Les élections générales en Allemagne ont mis fin à la grande coalition entre les conservateurs du CDU (Union chrétienne démocrate) et les sociaux-démocrates du SPD. Cette grande coalition fait maintenant place à une alliance de droite conservateurs/ libéraux, CDU/CSU (Union chrétienne sociale) et le FDP (Parti démocratique libre), ce futur gouvernement marqué très a droite ne manquera pas d’agir contre les intérêts des travailleurs.
Par Sascha Stanicic, SAV (CIO-Allemagne)
Les deux partis du gouvernement sortant ont subi des pertes, mais cette élection est en paradoxe en soi: les partis du gouvernement sortant ont été sanctionnés à cause de leur politique de droite anti-travailleurs, politique qui sera poursuivie et accentuée par le nouveau gouvernement de droite.
Le SPD, qui a dirigé la pays avec les verts pendants sept ans jusqu’au début de la grande coalition en 2005, a subi de lourdes pertes. Le SPD «premier» (pour le collège électoral ) a vu ses voix passer de 18.129.000 à 12.077.000 tandis qu’en seconde place (pour la liste de parti, le vote décisif pour déterminer le vote du parlement), le SPD a chuté dans des proportions semblables laissant le parti à un pauvre 23%. C’est 11% de moins qu’il y a 4 ans et le plus mauvais résultat du SPD depuis la deuxième guerre mondiale! Depuis 1998, la liste SPD a perdu près de la moitié de ses électeurs de 20.178.800 (40%) à 9.988.800. (23%). C’est un désastre pour le SPD, un ancien parti des travailleurs de masse devenu entretemps le moteur des réformes néolibérales en Allemagne.
Le CDU d’Angela Merkel n’a pas fait mieux que son ex-partenaire et un grand nombre de ses électeurs sont passés au FDP (libéral). De même le CSU, l’allié du CDU en Bavière, a également vu ses voix chuter. La raison pour laquelle le SPD a été plus durement sanctionné tient au fait qu’ils sont au pouvoir depuis plus longtemps. De plus, le fait qu’ils soient « sociaux démocrates » (sur papier) a amplifié cette insatisfaction.
Le principal gagnant de cette élection est le parti libéral, le FDP, qui passe de 9,8% à 14,6%, et ce grâce à de nombreuses voix issues du CDU. Les gains du FDP semblent absurde tant leurs positions ultra libérales approfondiraient certainement la crise économique actuelle. Mais au cours de la campagne, ils ont lourdement insisté sur la nécessité de supprimer certains impôts. Même le «Financial Times Deutsch land» n’appellait pas à voter FDP, le parti ne soutenant pas assez la régulation des marchés.
Une raison clé de ce résultat est qu’un accord a été conclu entre le patronat et le gouvernement, cet accord visant à essayer de limiter l’impact de la crise économique jusqu’au vote. En échange d’une extension du plan gouvernemental de chômage partiel, les patrons ont promis de ne pas licencier en masse jusqu’aux élections, c-a-d maintenant.
De bons gains pour Die Linke
Le deuxième vainqueur de ces élections est la formation de gauche Die Linke, maintenant le quatrième parti au parlement. En comparaison de 2005, quand il était encore une alliance entre le PDS (l’ancien parti au pouvoir dans la stalinienne Allemagne de l’Est) et le WASG (alliance pour le travail et la justice sociale), ce parti a vu ses voix augmenter de 3,2%, totalisant ainsi 11,9% des suffrages. C’est certainement un succès non négligeable mais néanmoins un peu court au vu du potentiel existant. Avant les élections, certains sondage le créditaient de 14%. Mais lors des élections pour le parlement de Brandebourg (organisé le même jour que les législatives) ses voix n’ont même pas augmenté. Alors que 780.000 déçu du SPD se sont tournés vers Die Linke, ce sont des centaines de milliers supplémentaires qui auraient pu être gagnés, ceux la même qui, dégouté de «leur» parti, n’ont pas voté du tout. Par rapport à 2005, on estime que 1.600.000 personnes ayant voté SPD se sont abstenues lors de cette élections.
Lors d’un sondage ayant pour thème la crédibilité des différents partis, sondages réalisés peu avant les élections, Die Linke n’a récolté que la troisième place derrière les libéraux et les verts. Ceci est partiellement explicable par l’expérience qui a vu Die Linke participer à des coupes sociales et à des privatisations après que cette formation ait rejoint les gouvernements locaux de Berlin et de Mecklenburg. Mais le plus gros défaut de Die Linke réside dans de le fait que, malgré une campagne meilleure que la précédente et principalement centrée sur les questions économiques et l’aide sociale, ils n’ont jamais réussi a développer un profil fort et clair.
Maintenant que le SPD, les verts et Die Linke sont dans l’opposition, le danger apparaît que la direction de Die Linke tente de se rapprocher d’un nouveau SPD «d’opposition» (et donc plus à gauche) dans le but de préparer un future coalition. Au contraire, ce qui est nécessaire est un parti de masse ouvrier et socialiste qui se concentre sur les luttes ayant lieu en dehors du parlement et sur comment propager les idées du socialisme. Avec la très probable participation de Die Linke aux gouvernements de plusieurs Etats fédéraux, il est possible que la direction jette par-dessus bord des aspects essentiels du programme. Déjà, ces dernières semaines, les dirigeants du parti ont «radouci » leur position concernant le retrait des troupes allemandes d’Afghanistan. Le retrait immédiat n’est plus à l’ordre du jour. Maintenant, on nous dit que cela nécessitera des discussions avec les partenaires de l’ Allemagne en Agfhanistan, c’est-à-dire les autres puissances impérialistes et le gouvernements antidémocratique et corrompu de Karzai, et que cela prendra du temps. C’est une stratégie de sortie avec laquelle le SPD peut être d’accord.
Le nouveau gouvernement sera tôt ou tard forcé de lancer une avalanche d’attaques contre la classe ouvrière, les chômeurs, les pensionnés et les jeunes. Par conséquent, la tâche décisive pour les syndicats, Die Linke (et tout les autres) est de se préparer à une lutte massive. Dans ce contexte, il est scandaleux que Michael Sommer, dirigeant syndical (DGB), ait déclaré le soir des élections que les syndicats sont préparés à travailler avec ce gouvernement . Un vrai dirigeant syndical aurait dit à ses affiliés de se préparer à de futures luttes.
Ces batailles viendront tôt ou tard, probablement plutôt tôt que tard. Elles auront lieu aussi bien dans le secteur industriel,contre les licenciements massifs, les fermetures d’usines, que dans l’arène politique, contre les coupes sociales, une possible augmentation de la TVA et d’autres mesures semblables.
Cette élection ouvre une période plus instable dans la société allemande. Le nouveau gouvernement de droite ne reflète pas un virage à droite décisif dans la société. Les résultas montrent un mécontentement croissant, la volatilité et dans une certaine mesure une polarisation politique. Les conséquences de ceci, et de nouvelles opportunités pour les idées socialistes seront plus que jamais d’actualité quand le gouvernement tentera de faire payer la crise à une partie de la classe moyenne ainsi bien sur qu’aux travailleurs.