Mélenchon, Corbyn, Sanders, etc. Le retour du péril rouge ?

Le mois de juin a connu deux élections aux résultats inédits, des deux côtés de la Manche. En France, aux élections législatives, le PS a confirmé la débâcle des présidentielles. De ses 287 élus obtenus en 2012 (302 avec ses alliés), il n’en reste plus aujourd’hui que 30 (46 avec ses alliés). ‘‘La déroute du Parti socialiste est sans appel’’, a déclaré le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis. Quelques jours plus tôt, en Grande- Bretagne, le Parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn arrivait à briser la majorité conservatrice sans pour autant remporter les élections. Mais au-delà de l’arithmétique électorale, une bataille essentielle a été gagnée : celle des idées. Le socialisme est redevenu populaire. Et la panique s’est emparée de la classe dirigeante. En route vers un Octobre rouge ?

Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

Le pari perdu de Theresa May

Lorsque la Première ministre conservatrice Theresa May a annoncé la tenue d’élections anticipées, elle entendait considérablement renforcer sa majorité parlementaire. Le Labour (parti travailliste) était 20 points derrière les conservateurs dans les sondages et son dirigeant Jeremy Corbyn était contesté en interne. Ce dernier, élu par les membres de base pour défendre un programme anti-austérité, est aux prises avec une véritable guerre civile que lui mène la droite du parti depuis 2015. Dans les faits, deux partis existent actuellement au sein du Labour: celui des partisans de Tony Blair qui soutiennent une politique favorable aux grandes entreprises et aux riches et celui des nouvelles couches qui entendent mettre un terme à la politique d’austérité autour de Jeremy Corbyn.

Au mois de mai, le manifeste électoral travailliste a été rendu public. C’était un plaidoyer en faveur de l’enseignement supérieur gratuit, de l’augmentation des dépenses dans les soins de santé, de la renationalisation de la poste et du rail,… La dérision dominait dans la presse dominante du Royaume-Uni. “Le manifeste du Labour nous ramène dans les années ‘70’’, avait ainsi sarcastiquement titré le Daily Mail. Sauf que pour une bonne partie de la population, confrontée à une austérité sauvage depuis des années, cette idée était plutôt séduisante ! Le Labour a finalement terminé sa campagne avec 40 % des voix en l’ayant commencée à 25%, ce qui constitue son meilleur résultat depuis des années. Avec un gain de 30 députés par rapport à la précédente législature, le Labour est apparu vainqueur des élections puisque les conservateurs avaient quant à eux perdu 13 députés, tout en restant malgré tout en tête. Parmi la jeunesse, 71% des électeurs se sont rendus aux urnes pour se prononcer à 72% en faveur du parti de Jeremy Corbyn.

‘‘Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer’’ – Jean-Luc Mélenchon

Quand François Hollande a été élu président en 2012, le PS disposait de la majorité à l’Assemblée et au Sénat, dans les deux tiers des départements ainsi que dans toutes les Régions, sauf une. Mais, à l’exception notable du mariage égalitaire (ouvrant ce droit aux couples de même sexe), sa politique fut synonyme de profond recul social, notamment en matière de législation du travail. Aujourd’hui, le parti a quasiment été balayé de la scène.

A sa gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon – lui-même élu – est parvenue à obtenir 16 sièges à l’Assemblée tandis que le Parti Communiste Français en obtenait 11. Même si un accord ne survient pas entre le PCF et la FI, cette dernière pourrait constituer un groupe parlementaire. Parmi ses élus figure notamment François Ruffin, rédacteur en chef du journal Fakir et auteur du documentaire césarisé Merci patron !. Il a fait une entrée en fonction fracassante en annonçant qu’il ne garderait de son salaire de parlementaire que l’équivalent du Smic (1480 euros bruts mensuels) et que son mandat serait révocable : ‘‘Si 25% des inscrits de ma circonscription souhaitent que je dégage, eh ben je m’en irai’’, a-t-il assuré.

Le parti du président Macron peut se targuer de disposer d’une majorité parlementaire, sa légitimité est bien fine compte tenu de l’abstention record qui a marqué ces élections législatives (57% au second tour !), ce à quoi s’ajoutent encore les votes blancs ou nuls (9,9% au second tour) ou encore les électeurs non-inscrits. Jean-Luc Mélenchon décrit la situation comme une ‘‘grève générale civique’’ (en moyenne, les députés n’ont été élus que par 22,4 % des inscrits). Pour lui, cette abstention a une ‘‘signification politique offensive’’ qu’il faudrait transformer en ‘‘Front populaire social, politique et culturel’’ contre le ‘‘coup d’Etat social’’ que préparent Macron et ses alliés.

