Afghanistan / Pakistan: Le bourbier devient de plus en plus profond

Après avoir élu il y a un peu plus d’un an le premier Président de couleur des USA, le peuple américain commence à perdre ses illusions dans le «candidat du changement». Malgré le prix Nobel de la paix d’Obama, la guerre en Afghanistan continue à s’aggraver et à s’étendre dans la région, comme le montre l’actuelle vague d’attentats au Pakistan.

Par Gilles (Hainaut)

Problèmes sociaux aux Etats-Unis

Pendant ce temps, aux Etats-Unis même, le chômage officiel vient d’atteindre les 10% – mais on estime qu’il est en réalité de 17,5%, et même de plus de 20% pour les jeunes. Seul un tiers de ces chômeurs bénéficie d’une allocation.

La classe ouvrière et la classe moyenne sont ruinées. Des luttes et des grèves ont eu lieu dans diverses universités – y compris à Harvard, et en Californie contre le gouverneur Schwarzenegger – contre les sévères coupes dans le budget (-15 milliards de dollars pour l’enseignement en Californie). Pendant ce temps, les bonus banquiers refleurissent : 33 milliards de dollars ont été offerts en bonus aux actionnaires par les banques renflouées – après qu’elles aient reçu 81 milliards de dollars de l’Etat ! Si on ajoute à cela le coût de la guerre – 3,5 milliards de dollars par mois ! – on comprend que cela ait un effet radicalisant sur de nombreuses gens.

Selon un chroniqueur du New York Times, aucun président n’a chuté aussi vite et aussi bas dans les sondages qu’Obama. Les promesses de renforcer les syndicats sont oubliées. On attend toujours l’abolition des lois « antiterroristes » de Bush, et le jugement de ses criminels de guerre.

Quant au point central de sa campagne électorale – sa fameuse réforme du système de soins de santé – Obama hésite. D’un côté, la droite dure, appuyée par les compagnies d’assurances et les sociétés pharmaceutiques, a mené une campagne féroce contre ce plan « communiste ». Mais de l’autre – et on en parle moins –, les partisans d’Obama sont déçus et frustrés, voyant "leur" Président tenter de négocier avec la droite, se laisser faire et reculer.

Démocratie, paix et justice?

Alors que l’invasion de l’Afghanistan en 2001 avait pour prétexte d’apporter «démocratie, paix et justice», l’Afghanistan est maintenant plongé dans le chaos. Les récentes élections présidentielles se sont avérées être une sinistre farce. Seuls 38% des gens ont participé au scrutin et la plupart des votes ont fait l’objet de vastes fraudes et d’arrangements entre les principaux candidats – Karzaï en tête – et les divers chefs tribaux, seigneurs de guerre et trafiquants d’opium qui font véritablement la loi dans le pays.

La journée des élections a été une des plus violentes depuis le début de l’invasion. C’est d’ailleurs une des raisons derrière la décision d’annuler le deuxième tour du scrutin, mais pas la seule : tout le monde avait bien compris que cela n’en valait pas la peine. L’échec flagrant des élections a été une nouvelle gifle pour les puissances impérialistes (qui n’ont pourtant pas hésité à féliciter Karzaï pour sa « réélection »).

La population afghane ne connaît que misère et détresse. Les conditions de vie se sont cruellement détériorées ces dernières années. L’accès à l’eau courante, à l’électricité,… est devenu de plus en plus difficile. L’enseignement public est à l’abandon. La violence a explosé : rien qu’au cours de cette année, 1.500 personnes ont été tuées. Depuis 2001, quatre millions d’Afghans ont fui, soit plus de 10% de la population. Il y a plus d’un million de toxicomanes. Ces dernières années, les Talibans (intégristes islamistes) se sont renforcés ; ils sont désormais capables d’effectuer des actions coordonnées tant en Afghanistan qu’au Pakistan.

L’occupation de l’OTAN n’a pas fait connaître la démocratie ou la prospérité à la population. Il n’y a pas de reconstruction du pays. L’occupation mène au chaos et à de futures nouvelles confrontations entre seigneurs de guerre.

Le conflit s’étend à la région

La guerre n’est plus limitée à l’Afghanistan. Le Pakistan, pays voisin, connaît une vague d’attentats et le régime militaire ne réussit pas à vaincre les Talibans pakistanais. L’instabilité régionale, créée par l’intervention impérialiste, menace même maintenant de s’étendre à l’Iran, à l’Inde et à la Chine – rappelons-nous la révolte de la population musulmane ouïghour au Xinjiang cet été.

