Ces dernières semaines, le débat autour du port du voile dans l’enseignement communautaire s’est envenimé. Les athénées d’Anvers et de Hoboken ont instauré une interdiction totale de porter le voile. Après différentes actions de protestation auxquelles ont participé les Etudiants de Gauche Actifs (EGA-Secondaire), une interdiction de protester a été instaurée ! Suite à cela, six membres d’EGA ont été arrêtés pour avoir diffusé un tract aux portes de l’athénée de Hoboken début septembre.
Par Jarmo (Anvers)
Ce n’est pas seulement la liberté d’afficher son identité qui est réprimée, mais donc aussi la liberté de protester contre cette interdiction! Voilà le message adressé aux élèves par les directions scolaires et l’administration.
Une argumentation bancale
Cette interdiction est défendue au nom de la lutte contre la pression sociale exercée sur les filles qui veulent se rendre à l’école sans foulard. Croire que cette interdiction serait au bénéfice des plus faibles est une illusion. L’interdiction du port du voile n’a en rien fait disparaître la pression sociale qui existe sur la certaine fille. Elle conduira à un isolement encore plus grand de ces filles qui, dans le meilleur des cas, seront envoyées dans une école de confession musulmane.
De plus, beaucoup de filles portent le voile volontairement, comme un signe de leur identité plus que comme un symbole religieux. Il ne faut pas oublier que, surtout parmi les jeunes, une énorme pression sociale existe pour s’accorder aux derniers canons esthétiques (habillement, look et idéal de beauté). Pour certaines, le voile est une façon de se protéger de cela. L’interdiction du voile stigmatise la communauté musulmane, le «cas problématique», en ignorant tous les autres problèmes sociaux de la société.
L’enseignement de la Communauté flamande a maintenant interdit le port de signes religieux, au nom d’un « pluralisme actif ». Mais qu’y a-t-il bien de pluraliste dans une politique qui étouffe des formes d’expression sociale ou individuelle ? Cette mesure exporte le problème social de quelques écoles vers toute la Flandre.
Le PSL est très clairement contre l’interdiction du port du voile: nous sommes pour le droit de chacun de croire en une conception de vie, abstraction faite de la question de savoir s’il s’agit d’une conception religieuse, politique ou culturelle. Les idéaux du « Siècle des lumières» et de la « neutralité» sont opposés à cette approche répressive pour ceux et celles qui refusent de s’en tenir aux normes vestimentaires imposées d’en haut.
Pour les mêmes raisons, nous sommes bien évidemment contre une obligation de porter le voile, que ce soit en Iran sous le régime réactionnaire d’Ahmadinejad ou évidemment en Belgique. Nous croyons au droit de chacun d’exprimer son identité, ou, quand, et comment il le souhaite.
Contre-productif
Les conséquences de l’interdiction sur «l’intégration» de la communauté allochtone sont déjà visibles: différentes associations plaident maintenant pour un réseau d’enseignement musulman séparé. Ce pas en arrière va entraîner plus de ségrégation, et aussi plus de racisme.
Les quartiers à fort taux de population d’origine immigrée – et les écoles dans ces quartiers – sont l’expression du fossé profond qui existe dans notre société, en premier lieu entre riches et pauvres. Interdire le port du voile ne change rien aux problèmes de ces écoles. Pour améliorer leur situation, il faut s’en prendre à la pauvreté. Les véritables problèmes sociaux doivent être abordés: un emploi décent pour tous, plus de moyens pour l’enseignement et de meilleurs services sociaux. Ce n’est que sur cette base que l’on peut promouvoir une véritable intégration. L’interdiction du voile est utilisée comme prétexte: cette question occupe les médias et permet de faire passer au second plan les véritables problèmes fondamentaux.
