pourrait bientôt se produire ailleurs, la moitié des hôpitaux de Lettonie ont été fermés, et le secteur public y a été réduit de 40%, ces mesures brutales étant la contrepartie au prêt d’urgence accordé par le FMI.

Des lendemains qui déchantent

Derrière les données de croissance nationale en Allemagne, les détails de la situation trahissent la perspective de problèmes dans le futur, et même sur le court terme. Aron a expliqué que dans le sud-ouest, une région principalement productrice d’équipement industriel et d’automobiles, 30% des usines vont faire faillite, ce que l’on décrit comme « Detroit s’invite à Stuttgart ». L’industrie automobile connaît une surcapacité de 40-50%, mais les nouvelles industries telles que le secteur des hautes technologies ont elles aussi été durement touchées.

Alors que des pays tels que l’Islande font faillite, ce sont des éléments d’instabilité habituellement associés aux économies sud-américaines qui apparaissent en Europe. Ces éléments ne doivent pas seulement être vus sur le plan économique, mais aussi sur le plan social. Un tableau très vivant de la misère qui frappe les travailleurs et les jeunes a été donné avec la description d’une bande de terre à l’entrée de Madrid, en Espagne – un pays qui a été un des principaux bénéficiaires de la croissance – où un bidonville est maintenant apparu. Les traficants de drogue y exploitent jusqu’à 30 000 misérables tous les jours.

Cédric Gérôme a donné une image tragique du Portugal, le « grand malade » de l’Europe. Trente-cinq ans après avoir obtenu son indépendance du Portugal, l’Angola voit maintenant débarquer des immigrés de son ancienne puissance colonisatrice, avec 60 000-100 000 Portugais partis chercher du travail dans leur ancienne colonie. Près de 92% des Portugais considèrent que les perspectives économiques sont mauvaises, et la majorité est insatisfaite de sa vie.

Sascha, d’Allemagne, a décrit certaines des conséquences psychologiques de la récession, avec une forte hausse du stress causé par l’insécurité que ressentent les travailleurs concernant leur emploi et leur salaire. La vague de suicides qui a touché les employés de France Télécom et la sympathie large envers le gardien de l’équipe nationale de football allemande après son suicide sont des exemples qui illustrent la pression que doivent affronter les gens.

Instabilité

Aucun gouvernement européen ne peut plus prétendre à la stabilité sur le long terme. Il est impossible de citer un seul gouvernement stable ou fort. Certains en ce moment ne sont confrontés à aucune alternative sérieuse, et le manque d’une alternative politique ouvrière affaiblit le potentiel de riposte de la classe ouvrière. Toutefois, en faisant porter le coût de la crise aux travailleurs et aux jeunes, les gouvernements ne vont faire qu’approfondir la crise et à un certain stade seront confrontés à une opposition de masse et à des explosions sociales. Le gouvernement d’Angela Merkel en Allemagne a été récemment réélu, mais déjà des failles commencent à apparaitre. Le nouveau Ministre du Travail, Franz Josef Jung, a dû démissionner suite à un scandale où il s’est vu accuser d’avoir caché des informations quant à un sanglant raid aérien de l’OTAN en Afghanistan.

En France, 64% de la population pense que le gouvernement de Nicolas Sarkozy se dirige dans la mauvaise direction. Malgré l’intervention étatique pour renflouer les banques, la principale direction de son administration a été une continuation d’un brutal programme néolibéral. Alex de France a décrit la réalité des 60 000 nouveaux chômeurs qui attendent la pris en charge de leur dossier au Pôle Emploi, de la crise de la pénurie d’enseignants, et des grèves générales qui ont eu lieu.

Même en Russie, où Poutine bénéficie d’un soutien de 65%, il y a des signes de tensions accrues. Igor, de Moscou, a décrit la résistance aux interventions étatiques faite par les grands patrons, et le potentiel d’une scission parmi l’élite dirigeante.

La « quête du moindre mal » est une caractéristique de cette période, par laquelle des gouvernements détestés sont élus et réélus, sur base qu’ils ne sont pas aussi détestés ou craints que les autres partis capitalistes. Au Royaume-Uni, le New Labour, bien que haï, pourrait bien ne pas totalement se ramasser – simplement du fait que les Tories ont affirmé leur attention d’accomplir des coupes sociales sauvages et brutales, et aussi du fait que le souvenir du cauchemar Thatcher est toujours bien présent – même s’il n’y a en réalité pas de différence fondamentale entre la politique de ces deux partis.

