Un nouveau front contre Al-Qaeda au Yémen

C’est de manière très discrète que les Etats-Unis ont ouvert un troisième front contre le réseau d’Al-Qaeda. A côté des opérations en Afghanistan et en Pakistan, ils ont maintenant lancé une opération militaire au Yémen. Le front de la « lutte contre le terrorisme se rapproche ainsi de l’Arabie Saoudite voisine immédiate du Yémen, mais aussi, de l’autre côté de la Mer Rouge, de la Somalie qui connaît également une montée des fondamentalistes.

Geert Cool

Le président Obama a déjà parlé de « quatre pays » où des terroristes préparent des attentats contre les Etats-Unis, citant l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen et la Somalie. En juin, Gilles De Kerchove, responsable européen chargé de la coordination de la lutte contre le terrorisme, déclarait déjà que le Yémen, de même que le Pakistan et le Maghreb, sont des régions où existent des menaces envers les intérêts européens. Ces derniers mois, la menace d’Al-Qaeda au Yémen est devenue encore plus évidente. L’annonce presqu’officielle d’une offensive militaire contre Al-Qaeda au Yémen va exporter l’instabilité et le chaos de l’Afghanistan et du Pakistan vers la péninsule arabe, à proximité immédiate du grand allié régional des Etats-Unis, l’Arabie Saoudite.

Après l’attentat raté d’Umar Farouk Abdulmutallab, ce Nigérien qui a voulu faire exploser un avion américain et qui a habité au Yémen, l’attention portée à ce pays a fortement augmenté. Mais, en décembre déjà, des opérations militaires lancées par des troupes locales avaient fait plus de 100 morts. Ces opérations étaient menées par des troupes locales, mais avec le soutien explicite et direct de l’armée américaine. Plusieurs camps d’Al-Qaeda ont été attaqués, mais aussi des villages habités par des minorités ethniques et religieuses près de la frontière avec l’Arabie Saoudite. Selon la population locale, des avions de l’armée américaine ont participé activement aux opérations, bien que le gouvernement d’Obama nie toute implication active.

Les autorités du Yémen estiment que 300 militants d’Al-Qaeda sont actifs dans leur pays, parmi lesquels une centaine de militants originaires de l’Arabie Saoudite. Beaucoup de ces militants étaient auparavant actifs au Pakistan (d’après des estimations sérieuses, il y aurait 8.000 combattants venus de l’étranger actifs dans ce pays). Après les offensives de l’armée pakistanaise dans la vallée du Swat et au Waziristan du Sud, un certain nombre de militants d’Al-Qaeda ont cherché de nouveaux horizons, notamment au Yémen.

Jusqu’à récemment, le gouvernement yéménite n’avait pas de problème avec la présence des militants d’Al-Qaeda dans le pays. En février 2009, il avait encore fait libérer 170 militants qui étaient emprisonnés, et ce probablement afin d’éviter que le groupe effectue des attentats dans le pays. Ce n’est qu’en août dernier, après un attentat raté contre le prince d’Arabie Saoudite Mohammad bin Nayef, que l’attention internationale a été attirée sur la présence d’Al-Qaeda en Yémen.

En 2009, les Etats-Unis ont déjà dépensé, selon les sources, entre 47 et 67 millions de dollars dans l’accompagnement et la formation de troupes au Yémen. Seul le Pakistan a obtenu un soutien supérieur. Depuis quelque temps, des agents des services de sécurité des Etats-Unis sont actifs dans le pays. Les Etats-Unis ont été impliqués de manière active dans les opérations militaires de décembre, bien que les gouvernements yéménite et américain aient tout fait pour convaincre l’opinion que la collaboration entre les deux pays se limitait à la formation. Après les attaques de décembre, le président Obama a tout de suite téléphoné à son collègue yéménite Saleh pour le féliciter pour cette opération.

Auparavant l’Arabie Saoudite avait déjà effectué des attaques d’artillerie, en partie pour des raisons sectaires sur le plan religieux (contre les shiites dans le nord du Yémen, et en particulier contre la rébellion des Houthis). L’Arabie Saoudite n’envisage pas de rester passive en cas d’actions militaires chez son voisin.

Le Yémen est un pays important sur le plan régional. Dans le sud du pays, il y a (un peu) de pétrole ; le pays est tout près de l’Arabie Saoudite et une instabilité au Yémen permettrait le développement des opérations menée par les pirates somaliens dans le golfe d’Aden. La décision des Etats-Unis et de la Grande Bretagne de fermer (temporairement) leurs ambassades au Yémen, n’annonce pas une rupture avec le régime de Saleh mais plutôt une préparation d’une nouvelle offensive contre Al-Qaeda. Car, dans cette situation, les ambassades deviennent une cible pour des attentats, comme cela a été les cas en 2008 avec un attentat contre l’ambassade américaine qui avait fait 19 morts.

Une escalade de « la guerre contre le terrorisme » ne conduira pas à davantage de stabilité. Une telle offensive ne résoudra pas les problèmes en Afghanistan ou en Pakistan, mais conduira plutôt à exporter le chaos existant déjà dans ces pays. Les tensions régionales et religieuses vont monter au Yémen, avec une montée des forces séparatistes au sud du pays pendant que la révolte chiite au nord s’amplifiera. Et c’est à juste titre que l’Arabie Saoudite craint que l’instabilité ne s’arrête pas à la frontière.

La possibilité d’une escalade dans « la guerre contre le terrorisme » montre aussi qu’Obama ne fait pas le choix d’une politique fondamentalement différente de son prédécesseur Bush. C’est la même la logique de guerre qui se poursuit et elle aggrave le caractère explosif de la situation dans des pays comme l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen,…

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