Derrière le sensationnalisme des médias et la violence policière

Comment une action antifasciste réussie a été étouffée. Leçons pour la lutte antifasciste

Mardi soir dernier, le 10 novembre, vers 19h30, environ 400 jeunes s’étaient rassemblés à Gand, au Blandijn, afin de protester contre une marche fasciste du N-SA. Une immense majorité de ces manifestants antifascistes avaient l’intention de mener une action combative, mais non-violente. De l’autre côté de la ville, environ 80 néofascistes ont pu scander leurs slogans haineux au même moment. Mais cette soirée a toutefois surtout été marquée par la couverture médiatique avide de sensationnel et par l’intervention répressive et violente de la police gantoise.

Photo de Indymedia.be

Cette soirée comprend beaucoup de leçons pour ceux qui se posent la question de savoir comment fonctionne cette société et comment nous devons mener la lutte antifasciste. L’État, de façon brutale, a voulu criminaliser les actions. De leur côté, les médias n’étaient intéressés que par les images spectaculaires et par le nombre de personnes arrêtées. Pour les antifascistes, 3 visions s’opposaient concernant la stratégie à appliquer dans la lutte antifasciste: le modèle de l’escalade, celui de la mobilisation et l’absentéisme. Un autre article est spécifiquement consacré à ce sujet.

409 étudiants, dont une bonne part se trouvait par hasard au mauvais endroit et au mauvais moment, ont été arrêtés 6 heures, de 22h à 4h. Beaucoup d’entre eux ont été blessés lors de leur arrestation brutale et/ou ont été humiliés par les policiers. Les droits de ces personnes ont été bafoués: sans possibilité d’aller aux toilettes, sans recevoir d’eau, en étant obligatoirement photographié (ce qui n’est pas légal) et en étant numérotés comme des bêtes et détenus dans des cellules beaucoup trop petites.

Que s’est-il exactement passé?

Vers 19h45, quelques 400 antifascistes sont partis pour une manifestation symbolique du Blandijn vers Overpoort afin de prévenir les étudiants du danger représenté par les petits groupes de néofascistes menaçant de rendre dangereux les quartiers étudiants le soir et la nuit. La grande majorité de ces jeunes a été mobilisée par la campagne Blokbuster et par les Étudiants de Gauche Actifs, même si environ la moitié d’entre eux a marché derrière chars de sono de la street-rave.

A 20h15, l’action s’est terminée avec quelques prises de paroles et slogans tandis que les organisateurs de la street-rave ont tenu une fête dans la rue de l’Overpoort. Quand, à 21h, Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs ont clôturé leur action, les organisateurs de la street-rave ont pensé qu’il valait mieux partir pour la place Sint Pieters avec leurs chars de sono. Environ 150 jeunes ont accompagné ces voitures et tout semblait tranquille et bon enfant.

Un petit groupe d’anarchistes et de jeunes s’est séparé et s’est dirigé vers le ring. Ils ont toutefois été bloqués et impliqués dans une confrontation avec la police en civil, dont beaucoup ne se distinguaient pas vraiment des groupes de fascistes. Un certain nombre de jeunes était donc persuadé d’être attaqué par les fascistes. C’est lors de cet accrochage que deux blessés sont tombés du côté de la police. Ce groupe d’anarchistes et de jeunes est ensuite retourné en direction de la place Sint Pieters, où ils se sont mêlés à ceux qui étaient restés près des chars-sono. Entre-temps, la police avait encerclé les deux groupes et avait fermé la place Sint Pieters. A ce moment, tout ceux qui étaient là pour jeter un œil ou passaient simplement par la place par hasard ont eu beaucoup de chance s’ils ont pu éviter l’encerclement. Le nombre de personnes arrêtées est donc très élevé, avec des étudiants en route vers leur kot ou vers des amis, un groupe de scouts, un habitant du quartier de 50 ans et beaucoup d’autres étudiants qui ont brutalement été arrêtés sans aucune raison, sans même avoir participé à la street-rave. Au total, il y a eu 409 arrestations! Sans raison, ils ont été retenus la nuit au poste de police et enfermés dans des cellules trop petites pour leur nombre dans la moindre explication.

L’encadrement policier était en dehors de toutes proportions. Le conseil communal n’a rien mis en travers de la route du NSA pour qu’il manifeste dans la ville, malgré son caractère ouvertement fasciste et violent, ce qui a déjà été démontré à plusieurs reprises. Le bourgmestre Termont et son collège portent une lourde responsabilité en ayant autorisé cette marche fasciste et Termont, en tant que chef de la police, est responsable de la violence policière.

Criminalisation de la protestation

L’immense répression policière a réussi à criminaliser la protestation non-violente de quelques centaines de jeunes. L’opinion publique, en suivant les médias classiques, a été consciemment manipulée. Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Partout dans la société, quand des gens protestent ou se lèvent pour leurs droits, ils sont confrontés à l’élite économique et politique. Chaque syndicat ou organisation sociale doit faire face à un climat qui cherche à criminaliser la protestation. Les grévistes sont ainsi arrêtés aux piquets de grève et reçoivent des huissiers avec des requêtes unilatérales. Les médias et l’opinion publique sont gangrénés par une propagande mensongère pour affaiblir la protestation.

Et maintenant?

Les événements du 10 novembre ont suscité une grande colère parmi les étudiants et les jeunes. Les 409 personnes arrêtées vont peut-être recevoir une «Combitax», un impôt pour le «voyage» en combi de 100 euros par personne, et cela dans le cadre d’une arrestation inutilement brutale. L’administration communale pourrait donc encaisser 40.900 euros de cette façon. Ces dernières années, cette taxe a rapporté au moins 100.000 euros par an. Qui ose encore protester en risquant une amende de 100 euros? Voilà le but pervers de cette taxe.

Parmi les Étudiants de gauche Actifs et Blokbuster, personne n’a été arrêté, parce que nous nous sommes préparés à l’éventualité d’un scénario de criminalisation. Ce n’est pas la première fois que nous avons à faire face à une tentative consciente de criminalisation politique. Dans la mesure du possible, nous essayons ainsi de ne pas offrir d’occasion. Mais même ainsi il n’est pas possible de faire quelque chose contre une intervention arbitraire de la police. Nous témoignons notre solidarité avec le nombreux manifestants qui, majoritairement plutôt que minoritairement, n’avaient rien fait sont victimes de la politique de l’administration communale et de la police.

Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs lancent un appel pour lancer une campagne contre la brutalité policière du 10 novembre et proposent les revendications suivantes pour cette campagne:

  • la suppression de toute «combitax» pour les personnes arrêtées
  • la suppression immédiate de la «combitax»
  • une enquête publique sur les agissements de la police ce 10 novembre avec la participation des organisateurs des manifestations antifascistes, des syndicats et des organisations de défense des Droits de l’Homme
  • l’indemnisation de tous les dommages, physique ou moraux, pour tous les arrêtés
  • l’interdiction de marches fascistes à Gand
  • un débat ouvert parmi les organisations antifascistes consacré au programme et à la stratégie à mettre en avant lors d’actions et de manifestations futures

Nous organisons ce lundi 23 novembre à 19h une action de protestation non-violente au conseil communal de Gand pour porter ces revendications au collège communal.

Blokbuster et les Etudiants de gauche Actifs appellent tous les étudiants, les témoins, les personnes arrêtées,… à venir participer à cette campagne et à venir au meeting organisé pour le jeudi 19 novembre à 19h au Blandijn. Là, un comité d’action pourra être mis sur pied, les revendications pourront être débattues et l’action au conseil communal préparée.

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