INTERVIEW – B-Cargo: «C’est un combat pour un transport sécurisé et écologique, où le personnel n’est pas taillable et corvéable à merci»

A l’occasion de cette première journée de grève des travailleurs de la SNCB concernant le projet de filialisation de B-Cargo, nous avons rencontré Jean-Claude, un cheminot liégeois. Pour lui, derrière cette problématique, c’est plus généralement d’un choix de société dont il est question.

  • Pourquoi le PSL soutient les cheminots (tract)

Socialisme.be: Est ce que tu peux brièvement expliquer pourquoi il y a eu grève aujourd’hui?

Jean-Claude: "Le problème vient du trafic de marchandises, réparti entre trafic diffus et par train complet. Le trafic diffus consiste à rassembler en un convoi des wagons de différentes entreprises raccordées au réseau ferré. Le train complet parcourt de plus longues distances, et nécessite donc moins de main d’œuvre. Le trafic diffus est assuré exclusivement par B-Cargo, étant donné que le prix de revient est proportionnellement plus important par rapport à la recette. Les entreprises de transport privées ne sont pas intéressée à concurrencer Cargo sur ce terrain, qui n’est pas assez rentable à leur goût."

"Environ 80% de l’activité Cargo concerne le trafic diffus, et 20% le trafic par train complet. Par contre, les recettes, elles, sont de 20% pour le transport diffus, et de 80% pour le trafic par train complet. Inutile de calculer longtemps pour se rendre compte qu’il faut réaliser une économie de 60% sur le trafic diffus pour rehausser sa rentabilité au niveau du trafic par train complet. C’est bien entendu impossible."

"Il n’y a que deux solutions: soit admettre que le trafic diffus est un service public, et donc le subsidier en conséquence, soit abandonner le trafic diffus avec les répercussions que cela comporte, comme la diminution du trafic par voie ferrée et l’augmentation d’un trafic routier déjà saturé. Au niveau de la sécurité, des conditions de travail et de l’écologie, ce second choix aurait également des conséquences catastrophiques."

Socialisme.be: Et c’est vers ce second choix que s’oriente la direction?

Jean-Claude: "Il est évident que la direction ne va jamais dire ça. Mais les restructurations qu’elle annonce vont conduire à la faillite. Ces mesures ne permettront jamais de faire une économie de fonctionnement de 60%. On se dirige vers le même scénario que pour ABX, qui a été aussi filialisée, mise en faillite, et revendue au privé. La direction tente de mettre un bel emballage autour de ce projet, mais ce n’est que pour faire passer la pilule, ce que les travailleurs et les syndicats n’acceptent pas."

"La filialisation permettrait d’engager du personnel qui n’aurait plus le statut de cheminot, et donc de court-circuiter les statuts. Il suffit de regarder les conditions de travail des camionneurs qui doivent rester plus de septante heures par semaine hors de chez eux pour avoir leur salaire."

Socialisme.be: Dans les médias, on parle beaucoup de prise d’otage des usagers…

Jean-Claude: "Le public doit se rendre compte des conséquences qu’impliqueraient une diminution du trafic par voie ferrée: dégradation de l’environnement, de la santé et de la qualité de vie de chacun, sans parler des embouteillages! A l’heure des négociations de Copenhague sur les changements climatiques, la logique de profit à court terme du libéralisme montre ses limites, voire même son incapacité, pour mettre en place une société où la qualité de vie est au centre des préoccupations."

Socialisme.be: Les travailleurs de la SNCB ne sont pas seuls à devoir faire face à des mesures d’austérité. On peut parler des postiers, ou encore de l’enseignement,…

Jean-Claude: "Le problème de La Poste est plus proche du nôtre. Dans l’enseignement, il faut investir, mais ici, ce dont il est question, c’est de la suppression pure et simple d’un service public. Mais il est évident que des choix de société se posent. L’argent de l’État est de moins en moins consacré à la collectivité et face à cela, nous devons réagir tous ensemble. Malgré l’augmentation des richesses produites dans la société, les recettes de l’État diminuent et les services publics en souffrent. Certains, les plus nantis, s’en mettent de plus en plus dans les poches…"

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