Octobre 2009 a vu l’élection d’un nouveau gouvernement en Grèce. Sur base de la haine envers le gouvernement de droite, plutôt que sur base d’un soutien populaire pour sa politique, c’est le PASOK, le parti social-démocrate, qui a été élu. L’autre facette de la victoire du PASOK a été la faiblesse de la Gauche en Grèce dans sa réponse à la crise. Ce n’est que trop souvent que les partis de gauche ont limité leurs revendications et leur programme.

Les nouveaux partis des travailleurs

Avec le virage à droite des anciens partis sociaux-démocrates, les travailleurs sont confrontés dans la plupart des pays à un immense vide politique. Là où de nouvelles formations de gauche ont été lancées, telles que Syriza en Grèce, le Nouveau Parti Anticapitaliste en France (NPA), ou Die Linke en Allemagne, une bataille est en cours afin d’assurer l’avenir de ces partis en tant que partis de lutte.

Syriza est devenu une véritable référence pour la Gauche grecque, et à un moment a bénéficié de 18% de soutien dans les sondages, mais n’a reçu que 4,8% lors des élections européennes. Nikos de Grèce a décrit comment Syriza a payé pour son incapacité à jouer un rôle actif dans les luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse. Lorsque les mouvements de la jeunesse ont paralysé le pays à la fin 2008, Syriza était la seule organisation qui soutenait les jeunes, mais n’est pas parvenue à s’engager de manière active dans le processus et a en conséquence perdu du soutien. La droite de Syriza a été capable d’avoir une influence. Mais les membres du CIO dans Syriza participent à la « Deuxième Vague », un bloc de gauche au sein de Syriza, afin de tenter de démocratiser et de restructurer le parti, et lui donner une base plus politique. Le futur de Syriza n’est pas encore joué, mais cela va dépendre de sa capacité à s’orienter vers les luttes à venir.

En France, le Nouveau Parti Anticapitaliste a également subi une chute dans son soutien lors des élections européennes. Virginie de France a décrit comment la réponse de la direction n’a pas été de s’impliquer dans les luttes des travailleurs pour gagner leur soutien, mais de virer à droite. L’ampleur du manque de confiance dans la lutte peut être vu dans le programme proposé par le NPA pour les prochaines élections régionales. Il se limite à amener des revendications pour les gouvernements régionaux plutôt que sur le plan national – refusant par là de s’opposer aux licenciements et aux coupes salariales qui requièrent une action auprès du gouvernement national. Les membres du CIO participent maintenant à une alternative de gauche dans le NPA, mettant en avant un programme de lutte.

Judy Beishon a décrit le processus qui est en cours au Royaume-Uni, par lequel les composantes de « No2EU-Yes to Democracy », une coalition électorale impliquant un syndicat national, le RMT (syndicat des transports), qui a participé aux élections européennes, sont maintenant en train de discuter d’une coalition de syndicalistes et de socialistes pour les élections générales qui s’annoncent au Royaume-Uni.

Là où les travailleurs ont une alternative de gauche, il peut se trouver un large soutien pour une politique socialiste. Un cinquième de l’électorat portugais a voté pour le Bloc de Gauche et pour le Parti Communiste. Malheureusement, en ne parvenant pas à concrétiser leur potentiel, ces partis risquent maintenant de saper le soutien pour la gauche et pour le socialisme. Le Bloc de Gauche se concentre sur les élections plutôt que de s’impliquer dans la lutte des travailleurs. Le PC, malgré ses 40% de voix dans certaines importantes zones industrielles, n’a pas utilisé sa position pour mener des luttes.

Die Linke en Allemagne a connu un certain succès électoral et a été dans une certaine mesure capable de faucher l’herbe sous les pieds de l’extrême-droite au niveau national, mais a aussi mis de côté une bonne partie de son caractère anticapitaliste. La question de participer à des coalitions avec des partis capitalistes est maintenant posée.

Die Linke ferait bien d’étudier les leçons de l’échec du Parti de la Refondation Communiste (PRC) en Italie, où la participation au gouvernement capitaliste et l’administration de coupes et d’attaques contre les travailleurs sur base d’un soi-disant « pragmatisme » a mené à l’effondrement total de ce parti. Le CIO en Italie et ses sympathisants de Contra Corriente, aux côtés de militants syndicaux de gauche, vont participer à un débat au sein d’une des plus grandes fédérations syndicales d’Italie, la Cgil, concernant un document appelant à un syndicalisme de combat qui a été mis en avant par le syndicat des métallurgistes.