Campagnes médiatiques
L’attitude adoptée par les médias est particulièrement tendancieuse et partisane. Les couvertures et les articles consacrés au port du voile n’abordent que rarement les problèmes sociaux. Cela ne peut que faire penser à la manière dont bien des médias abordent une grève: en parlant des problèmes causés aux automobilistes par exemple, mais sans parler des revendications des grévistes, en laissant la parole aux « usagers en colère » et aux patrons, mais pas aux grévistes.
En Flandre, les journaux et la télévision n’ont quasiment laissé parler – à de rares exceptions près – que les directions et les partisans de l’interdiction. Le mouvement d’opposition à cette mesure n’a été mentionné que parce que des vandales avaient saccagé une école juste avant qu’une action n’ait lieu. A cette occasion EGA a été traité dans le quotidien De Standaard de «groupes de Blancs anarcho-marxistes» et de provocateurs. Celui qui nous connaît un peu ne peut que sourire de cette présentation, mais cela illustre bien la manière dont les médias ont parlé des opposants à l’interdiction du voile.
Les médias ne sont pas neutres. Ce sont au contraire des instruments au service de l’establishment. Les grévistes sont ainsi souvent présentés comme des fainéants. La même chose arrive maintenant à la communauté musulmane, présentée à tout bout de champ comme « irrationnelle » ou « radicale ».
Nous pensons qu’on ne peut voir cette problématique précise sous l’angle des «symboles religieux» mais avant tout sous celui de problèmes sociaux plus profonds. Dans une société qui investirait massivement dans l’enseignement, dans les services publics, dans les soins de santé, dans l’emploi,… ce type de problème n’existerait pas. C’est sur ces points que combat principal doit se mener.
Le marxisme et la religion
Quand nous disons que nous nous basons sur le marxisme, cela ne signifie pas que nous appliquons religieusement une série de dogmes, mais plutôt que nous appliquons une méthode, élaborée à partir des leçons tirées des luttes de classes, qui permet de comprendre comment fonctionne la société de classes afin de mieux la combattre. Dans le cadre de la lutte contre le patronat et l’exploitation, la question de l’unité des travailleurs est cruciale.
A lire sur marxisme.org
D’ici quelques mois, le PSL lancera une nouvelle version de son site théorique. Toutefois, en attendant, le site existant reste une bonne source d’informations. Autour du thème du marxisme et de la religion, nous vous conseillons les articles suivants (également disponibles en écrivant à la rédaction).
Pour Marx et Engels, tout comme pour d’autres marxistes après eux comme Lénine et Trotsky, la question de la religion a toujours été secondaire par rapport à la lutte des classes. Cependant, bien qu’ils aient été athées et qu’ils n’aient cessé d’affirmer que pour trouver une solution à un problème, il fallait lui appliquer une analyse scientifique et non pas religieuse, les partis dans lesquels ils se sont impliqués ont toujours été ouverts aux travailleurs croyants. La condition qu’ils mettaient en avant n’était pas que chaque travailleur abjure ses croyances avant de pouvoir prendre part aux organisations du mouvement ouvrier, mais simplement qu’ils ne devaient pas attendre leur dieu pour aider à résoudre les problèmes sociaux du monde, et donc participer à la lutte de la classe des travailleurs contre le patronat.
Pour Marx, la religion est à la fois le fruit de la misère du monde et une protestation contre la cruauté de celui-ci («l’opium du peuple»). Lénine, lui, écrivait en 1905: «L’État ne doit pas se mêler de religion, les sociétés religieuses ne doivent pas être liées au pouvoir d’État. Chacun doit être parfaitement libre de professer n’importe quelle religion ou de n’en reconnaître aucune» Les véritables socialistes mettent en avant le fait qu’il existe une grande différence entre la religion des pauvres, comme le sont la majorité des musulmans au Moyen-Orient, et la religion des classes régnantes, comme celles des régimes arabes dictatoriaux. Pour la classe dirigeante, la religion est utile à faire partager à la population essentiellement pour tenir les masses sous contrôle.