Sommet pour le climat de Copenhague – Les puissances mondiales rejettent toute action urgente

Quelques semaines avant que le sommet de l’ONU à Copenhague ne se tienne, Barack Obama avait déjà tué le moindre espoir qui auraient encore pu subsister quant à un éventuel nouveau traité sur le réchauffement mondial en remplacement de celui établi à Kyoto en 1997. PETE DICKENSON revient dans cet article sur les points de friction qui ont conduit à cet échec.

Par Pete Dickenson

Les principales controverses au cours des pourparlers de pré-Copenhague ont été la nature de la participation américaine à un nouveau traité, l’aide qui serait donnée aux pays dits ‘en développement’ pour réduire les gaz à effet de serre, ainsi que le niveau et le timing des coupes nécessaires dans les émissions de dioxyde de carbone, principal responsable du réchauffement mondial. Une autre question clé était le type et l’ampleur des soi-disant activités compensatrices, c’est-à-dire de permettre aux entreprises des pays industrialisés de polluer plus pour peu qu’elles sponsorisent des projets ‘verts’ dans des pays pauvres.

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Copenhague était censé trouver de quoi remédier aux limites évidentes du traité de Kyoto et garantir la continuité des mesures déjà prises pour après l’expiration de ce traité, en 2012. Les espoirs étaient au plus haut lorsque Barak Obama a été élu il y a un an. Beaucoup de personnes avaient l’illusion qu’il pourrait jouer un rôle décisif pour enfin déclencher un plan d’efforts international répondant aux inquiétudes scientifiques, qui n’ont jamais été si explicites et sans équivoque qu’aujourd’hui.

Toutes les grandes puissances se sont rendues compte qu’on ne peut lancer aucun nouvel accord sans y inclure les Etats-Unis, même si l’Amérique n’est pas officiellement incluse dans un traité. Jusqu’à il y a peu, l’administration d’Obama vantait les mérites de la possibilité du système de commerce du carbone et critiquait toute ambiguïté des règles pouvant créer des échappatoires.

Cette rhétorique a maintenant été démasquée. Elle était vide de tout contenu, comme l’a révélé John Holdren, le conseiller scientifique du Président Obama, dans une interviex récente accordée au magazine New Scientist. Premièrement, le niveau des réductions d’émissions que proposent les Etats-Unis pour eux-mêmes est une réduction de 17 % par rapport à 2005 d’ici 2020. Cela signifie d’arriver à quelques pourcents au-dessous des émissions de 1990, c’est-à-dire bien moins que ce qui avait été exigé par le traité Kyoto, et avec huit ans de retard par rapport à la date de fin de Kyoto en 2012. Les objectifs de Kyoto eux-mêmes étaient d’ailleurs extrêmement modestes et en grande partie cosmétiques.

Mais, deuxièmement, comme l’admet Holdren lui-même, ce plan minimaliste n’a aucune chance de passer l’épreuve du Sénat américain où, selon son calcul, il manquait 12 à 15 voix sur les 60 requises pour ratifier cette législation.

Les pays en développement

Selon le gouvernement chinois, les pays riches devraient payer $400 milliards par an, soit 1% de leur PIB, pour aider les pays pauvres à réduire leurs émissions. On peut comparer cela à ‘l’offre’ de Gordon Brown de $100 milliards et à la promesse de l’Union Européenne d’un montant de $150 milliards. La Chancelière allemande Angela Merkel a dit que l’Union Européenne devrait contribuer pour $50 milliards, le reste devant implicitement provenir des Etats-Unis. Dans la proposition de contribution européenne, il y a cependant une impasse quant à savoir qui devrait payer quoi. Cela ne présage rien de bon si l’on veut aller vers un accord encore plus large sur le plan mondial. Toutes les offres de l’UE dépendent de toute façon de l’obtention d’un accord plus large, les gouvernements européens sont donc libres de se profiler comme ‘champions verts’ tout en sachant pertinemment bien que le Sénat américain refusera probablement de soutenir quelque accord que ce soit.