Sectarisme et racisme

En Ecosse, le gouvernement de minorité du Scottish National Party, élu en 2007, a évoqué l’idée d’un arc de prospérité, composé de l’Ecosse, de l’Irlande, de l’Islande et de la Norvège. Cette image est maintenant quelque peu entaillée. Mais Philip, de Dundee, a prédit que l’élection d’un gouvernement Tory à Westminster (Parlement fédéral du Royaume-Uni) pourrait donner suite à une forte hausse du sentiment indépendantiste.

En l’absence de partis des travailleurs de masse, et d’une direction décidée à la tête des syndicats, les organisations sectaires, racistes et de droite ont été capable de trouver une audience pour leur slogans simplistes visant à faire des boucs émissaires des immigrés et des minorités. Beaucoup des partis traditionnels leur ont donné une légitimité en reprenant certains aspects de leur programme raciste.

De nombreuses villes en Irlande du Nord ont connu un doublement du taux de chômage et, comme Gary l’a expliqué, avec un travailleur sur trois employé directement dans la fonction publique, ce taux de chômage va définitivement continuer à augmenter après les élections générales, où on annonce de grosses coupes dans le budget d’Etat. La Fondation Joseph Rowntree estime que 50% des enfants d’Irlande du Nord vivent sous le seuil de pauvreté. Il y a eu une hausse tragique du sectarisme sur le terrain, la violence s’étant maintenant propagée dans le centre ville de Belfast.

En France, un débat sur l’« identité nationale » donne une opportunité pour la diffusion d’idées racistes et d’extrême-droite. Au Danemark et en Autriche, les partis racistes et d’extrême-droite échauffent les esprits par leur agitation et cherchent à susciter un référendum anti-musulmans « à la Suisse » sur la question des minarets.

En Italie, Berlusconi a adopté le programme néofasciste de la Liga Nord sans aucun amendement, et d’importantes attaques y sont menées contre les immigrés et contre la classe ouvrière en général.

Quel avenir pour l’Union Européenne ?

Les institutions de l’Union Européenne vont subir une pression intense du fait de la sévérité de la crise économique. Entre 2007 et 2010, le nombre de chômeurs s’est accru de huit millions dans l’Eurozone, et on prévoit une chute du PIB de 4% cette année.

L’Europarlementaire Joe higgins et le Socialist Party d’Irlande du Sud ont été capable dans leur pays de recentrer le débat autour du Traité de Lisbonne sur la question des conditions de vie des travailleurs. Malgré une excellente campagne pour le « Non », le Traité est tout de même passé. Malgré cette « victoire » pour le patronat européen, la crise amène la possibilité que des pays tels que la Grèce soient forcés de quitter l’Eurozone.

Andros d’Athènes a argumenté qu’il pourrait s’avérer très difficile pour la Grèce de demeurer dans l’Eurozone, étant donné les contraintes imposées par les taux d’intérêts et les limites aux gouvernements qui ne peuvent utiliser la dévaluation de leur devise en tant que mesure à court terme pour éviter la crise. Mais Andros a également expliqué que le gouvernement grec serait en difficulté s’il était éjecté. Auparavant, lorsque l’économie grecque traversait une mauvaise passe, le gouvernement a brutalisé la classe ouvrière grecque pour la forcer à accepter des attaques sur ses conditions, avec la promesse que ces coupes permettraient l’entrée dans l’UE et que cela sauverait tout le monde. Cela n’est plus possible. Et si le gouvernement grec décidait de lui-même de quitter l’Eurozone, il ne pourrait plus utiliser les exigences de la législation européenne en tant qu’excuse pour ses coupes budgétaires ou pour privatiser les services publics.

Un grand point d’interrogation est maintenant posé sur les perspectives d’expansion européenne. Per-Åke de Suède, qui a récemment visité la Lettonie, a décrit à quel point la situation économique y est désastreuse. La Lettonie est passée d’une croissance de +9% à une chute de -18%, et le taux de chômage est maintenant officiellement de 19,7%. Le FMI exige des coupes sauvages en échange d’un prêt. Etant donné les mouvements de colère qui ont déjà eu lieu, le gouvernement est hésitant, mais n’a que peu d’options. La devise lettonne, le lat est en ce moment indexé sur l’Euro afin de préparer l’entrée du pays dans l’Eurozone. Toutefois, l’adhésion à l’Euro limiterait les options de la Lettonie dans sa lutte contre la crise, et annihilerait la possibilité d’utiliser la dévaluation.

