L’extrême-droite américaine se fait appeler ‘‘Alt-Right’’ et est très active sur les réseaux sociaux. En France, le groupe ‘‘Génération Identitaire’’ fit parler de lui en annonçant une campagne dont l’objet consistait en l’achat d’un bateau. Son but? Permettre à ses militants de perturber les opérations visant à secourir les personnes migrant en mer Méditerranée. Cette campagne fut de suite soutenue par divers néofascistes belges. D’où proviennent ces mouvements et comment les combattre ?
Par Sander (Gand)
De la crise économique à la crise politique
La grande récession de 2008 a entrainé un profond changement du paysage politique. La confiance envers les partis traditionnels s’est effondrée et la recherche d’alternatives a pris son essor. Le taux de chômage élevé, l’immigration consécutive aux guerres dans le Moyen-Orient, la menace terroriste et le désespoir général mènent à un déni des faits pour ne pas perdre tout espoir.
Ces facteurs ont, d’un côté, favorisé l’arrivée sur le devant de la scène des tendances et organisations de la gauche conséquente ; mais, de l’autre, cela a également eu des conséquences à droite. L’élection de Trump aux États-Unis et le soutien renouvelé pour Front National en France en sont des exemples. Parallèlement à ce développement, de nouvelles formations d’extrême-droite ont émergé, à l’instar de Pegida en Allemagne, de l’Alt-Right aux Etats-Unis ou de Génération Identitaire en France.
Nouvelles formules pour la vieille extrême-droite
Ces partis et mouvements veulent s’en prendre à quelques symptômes du capitalisme en faillite, sans pour autant remettre le système en question. Leur ‘‘solution’’ se limite à la haine contre des groupes minoritaires. Ils parlent de l’identité de ‘‘l’homme blanc’’ et des menaces qui pèsent sur elle. Fondamentalement, il ne s’agit que de s’agripper convulsivement au système en faisant retomber la responsabilité de tous les problèmes socio-économiques sur les plus vulnérables au lieu de s’en prendre à ceux qui ont le pouvoir.
Le racisme et le sexisme s’expriment plus ouvertement. Les partis établis ont utilisé des éléments racistes et/ou sexistes pour tenter de ralentir leur déclin en déviant l’attention de leur propre responsabilité dans la crise du système. Il n’est dès lors pas surprenant que des variantes plus radicales trouvent ainsi un certain écho.
Des groupes comme Génération Identitaire ne sont pas neufs. Ce groupe se base sur les idées de la nouvelle-droite, une tendance d’extrême-droite des années 1960. Cette dernière était obligée de trouver une version ‘‘désencrassée’’ du vieux fascisme, bien qu’elle fût soutenue par d’anciens collaborateurs cultivant la nostalgie de l’occupation nazie. En Belgique, les mouvements d’extrême-droite après la Deuxième Guerre Mondiale étaient eux aussi portés par d’anciens collaborateurs. L’extrême-droite était isolée en raison de la place du mouvement ouvrier dans la société ainsi que de ses connexions, évidentes aux yeux de tous, avec la collaboration. L’extrême-droite s’est alors vue obligée de rechercher un profil prétendument ‘‘anticapitaliste’’ – et ce bien que, entretemps, la nouvelle-droite théorisait l’idée d’un capitalisme ‘‘communal’’ avec des zones ethniquement ‘‘pures’’ au sein desquelles les rapports de production ne changeraient pas.
Génération Identitaire s’inscrit dans cette continuité. Le groupuscule se dit favorable à une Europe ethniquement homogène, sans minorités, puisque chaque mélange culturel serait nuisible à ‘‘l’identité européenne’’. Les méthodes sont différentes, mais les idées restent les mêmes. L’emballage diffère, mais le message reste celui des années 1930. Si Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle certain dans la diffusion du racisme, c’est essentiellement parce qu’il manque une base pour construire un mouvement large actif dans la vie réelle.
Ces dernières années, le soutien pour l’extrême-droite était essentiellement passif, se traduisant surtout électoralement. Sa force mobilisatrice restait systématiquement limitée : elle ne pouvait guère rassembler plus de quelques centaines de personnes. Afin d’entrer en contact avec ce soutien passif, l’utilisation Internet représente alors un outil de choix. Forte de 20.000 adeptes, la page Facebook ‘Vlaamse Verdedigingsliga’ (Ligue de défense flamande) permettait la libération inconditionnelle de la parole raciste. Cette page disparut finalement sous les feux de l’attention médiatique. Cela dit, ce groupe ne put jamais réunir plus de 10 personnes dans la vie réelle.
Combattre le danger
Cela ne signifie pas pour autant que ces groupes d’extrême-droite ne représentent aucun danger. Ils peuvent plus largement diffuser leur racisme et trouver des individus radicalisés désireux de mettre leur racisme en pratique dans le monde réel. Ces groupes sont opposés au mouvement ouvrier, qui représente pourtant la force sociale ayant le potentiel réel de représenter la plus grande menace pour la classe dirigeante et d’unir les gens sans distinction d’origine autour de leurs intérêts communs en tant que travailleurs.
Par des actions et des prises de position spectaculaires, l’extrême-droite tente de se présenter comme étant ‘‘anti-establishment’’. Souvenons-nous de la façon dont Génération Identitaire avait utilisé les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles pour annoncer une manifestation à Molenbeek. L’événement fut interdit mais, entretemps, le groupe bénéficia d’une attention médiatique conséquente. Le problème est que lorsque le débat public est dominé par la droite, l’extrême-droite devient une voix presque ‘‘acceptable’’. Organiser la résistance antifasciste reste nécessaire pour assurer que ces groupes d’extrême-droite ne disposent pas du moindre espace d’expression, du moindre millimètre dans la rue.
La lutte contre Le Pen, Trump et les groupes d’extrême-droite ne peut être menée efficacement qu’en défendant une alternative constructive contre le capitalisme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système dans lequel ceux qui effectuent le travail prennent les décisions à la place de ceux qui profitent de ce travail. Seule une économie démocratiquement planifiée dévouée à la satisfaction des besoins de la majorité de la population peut soutenir cette pratique. De fait, celle-ci se situe à l’antipode du fonctionnement actuel consistant à rassasier la soif de profits d’une infime minorité. Cette alternative est donc de nature à réunir les gens sur une base de classe, entre travailleurs – seuls réels détenteurs du pouvoir de produire et créer notre société. C’est ainsi que nous pouvons fortifier notre lutte pour une autre société.
Ce ne sont pas les migrants – économiques ou réfugiés – qui imposent l’austérité et la misère. C’est le système de ces super-riches qui n’hésitent pas à piller des régions entières, à mener des guerres pour accéder aux matières premières et à dégrader nos conditions de vie. Ce sont d’ailleurs aussi ces capitalistes qui instrumentalisent les immigrés afin d’instaurer une pression sur les salaires en employant diverses méthodes de dumping social. Face à cela, nous défendons un système où la majorité de la population aurait réellement son mot à dire pour mettre fin à tous ces désastres économiques et sociaux.