Officiellement, la Belgique est sortie de la récession, mais seuls les actionnaires voient réellement la couleur de la reprise. Paul Krugman, le prix Nobel d’économie de 2008, a déjà prévenu que la sortie de récession annoncée partout était “mieux que rien”, mais que ce n’était pas pour autant “la fin du cauchemar”. Pour les travailleurs et leurs familles, le cauchemar ne fait effectivement que commencer. Par contre, pour les banquiers, qui ont renoué avec les bonus record, les nuits doivent être plutôt douces.
Par Boris Malarme
Fin de crise? Pourtant, chaque jour, ce sont en moyenne 350 emplois qui disparaissent en Belgique et 115 chômeurs qui sont sanctionnés par l’ONEM. Le chômage a augmenté de 11% au cours de l’année écoulée, et cela va encore empirer en 2010. Parmi les jeunes, le chômage a doublé en un an. Les patrons ont pu les jeter à la rue comme des kleenex grâce aux CDD, intérims et autres types de contrats précaires. Alors qu’il y a 1 offre pour 25 demandeurs d’emploi en Wallonie, la chasse aux chômeurs bat son plein et l’ONEM sanction-ne et exclut à tout va.
Selon l’Organisation pour la Coopération et le Développement en Europe (OCDE), le nombre de chômeurs va passer, entre 2009 et 2011, de 37 millions à 57 millions de personnes dans les 30 pays les plus riches. En Belgique, le nombre de travailleurs sans emploi devrait atteindre les 800.000 personnes à l’horizon 2011. Les grandes entreprises, les banques et les institutions financières ont été sauvées du naufrage par une injection massive d’argent public. Mais il ne faut pas s’attendre au même traitement pour sauver nos emplois. Au contraire, c’est aux travailleurs et à leurs familles que les gouvernements et le patronat veulent faire payer la crise!
Le rapport intermédiaire du Conseil central de l’Economie (CCE) pour la période 2009-2010 indique que la hausse de 3.5% des coûts salariaux pour le secteur privé en Belgique est moindre que celle prévue en Allemagne (3.7%) et aux Pays-Bas (5.6%). Mais cette baisse de notre pouvoir d’achat n’est pas encore suffisante pour les patrons. Ils veulent profiter de la crise pour en remettre une couche. Car, pour eux, au nom de l’emploi, c’est à nos salaires qu’il faut s’en prendre, pas à leurs profits.
Le gouvernement et la ministre de l’Emploi, Joëlle Milquet, veulent pousser l’emploi des jeunes en accordant en échange de nouvelles diminutions de charges aux entreprises. Les divers cadeaux aux patrons (diminutions de charges et subventions pour le paiement des salaires), qui devraient s’élever à 8,4 milliards d’euros en 2009 et à 8,9 milliards d’euros en 2010, n’éviteront évidemment pas l’hémorragie des pertes d’emploi. Ce sont par contre autant de moyens qui partiront de la collectivité vers les poches des patrons. Et pour les jeunes chômeurs qui resteraient sur le carreau, Pieter De Crem, le ministre de la Défense, a eu une idée de génie : il leur propose un service militaire volontaire. De Crem veut profiter de la crise et du chômage pour envoyer les enfants de travailleurs et de chômeurs risquer leur vie en Afghanistan et ailleurs pour y défendre les intérêts de l’OTAN. Salaire minimum, danger maximum, troufions silencieux, tout bénéf pour l’armée.
Pour que chacun puisse bénéficier d’un véritable emploi, les moyens existent. Il faut simplement les chercher là où ils sont: chez les grands patrons et les gros actionnaires. Les travailleurs et leurs organisations syndicales devraient mettre sur pied une campagne pour la défense de chaque emploi avec un programme anticrise combatif qui parte des intérêts communs du monde du travail. La mise sur pied de Marche des Jeunes pour l’Emploi dans différentes villes pourrait impliquer les jeunes dans une telle campagne et aider à changer le rapport de forces en notre faveur.