IRAN: Comment poursuivre le mouvement ?

En juin, le régime iranien a tremblé sur ses fondements sous les protestations d’un mouvement massif s’opposant à la manipulation des résultats des élections présidentielles mais aussi, plus profondément, au régime réactionnaire d’Ahmadinejad. Car la prétendue « république des pauvres » que celui-ci promettait depuis des années est restée un slogan creux tandis que se développait un régime répressif garantissant de grands bénéfices pour les riches et un chômage élevé pour les pauvres.

Par Geert Cool

bien que très importantes, n’ont pas conduit au renversement d’Ahmadinejad. Les raisons à ce maintien – peut-être – provisoire du régime ne peuvent se résumer à la répression, mais trouvent également leur origine dans les limites du mouvement lui-même.

Ce mouvement a reçu un grand soutien parmi les jeunes (60% à 70% de la population iranienne a moins de 30 ans) et les travailleurs, mais il lui a manqué une direction capable de le structurer et de lui offrir une alternative claire. Il lui a manqué une direction issue du mouvement des travailleurs. Le «mouvement vert» est resté bloqué autour du candidat Moussavi, lui-même représentant d’une partie de l’establishment de la république islamique. Une arrivée du mouvement ouvrier au premier plan du mouvement de contestation aurait constitué une menace pour Moussavi et son état-major car ceux-ci ne contestent pas la base fondamentale du régime: l’exploitation des masses par l’élite dirigeante.

Les hésitations et la confusion du mouvement ont permis au régime de le réprimer. Les milices paramilitaires Basij ont été lancées contre les opposants. Les universités, qualifiées de foyers de troubles, ont été placées sous haute surveillance. Les usines et les lieux publics ont progressivement été mis sous contrôle militaire. Des militants de gauche et des travailleurs ont été arrêtés et torturés. Cela a été notamment le cas des dirigeants du syndicat clandestin des chauffeurs de bus de Téhéran ou de militants dans le secteur automobile.

Mais le mécontentement est toujours présent. Tout comme durant la période 1978-79, on peut s’attendre à des éruptions régulières de protestation, comme cela a été le cas le 18 septembre. Pour détourner la colère populaire, Ahmadinejad a multiplié les provocations antisémites (en défendant une nouvelle fois le négationnisme et en appelant tous les musulmans à s’unir pour faire disparaître Israël), proclamant le 18 septembre « journée de solidarité avec les Palestiniens ». L’opposition est descendue dans les rues à cette occasion. Mais la participation à ces actions contestataires était moindre qu’en juin, et l’emprise des prétendus «réformateurs» (partisans d’un cours plus libéral et pro-occidental) comme Moussavi, Karroubi et Khatami était plus grande. Toutefois, la flamme de la protestation couve encore et le régime reste sur ses gardes.

Les faiblesses politiques des dirigeants de l’opposition sont utilisées par certains pour attaquer le mouvement d’opposition en affirmant qu’il affaiblit le camp anti-impérialiste. C’est notamment le cas du professeur de gauche américain James Petras. Ce genre de position est renforcé par l’attitude du président vénézuélien Hugo Chavez qui soutient le président iranien, en oubliant bien entendu dans ce cas toute référence à son «socialisme du 21e siècle»…

Il est dangereux de considérer Ahmadinejad uniquement comme un ennemi de l’impérialisme américain et d’«oublier » qu’il est aussi et même surtout un dirigeant réactionnaire d’un régime qui opprime les travailleurs et les jeunes. D’autres font la même erreur, en sens inverse, et considèrent chaque opposant à Ahmadinejad comme un allié, quitte à ce qu’il soit par exemple partisan de l’ancien régime pro-capitaliste du Shah.

Pour parvenir à renverser ce régime haï, le mouvement doit se renforcer en adoptant une position de classe indépendante et un programme socialiste. Seule la force du mouvement des travailleurs, avec des grèves générales et des comités de lutte démocratiquement élus, peut obtenir la satisfaction des revendications démocratiques en les liant à des revendications sociales comme la lutte contre le chômage, la corruption, l’exploitation,… Avec de telles revendications, les syndicats et les partis des travailleurs peuvent trouver l’écoute des couches les plus larges de la population et les mobiliser pour mettre fin tant à l’oppression qu’à l’exploitation capitaliste.

