STIB: INTERVIEW D’UN DÉLÉGUÉ
A la STIB (tram, bus et métro bruxellois), les travailleurs se battent depuis plusieurs mois pour améliorer les conditions de travail. Plusieurs journées de grève de 24 heures ont eu lieu, initiées en grande partie par des militants de la CGSP. Nous avons interviewé Marco Devuyst, délégué CGSP au dépôt de Haren.
Propos recueillis par Guy Van Sinoy
STIB EN BREF…Grève le 10 janvier Au début décembre, l’assemblée des délégués CGSP a décidé de continuer la lutte pour arracher un nouvel accord sur les temps de conduite. Elle avait cependant décidé de ne pas faire grève pendant les examens des écoles secondaires et de faire grève le 24 décembre. L’assemblée du jeudi 16 décembre a décidé de reporter la grève prévue le 24 décembre au lundi 10 janvier. Le 24/12 avait en effet peu d’effet sur les entreprises (beaucoup de travailleurs sont en congé) et pénalisait surtout les usagers à la veille de Noël. Le 10 janvier est le jour de la reprise des cours. Deux délégués exclus de la CSC ! La CSC vient d’exclure bureaucratiquement deux délégués, dont Max Feraille, qui participaient aux grèves car ils rejettent l’accord bidon signé par les secrétaires CSC et CGSLB. Dans ce cas, la loi prévoit que le délégué garde son mandat au Conseil d’entreprise ou au CPPT. Il y a quelques semaines, la direction était déjà au courant des exclusions prévues car elle avait annoncé au Conseil d’Entreprise que Max Feraille n’en ferait bientôt plus partie. Naniot, le secrétaire de la CSC, serait-il compromis avec la direction à ce point ? |
– Alternative Socialiste: Dans ton dépôt y a-t-il, au cours des derniers mois, un changement dans l’attitude des travailleurs?
– Marc De Vuyst: Oui, il y a une réaction totalement différente du passé. Il y a une réflexion collective: les problèmes de toutes les catégories de personnel sont mis sur la table. Les querelles individuelles ont été mises de côté. Il y a une radicalisation et beaucoup de discussions. On le voit notamment par la participation de militants de base aux assemblées générales de la CGSP.
– A.S.: Il y a donc une nouvelle couche de travailleurs qui s’impliquent et qui n’étaient pas auparavant des militants syndicaux?
– M.D.: Ils s’impliquent dans les discussions et dans les actions menées. Au cours des récents jours de grèves, j’ai parfois eu plus d’aide de ces nouveaux militants que de délégués qui, finalement, n’ont fait que ce qu’ils doivent faire. Venant de travailleurs qui, chaque jour depuis des années ne disaient pas un mot pour se plaindre, cela impressionne: ils ont battu le pavé avec nous car ils ont compris que le danger est là.
– A.S.: Est-ce qu’il y a beaucoup de jeunes parmi ces travailleurs qui s’éveillent à l’action?
– M.D.: Pas mal de jeunes de 25 ou 26 ans, qui ont quatre ou cinq ans d’ancienneté, ont mûri non seulement en âge mais aussi en réflexion et surtout en action. La radicalisation ne concerne pas seulement les jeunes: il y a aussi des travailleurs dans la trentaine, la quarantaine ou la cinquantaine. Mais il est évident que le dynamisme est différent: à 50 ans un travailleur restera toute la journée au piquet de grève tandis qu’un jeune prendra plus facilement sa voiture pour faire un saut à un autre dépôt et aller renforcer un piquet qui en a besoin.
– A.S.: Comment vois-tu ton activité de délégué?
– M.D.: Même si elle me passionne, elle est difficile: on est confronté à des gens qui ont vécu une vie de travail relativement calme car la STIB était un fleuron social, et maintenant on est confronté à une direction agressive. Sur le terrain bon nombre de travailleurs commencent à réfléchir de la même manière, mais le processus est inégal. Il est parfois difficile de rassembler tout cela: de tempérer les ardeurs excessives et de réveiller les plus hésitants pour organiser l’action collective, tout en fournissant une information claire et compréhensible pour tous.
– A.S.: Quel genre de pressions sont exercées par la hiérarchie?
– M.D.: Un exemple: un conducteur dont l’épouse est sur le point d’accoucher reçoit un sms l’informant qu’il doit la conduire d’urgence à la maternité. Après avoir immobilisé son bus, il appelle son épouse pour lui demander qu’elle prévienne le dispatching, ce qu’elle fait. Le dispatching prévient le dépôt qui répond que ce n’est pas grave, et qu’il faut laisser l’agent rouler jusqu’à la fin de son service, qui est presque terminé, et par ce fait qu’il ne faut pas remplacer l’agent sur ligne. C’est scandaleux et totalement contraire aux règles en vigueur, mais sur un plan humain c’est tout bonnement inqualifiable!