Dans la province du Nord-Ouest du Pakistan, l’attaque de l’armée contre le bastion des Talibans pakistanais dans la vallée du Swat, en 2009, a provoqué 2 millions de réfugiés qui, pour la plupart, ont du retourner par la suite dans les zones de combat, faute d’avoir été accepté dans un autre endroit. L’armée pakistanaise a lancé une nouvelle offensive dans le Waziristan, au sud du pays, une grande région peu peuplée et difficilement accessible. Un tiers de la population a déjà fui la région. Les 5.000 à 10.000 militants Talibans du Waziristan ne sont toujours pas battus après plusieurs semaines d’offensive. Entretemps, les attentats continuent et les Talibans sont maintenant capables de frapper dans tout le pays.

L’économie pakistanaise est sinis-trée et l’Etat contrôle de moins en moins le pays. Les groupes islamistes réactionnaires prolifèrent. Les sentiments séparatistes dans la province du Baloutchistan ne cessent de croître (en partie soutenus par certains capitalistes chinois et américains qui n’ont pas perdu de vue l’enjeu stratégique majeur de cette province). La violence ethnique monte également dans les autres provinces et régions, par exemple contre les réfugiés pathanes qui viennent de la province du Nord-Ouest.

Les USA font pression pour des actions plus résolues contre les Talibans mais le régime pakistanais continue de conclure des accords avec un certain nombre de dirigeants fondamentalistes dans les régions tribales. La logique de guerre mène partout à plus d’instabilité, de violence et de barbarie.

Le soutien aux fondamentalistes reste très limité mais la confiance dans le gouvernement et les politiciens traditionnels est lui aussi très limité. D’après un sondage récent, 51% de la population soutient l’offensive militaire dans le Waziristan contre 13% qui s’y opposent. Mais seuls 36% pensent que l’offensive mènera à plus de sécurité alors que 37% pensent qu’il y aura moins de sécurité.

Quelle réponse?

L’impérialisme se retrouve pris au piège, incapable de lutter contre le monstre qu’il a lui-même créé. Les fondamentalistes ont été soutenus par l’impérialisme et les capitalistes locaux dès le début des années ’80 afin de lutter contre l’influence ‘communiste’ et l’invasion soviétique en Afghanistan, mais aussi comme contrepoids à la radicalisation du mouvement ouvrier en Pakistan et comme instrument pour renforcer le conflit entre l’Inde et le Pakistan, notamment autour du Cachemire. Aujourd’hui, les Talibans ont échappé au contrôle impérialiste et le soutien qu’ils reçoivent dans la population augmente à cause de la misère totale qui règne dans la région.

Obama veut changer de stratégie: arrêter les bombardements souvent aveugles et peu efficaces et mettre en place une véritable force d’occupation. 45.000 soldats supplémentaires devraient être envoyés prochainement – portant l’effectif des troupes US à plus de 100.000 hommes. Voilà qui justifie certainement son prix Nobel! Cette nouvelle stratégie pourrait quelque peu «stabiliser» le pays, mais au prix d’un plus grand nombre de pertes du côté impérialiste, et donc d’un renforcement du sentiment anti-guerre aux USA et ailleurs. En attendant, ce n’est plus l’effigie de Bush qui est brûlée par les manifestants à Kaboul, mais celle d’Obama.

Loin d’apporter la paix et la démocratie, l’impérialisme ne fait que créer de nouveaux problèmes et exacerber les conflits préexistants. Il faut immédiatement retirer les troupes américaines d’Afghanistan. Cela ne peut être obtenu que par la reconstruction d’un large mouvement antiguerre aux Etats-Unis et en Europe, dont les revendications devraient être liées à celles d’une amélioration des conditions de vie du peuple afghan. Aux Etats-Unis, l’opinion publique désavoue de plus en plus la stratégie de guerre. Il n’y a plus que 41% des Américains pour justifier encore la guerre en Afghanistan et 26% pour accepter d’envoyer des renforts. Le moral de l’armée d’occupation est au plus bas.

L’instabilité et la misère des peuples afghan et pakistanais ne pourront être résolues que par la reconstruction du mouvement ouvrier dans ces pays, avec le soutien d’une large solidarité internationale. Ce mouvement pourrait créer des comités d’auto-défense populaires multiethniques, démocratiquement organisés et mettant en avant la reconstruction de l’Afghanistan et du Pakistan sur une base socialiste, via un plan démocratiquement élaboré par les masses, un plan qui reconnaîtrait le droit à l’auto-détermination pour les minorités nationales et qui prendrait à cœur la défense des droits des femmes. Ainsi seulement pourra-t-on construire une société débarrassée du règne des sei-gneurs de guerre, des forces réactionnaires et de leurs riches mécènes à l’étranger.

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