Pour les dirigeants chinois et indiens, le problème a été en grande partie créé par les pays capitalistes avancés – ce qui n’est pas totalement faux – et leurs émissions rapportées à leur nombre d’habitants sont respectivement cinq et dix fois inférieures à celles du Royaume-Uni, par exemple. Pourquoi devraient-ils payer?, demande-t-ils. Cependant, les Etats-Unis de Bush ont toujours bien fait comprendre qu’à moins que ces pays, et la Chine en particulier, n’acceptent de porter une part ‘équitable’ du fardeau, les Etats-Unis ne prendraient part à aucun système international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Quand les démocrates ont été élus en novembre de l’année dernière, Obama a demandé à John Kerry, un des principaux sénateurs, de le représenter en Pologne aux pourparlers sur le climat organisés par l’ONU, pourparlers destinés à ouvrir la voie pour Copenhague. Etant donné la rhétorique verte en provenance du camp d’Obama avant sa victoire, beaucoup de personnes s’attendaient à ce que la position des Etats-Unis change radicalement, mais John Kerry s’est contenté de répéter la ligne préalablement fixée par George Bush. Cela a porté un énorme coup à tout espoir de succès, puisque la Chine et l’Inde étaient toujours aussi inflexibles sur le fait qu’elles ne s’engageraient à aucun objectif de réduction des gaz à effet de serre. La Chine a seulement accepté de réduire son intensité carbonique – c’est-à-dire les émissions par unité de Produit Intérieur Brut – pour un montant non spécifié. Puisque son économie grandit rapidement, cela signifierait que malgré toute amélioration de l’efficacité énergétique, son émission de gaz à effet de serre continuerait à monter.

Les pays pauvres s’engageront à de véritables objectifs de réduction des émissions si une un montant significatif d’argent est posé sur la table de la part du monde industrialisé. Les chances que cela se produit sont faibles. Mais en même temps, comme la Chine est le plus grand émetteur de dioxyde de carbone au monde, tout accord international qui l’exclurait n’aurait qu’un impact extrêmement limité.

Le niveau et le timing des réductions de CO₂

Les Etats les plus industrialisés se sont mis d’accord pour une réduction de 80 % des émissions d’ici à 2050, le niveau sur lequel s’accordent la plupart des scientifiques si l’on veut finalement stabiliser la production des gaz à effet de serre. Mais comme la date limite est assez lointaine que pour être ignorée par les politiciens capitalistes, aucune mesure concrète n’a été mise en place pour atteindre cet objectif.

Cependant, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), le principal organe scientifique chargé de conseiller les politiciens sur le réchauffement mondial, dit aussi que pour avoir ne fût-ce qu’une probabilité de 50 % d’éviter une augmentation de la température de deux degrés, il doit y avoir d’ici à 2020 une réduction de 25 à 40 % des émissions dans les pays industrialisés, et une réduction de 15 à 30 % dans les pays ‘en développement’. Si les températures dépassent ce niveau, il y aura un plus grand risque de voir se produire des effets irréversibles qui pourraient mener à un réchauffement désormais incontrôlable.

Au sommet de Bali, il y a deux ans, il a été convenu que les chiffres avancés par le GIEC pour 2020 devaient être un guide pour les pays industrialisés. Depuis lors, réunion après réunion, la plupart des grandes nations développées (sauf celles de l’Union Européenne) ont refusé de concrétiser cela par des objectifs de réductions d’émissions à l’échelle d’un pays ou d’un ensemble de pays.

Par conséquent, les offres sur la table parlent d’une réduction de seulement 10 à 17% par rapport au niveau de 1990. L’UE a fait l’offre ‘généreuse’ de réduire ses émissions de 20%, mais à la stricte condition qu’un accord soit obtenu à Copenhague. Sa position n’est rien d’autre qu’un jeu cynique puisqu’elle sait que les chances que le gouvernement américain soit d’accord avec des coupes significatives sont minimes, ce qui permettra ensuite aux dirigeants européens de retirer leur offre. En fait, comme cela a été mentionné plus haut, l’Amérique propose de réduire ses émissions de seulement quelques pourcents par rapport au niveau de 1990, et le Sénat américain ne veut pas accepter même cette minuscule réduction.