Comment lutter contre l’impérialisme ?

L’élection d’Obama n’a eu aucune incidence sur la politique impérialiste des USA. S’il est question de mettre un terme à la présence de troupes américaines sur le sol irakien, ce n’est que pour augmenter les forces armées US en Afghanistan. Nous nous sommes toujours opposés tant à la guerre en Irak qu’à celle en Afghanistan, en liant notre opposition à l’impérialisme à la lutte pour une alternative socialiste au capitalisme.

La politique de pillage du monde néo-colonial prive de moyens la majorité de la population. De plus, les différentes puissances impérialistes, dans leur lutte pour accroître leur influence et s’assurer l’accès aux matières premières bon marché de la région, ont souvent appliqué la tactique du « diviser pour régner » afin de s’assurer des alliés et des relais sur place. Les ingérences impérialistes ont ainsi conduit au renforcement des oppositions ethniques et religieuses. Quel meilleur terreau imaginer pour des conflits sanglants ?

L’impérialisme américain porte une grande responsabilité dans la création du monstre qu’est le fondamentalisme islamique, contre qui il tente maintenant de lutter en Afghanistan et ailleurs. Car ce sont les USA et leur allié saoudien qui ont jadis financé les centres de formation pour les Talibans. Utiliser les fondamentalistes et jouer avec les oppositions ethniques étaient des armes bien pratiques aussi longtemps qu’il fallait lutter contre la «menace rouge» (les ‘communistes’ étaient arrivés au pouvoir en Afghanistan en ‘78 et l’Union Soviétique était intervenue militairement dans le pays l’année suivante pour mettre fin à la lutte de pouvoir au sein du parti communiste afghan et stabiliser le pouvoir).

Mais les USA ont depuis lors perdu le contrôle de leur créature, ce qui les a conduit à la «guerre contre le terrorisme». En jouant actuellement sur les différentes oppositions ethniques dans le pays, l’impérialisme américain ne fait que préparer la voie à de nouveaux monstres hors de contrôle, au détriment des populations de la région, quelque soit leur provenance ou leur religion.

L’impérialisme est le premier responsable de la guerre en Afghanistan ou du conflit israélo-palestinien. La direction du mouvement ouvrier n’est cependant pas non plus exempte de fautes en ayant échoué à offrir une réponse efficace. L’échec du stalinisme (symbolisé par la disparition du Bloc de l’Est) et du nationalisme arabe (symbolisé par la corruption et la soif de pouvoir de l’OLP en Palestine) ont ouvert la porte aux tendances fondamentalistes. La percée du Hamas dans la bande de Gaza en est le résultat.

Le point de départ de la position du PSL est toujours l’unité des travailleurs tant contre l’impérialisme que contre les régimes réactionnaires, comme en Iran. Les tentatives de chercher des alliances avec des régimes réactionnaires pour lutter contre l’impérialisme sèment la confusion dans le mouvement international des travailleurs. Or, contre un système capitaliste qui est mondial, la lutte internationale ne pourra pas progresser en fermant les yeux sur l’oppression que subissent les masses sous des régimes prétendument « anti-impérialistes ». C’est pourquoi nous nous opposons au soutien que le président Chavez accorde à Ahmadinejad.

Nous lions la lutte contre l’impérialisme à la lutte contre les divisions ethniques et pour les droits démocratiques et à la lutte contre les conditions sociales d’oppression et d’exploitation. Nous mettons en avant une alternative dans laquelle les travailleurs et les pauvres prendraient en main leur destinée, une société socialiste basée sur la solidarité internationale des travailleurs et des opprimés.

Un tel programme a des conséquences pratiques pour le PSL. Nous faisons partie d’une organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), active dans une quarantaine de pays. Nous jouons un rôle actif dans des campagnes de solidarité, comme nous l’avons par exemple fait avec le soutien apporté à la gauche iranienne en lutte contre le régime réactionnaire d’Ahmadinejad et contre l’impérialisme. La lutte pour une société socialiste est une lutte internationale.

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