Différentes phases de lutte

Tony a décrit comment, en réponse à la crise, la classe ouvrière est passée à travers différentes phases. Il y a eu dans de nombreux cas un choc initial, lorsque l’horreur de la crise a été tout d’abord ressentie. Il y a eu de la colère, lorsqu’il a été clair pour tout le monde qui allait en payer le prix. Il y a eu de grandes manifestations d’étudiants et de pensionnés en Irlande fin 2008, et des grèves et manifestations des travailleurs du public cette année. Fin 2008, nous avons vu les mouvements de la jeunesse en Grèce. Des sections entières des travailleurs, auxquels on a enlevé leurs droits et qui n’ont aucun autre choix, ont clairement exprimé leur colère et leur frustration. Parfois, des mesures désespérées ont été employées, telles que les séquestrations patronales en France. Les travailleurs des usines françaises appartenant à Sony, Caterpillar, 3M et au fabricant automobile allemand Continental, ont maintenu leurs patrons en ôtages en guise de protestation contre les plans de licenciements et de fermetures de leurs usines. A Vigo, en Espagne, les métallurgistes ont érigé des barricades et ont affronté la police d’émeute, afin de défendre leur manifestation dans le cadre de leur grève pour les salaires. En France, des routiers ont menacé de faire sauter leurs camions après qu’on leur ait annoncé leur rachat par un employeur mauvais payeur.

Malgré cela, le développement des luttes qui se sont déroulées a été limité, à cause du rôle lâche joué par les dirigeants syndicaux, et à cause de l’espoir parmi toute une couche de travailleurs que la crise pourrait n’être que temporaire. Cependant, ceci ne va pas durer, et la situation va changer au fur et à mesure que les effets de la crise continuent à frapper de plus en plus fort. Ceci pourrait déboucher en une nouvelle phase de lutte.

La participation de travailleurs jeunes et jusqu’ici inorganisés a aussi été une caractéristique des luttes, telle que celle menée par les travailleurs qui ont occupé l’usine d’éoliennes de Vestas sur l’Ile de Wight au large du Royaume-Uni, ou des employés des agences de voyage Thomas Cooke à Dublin en Irlande. Il y a aussi eu les mouvements estudiantins en Autriche et en Allemagne, qui ont suici les occupations d’universités et les manifestations étudiantes de 2008 en Espagne, en Grèce, et en Italie. En Allemagne, certains des slogans des étudiants avaient un caractère de classe : « Des parents riches pour tous ! ». Mais en l’absence d’une direction combative, un sentiment de fatalisme pouvait être ressenti parmi les 5000 étudiants qui ont protesté en Lettonie contre la hausse des frais d’inscription à l’université, une des banderoles proclamant « Le dernier étudiant à partir éteindra la lumière à l’aéroport ».

En France, les lycéens ont poursuivi la lutte et n’ont toujours pas été vaincus.

Il y a eu un certain délai avant une réponse généralisée, vu le fait que les travailleurs espèrent que la situation reviendra « à la normale » et que cette crise économique n’est qu’un passage à vide temporaire. Bien sûr, cette chimère est renforcée par les rapports de « jeunes pousses » d’une éventuelle reprise économique promus par les gouvernements, tout désespérés qu’ils sont devant la perspective de luttes de masse des travailleurs.

Judy a rapporté la hausse subite du niveau de lutte industrielle au Royaume-Uni. Les travailleurs ont été forcé de partir en action pour défendre leurs droits, même alors que les dirigeants syndicaux refusaient de les soutenir, et il y a eu toute une série d’occupations et de grèves, certaines d’entre elles ignorant les brutales lois antisyndicales.

Les directions syndicales mises à l’épreuve

Les dirigeants des syndicats irlandais sont maintenant fortement mis à l’épreuve, alors que le gouvernement irlandais cherche à couper 4 milliards € de son budget. Après deux décennies de « paix sociale » entre les syndicats et le gouvernement irlandais, la direction et les structures syndicales sont peu équipées pour le conflit épique afin de défendre leurs membres nécessité par ces attaques. Les travailleurs irlandais ont prouvé leur énorme colère et leur désir d’un mouvement, par la participation massive des travailleurs du public dans les grèves et manifestations qui ont été organisées jusqu’ici. Mais maintenant, la direction syndicale les a vendus. En fait, elle a même proposé d’offrir aux travailleurs de partir douze jours en congé non-payé – ce qui revient à une coupe salariale !

Mais ce n’est pas qu’en Irlande que les dirigeants des syndicats se sont montré à côté de la plaque. La nécessité d’organisations ouvrières qui soient « adaptées » à cette période d’assaut brutal contre le niveau de vie des travailleurs est une des tâches qui sont posées.