Activités compensatoires

Les compensations sont un système où les pays riches peuvent éviter d’atteindre leurs objectifs d’émissions en acceptant de financer des projets verts dans les pays pauvres. Cela a été une des principales raisons pour lesquelles le traité de Kyoto a été complètement inefficace, comme la porte est restée grande ouverte pour toutes sortes d’échappatoires, le trucage des rapports et la corruption. Selon l’ONG Amis de la Terre, avec ces règles de compensations, le traité permet même que de l’argent soit fourni pour construire des centrales électriques au charbon dans les pays pauvres, même si ce sont les pires responsables d’émissions de C02. Elles devraient seulement être un peu plus efficaces sur le plan énergétique que celles qu’elles remplacent… Cependant, même si, à la différence de cet exemple, les projets étaient honnêtes, cette approche serait toujours erronée puisque le GIEC a clairement affirmé que les gaz à effet de serre doivent être coupés massivement tant dans les pays industrialisés que dans les pays pauvres, un but que sapent les compensations.

Plutôt que d’accepter cela, l’UE projette de compenser la moitié de ses objectifs de réductions d’émissions proposés pour Copenhague. Si le sommet de Copenhague était une réussite et ses objectifs mis en œuvre, l’UE devrait réduire sa production de dioxyde de carbone de seulement 10% après avoir tenu compte des compensations, ce qui met en perspective la générosité apparente de l’offre européenne. Qui plus est, si ces projets de compensations sont accomplis, ils réduiront la pression au sein de l’UE pour passer à des méthodes durables de production d’énergie, qui est la seule manière réellement efficace de s’attaquer au réchauffement climatique.

Il y a tout de même un sujet pour lequel il a été spéculé qu’un arrangement puisse être trouvé à Copenhague. C’est au niveau de l’aide à des pays tels que le Brésil, pour la préservation de la forêt équatoriale. Celle-ci serait mise en vigueur en permettant aux nations riches d’acheter des crédits de carbone forestier, c’est-à-dire d’inclure les forêts dans un plan de spéculation du carbone avec lequel les pays industrialisés pourraient acheter de vastes étendues de forêt vierge et ainsi en empêcher le déboisement par l’adoption d’une attitude «responsable». En plus d’être l’origine d’une tempête de ricanements cyniques, cette logique, mise en avant en particulier par le Royaume-Uni, partage tous les inconvénients des systèmes de compensation, auxquels elle ajoute quelques éléments pernicieux.

Par exemple, ce système inclut des plantations agricoles dans la définition de « forêt tropicale », ce qui signifie que les fonds destinés à la compensation climatique peuvent être utilisés pour poursuivre le défrichement et remplacer les forêts par des terres agricoles.

Toutefois, les plantations ne peuvent absorber que 20% du CO2 des forêts, ce qui décrédibilise l’ensemble de ce processus (les forêts tropicales sont importantes dans la lutte contre le réchauffement climatique parce que 10% de toutes les émissions de gaz à effet de serre proviennent de la déforestation, puisque les arbres absorbent de grandes quantités de dioxyde de carbone). La proposition de compensation forestière aurait également des effets tragiques sur les peuples indigènes de ces régions, avec leur expulsion violente au fur et à mesure que la forêt est achetée et remplacée par des «plantations agricoles».