Début juin, un baromètre Ifop pour Paris Match indiquait que, pour 39% des sondés, c’est la France Insoumise qui incarne le mieux l’opposition, loin devant Marine Le Pen et le FN, en dépit de leurs efforts visant à instrumentaliser la colère de la population.

Vers un octobre rouge ?

Comme constaté précédemment dans la campagne menée par Bernie Sanders aux Etats-Unis, l’enthousiasme et la dynamique que nous avons vus s’épanouir autour de Jeremy Corbyn et de Jean-Luc Mélenchon illustrent que l’audace et les mots d’ordre radicaux savent trouver l’oreille des classes populaires. Mais le plus important est très certainement que cela peut aussi donner confiance pour reprendre le chemin de la lutte.

Au Royaume-Uni, l’atmosphère sociale a totalement été métamorphosée par la campagne dont la fin fin n’a pas pour autant sonné le glas de la mobilisation. Des manifestations spontanées ont eu lieu dès le lendemain des élections pour poursuivre la lutte contre les conservateurs et Theresa May dans la rue. 3 jours après la tenue des élections, 150.000 personnes avaient rejoint le Labour, qui atteignait donc les 800.000 membres ! John McDonnell, membre du ‘‘cabinet de l’ombre’’ de Corbyn (qui regroupe les principales figures de l’opposition au gouvernement), a directement appelé à ce qu’un million de personnes se mobilisent afin de forcer la tenue de nouvelles élections avec l’aide de ‘‘tous les syndicats’’ et en insistant sur la nécessité de ‘‘sortir dans les rues’’.

Au moment d’écrire ces lignes, il était question d’une manifestation nationale le 1er juillet tandis que divers dirigeants et militants syndicaux (essentiellement du secteur des services publics) parlaient d’un ‘‘été de la colère’’ menant à un ‘‘octobre rouge’’ qui verrait Jeremy Corbyn devenir Premier ministre.

Et tout ça, c’était avant le dramatique incendie de la Grenfell Tower de Londres, où plus de 80 personnes ont perdu la vie. Alors que Theresa May n’a pas osé se rendre auprès des sinistrés par crainte d’un accueil glacial, Jeremy Corbyn y a été très favorablement accueilli. Il a tout d’abord appelé à ce que les logements vides du quartier soient saisis pour aider les familles qui devaient survivre à la tragédie et, devant le refus des autorités, il a appelé ses partisans à ‘‘occuper’’ les bâtiments vides pour les victimes de la Grenfell Tower ! Rien de surprenant à ce que le journaliste du Guardian Paul Mason ait décrit l’establishment comme étant ‘‘en pleine panique’’.

Un potentiel à organiser

Nos camarades du Socialist Party ont activement soutenu la campagne de Corbyn, tout en soulignant que ces élections devaient être une première étape vers une lutte concrète pour dégager les conservateurs et barrer la route à la politique d’austérité. En France, nos camarades de la Gauche Révolutionnaire ont agi de même dans la campagne de la France Insoumise. Ce combat représente également une excellente opportunité de clarifier avec quel programme, quelles méthodes et quelle stratégie il est aujourd’hui possible de construire une alternative favorable aux travailleurs et aux pauvres.

Au Royaume-Uni, il faut impérativement lancer une campagne pour transformer le Parti travailliste en un véritable parti démocratique et anti-austéritaire, un parti des travailleurs et de la jeunesse. De prochaines élections générales peuvent avoir lieu à tout moment. Une bonne mobilisation syndicale pourrait d’ailleurs en accélérer la venue. Et il serait intolérable que le Parti travailliste doive à nouveau se mettre à faire campagne alors que la majorité de ses propres candidats s’opposent à son dirigeant et défendent une approche droitière.

En France, la France Insoumise peut poser les jalons de la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs et de la jeunesse. Dans les deux cas, la situation politique et dans la rue serait métamorphosée s’il existait un nouvel outil de lutte démocratique et fédérateur de masse regroupant différentes sensibilités de gauche tout en leur offrant le droit de participer au débat sur l’orientation politique à adopter.

Lutter pour le socialisme

Au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, une nouvelle génération vient de faire son entrée sur la scène politique et s’élance à la recherche d’une alternative. Mais l’hostilité qu’ils ont subie de la part des médias et de l’establishment capitaliste dans son ensemble illustre à quel point le combat sera âpre pour parvenir au pouvoir. Et leur hargne ne fera que croître lorsque nous aurons réussi à gagner une partie du pouvoir.

Pour empêcher les capitalistes de saper la transformation naissante de la société, des mesures socialistes radicales telles que la nationalisation des plus grandes entreprises et des banques qui dominent l’économie pour les réorganiser dans le cadre d’un plan de production démocratique socialiste. Un gouvernement véritablement socialiste pourrait alors commencer à gérer l’économie de manière planifiée, sous le contrôle et la supervision démocratiques des travailleurs.

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