Joe Higgins, Euro-parlementaire du Socialist Party irlandais, a décrit la préférence de nombreux dirigeants syndicaux pour des compromis obtenus avec les patrons. Mais comme Joe l’a averti, avec une citation du grand marxiste irlandais James Connolly : « La timidité chez l’esclave induit l’audace chez le tyran » ! L’expérience a prouvé que lorsque les travailleurs acceptent une baisse de leur salaire et de leurs conditions, les patrons reviennent à la charge peu de temps après.

En Allemagne, où neuf millions de travailleurs vont l’an prochain se retrouver impliqués dans des négociations salariales, la seule alternative des dirigeants du syndicat de la métallurgie face aux pertes d’emploi est une plus courte semaine de travail avec perte de salaire. Le CIO revendique une plus courte semaine de travail mais sans perte de salaire, en tant que partie d’un programme contre le chômage de masse. Le CIO met en avant une stratégie afin de défendre les salaires et les conditions de travail.

Els de Belgique a relaté la lutte des travailleurs de la chimie de Bayer à Anvers. Ces travailleurs étaient menacés d’un gel salarial sur quatre ans et d’une tentative d’allonger leur semaine de travail. Un membre du CIO qui se trouve à une position de direction dans le syndicat des travailleurs de Bayer est parvenu à remporter un soutien pour sa position que le personnel n’accepterait pas une minute de plus, pas un cent de moins. La lutte a été élargie et a remporté l’adhésion de l’ensemble de l’industrie chimique à Anvers, et finalement celle de la direction syndicale.

Pas de retour « à la normale »

Dans sa conclusion à la discussion sur l’Europe, Niall Mulholland, du Secrétariat International du CIO, a souligné le fait que nous ne sommes encore qu’à la première phase de la crise et de ses conséquences, et qu’il serait erroné de croire que les choses vont rester comme elles le sont.

La gueule du bois qui a suivi la Chute du stalinisme et l’impact que cela a eu sur la conscience des masses doit toujours être combattu, de même que doit encore être combattu le rôle joué par les directions syndicales.

Des sondages effectués l’an passé ont révélé que, malgré les beaux discours de gens tels que Tony Blair qui voudraient que nous nous considérions tous comme étant membres de la « classe moyenne », les travailleurs sont aujourd’hui plus conscients de leur position de classe dans la société. De larges sections des classes moyennes sont aussi terriblement frappées par la crise, avec, par exemple, des milliers d’avocats qui ont perdu leur emploi dans la City de Londres.

Bien que la conscience de classe soit encore bien loin d’être mûre, la discussion a montré que de grosses sections des travailleurs sont prêtes au combat contre les attaques auxquelles elles sont confrontées. Tandis que les restes d’un espoir à un « retour à la normale » s’évaporent et que de plus en plus de gens comprennent quel est la nature du futur qui les attend, les luttes de masse et l’opposition au capitalisme vont croître.

Nikos de Grèce a décrit les mouvements de la jeunesse de la fin 2008. L’élément déclencheur de ces mouvements a été le meurtre d’un adolescent par la police, mais les raisons sous-jacentes étaient les conditions de vie des jeunes, qu’ils soient au travail ou aux études. Bien que ces conditions puissent être extrêmes en Grèce, où on a 25% de chômage des jeunes, le reste étant souvent occupé dans des jobs à temps partiel, mal payés et précaires, les conditions de la jeunesse à travers toute l’Europe se rapprochent de plus en plus de cette situation, et des mouvements similaires sont possibles. En Irlande, les moins de 23 ans vont perdre un quart de leurs allocations de chômage. Ceci n’a pas encore déclenché une opposition ou des manifestations de masse, mais des campagnes telles que Youth Fight for Jobs fourniront un outil aux jeunes pour pouvoir se rassembler et riposter.

Joe Higgins a exprimé le fait que maintenant, lorsqu’apparaissent des mouvements de la classe ouvrière, le programme de lutte de classe et pour une alternative socialiste mis en avant par le CIO a acquis un sens plus concret pour les travailleurs et pour les jeunes, et obtient une plus grande audience.

Le CIO va jouer un rôle important dans le processus de radicalisation des travailleurs et de la jeunesse, avec par exemple Joe Higgins au Parlement Européen, des Conseillers communaux CIO dans un certain nombre de pays européens, et avec l’importance que le CIO accorde à la lutte de masse, à travers nos rôles dans les nouveaux partis de gauche et dans les syndicats.

Tandis que de plus en plus de gens partout en Europe tirent la conclusion qu’une autre manière d’organiser la société est requise afin de mettre un terme au chaos du capitalisme, de plus en plus de travailleurs et de jeunes vont se mettre en quête d’une alternative socialiste.

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