Perspectives pour l’après-Copenhague

Selon l’ONU, le Sommet de Copenhague est la dernière chance d’éviter un réchauffement mondial catastrophique. Donc, puisque ce Sommet ne parviendra pas à obtenir un nouveau traité pour remplacer Kyoto, où en sera après coup la bataille contre le changement climatique? Les diplomates américains discutent maintenant de la possibilité qu’un «cadre politique» soit décidé lors du Sommet, qui serait capable d’enlever les points d’achoppement, ce qui permettrait ensuite d’arriver à un accord «peut-être l’an prochain, ou dès que possible». On parle d’un prochain meeting de l’ONU dans douze mois au Mexique. Cependant, le Sénateur américain John Kerry, qui aura un rôle-clé lors des futurs développements, a refroidi les ardeurs de tout le monde quant à un tel scénario, car il pense improbable le fait que le Sénat américain accepte de payer le coût d’une quelconque nouvelle proposition.

Malgré la rhétorique verte de la nouvelle administration américaine, et le fait que les ambigüités des compensations que comportera certainement un éventuel traité de Copenhague feraient en sorte que cet accord n’aurait qu’un coût minime pour quiconque le soutiendrait (le rendant par là-même totalement inefficace), il semble y avoir en ce moment peu de chances pour que le Congrès américain accepte de participer à tout système d’échange de carbone, même si cela ne requerrait qu’une infime diminution des émissions. Les gouvernements des pays pauvres vont continuer à refuser de se fixer des objectifs de réductions d’émissions, ce qui est un point crucial aux yeux des Etats-Unis. Alors que l’UE semble avoir une légèrement meilleure position, elle ne fait en réalité que se cacher derrière l’intransigeance américaine, et si leur offre «progressiste» devait se concrétiser, elle sera sérieusement diluée.

L’incapacité de parvenir à ne fût-ce qu’un accord cosmétique est placé dans une perspective encore plus morne si l’on prend comme point de départ les revendications des climatologues plutôt que celles dictées par les manœuvres de la politique internationale. La base des négociations était une réduction de 25 à 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Mais comme nous l’avons déjà rappelé, le GIEC ne pense qu’une telle réduction n’a qu’une chance sur deux de pouvoir limiter à 2°C la hausse générale des températures sur le plan mondial. Certains scientifiques pensent que l’on devrait viser les 1.5°C, comme cela a été proposé par plusieurs pays gravement affectés par la hausse du niveau de la mer, notamment dans la région des îles du Pacifique.

Malgré l’impasse actuelle, on ne peut exclure le fait que l’ONU parvienne à un accord à un certain moment dans le futur, mais il est probable que cet accord soit complètement inadéquat, que ce soit en termes d’objectifs visés ou en termes de lacunes, ce qui le rendrait aussi inefficace que Kyoto. Il serait futile de placer le moindre espoir dans le fait qu’un tel accord puisse mettre en échec le changement climatique ; à la place, nous devons durcir nos campagnes, surtout les campagnes syndicales, pour forcer les gouvernements à agir de manière décisive en passant aux énergies renouvelables et en créant des emplois verts.

Au même moment, il est clair que si aucun accord international n’a pu être obtenu jusqu’ici, c’est parce qu’il y a des raisons à cela. Si les mesures nécessaires pour enrayer le réchauffement climatique avaient été mises en place il y a 10 ou 15 ans, cela n’aurait même pas coûté 3% du PIB mondial par an – un chiffre qui, en théorie, ne pourrait pas mener à la dislocation de l’économie mondiale.

Mais même ce léger coût est totalement inacceptable pour les puissances impérialistes qui dominent le monde. Celles-ci ne se focalisent que sur le maintien de la rentabilité à court-terme des entreprises multinationales qu’elles représentent, malgré le fait que la plupart reconnaissent maintenant que les coûts sur le long terme de l’inaction actuelle pourraient s’avérer largement supérieurs.

Cette attitude, qui consiste à foncer droit dans le mur comme s’il n’existait pas (les yeux ouverts et main dans la main), est implantée dans la nature même du capitalisme moderne, et démontre la nécessité de transformer la société de manière fondamentale, de passer à une société où les besoins humains sont placés avant les profits. Une telle société, qui inclurait la planification démocratique de l’économie, serait pour la première fois capable de réellement mettre un terme au réchauffement mondial. Plus longtemps le socialisme se fera attendre, pires seront les effets du changement climatique.

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