Ce texte a été rédigé par les militants du PSL qui ont été actifs dans la lutte et la solidarité avec les travailleurs de Tecteo. Nous souhaitons en débattre largement avec tous ceux – militants syndicaux et travailleurs de Tecteo, mais aussi d’ailleurs – qui, comme nous, pensent que ce qui se passe à Tecteo pose des questions qui vont bien au-delà de l’entreprise mais concernent toutes les intercommunales et l’ensemble des services publics.
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Socialisme 2009 – 24/25 octobre
Le week-end Socialisme 2009 comprendra un café syndical, le samedi 24/10 à 14h, avec des orateurs de Belgique et d’ailleurs, dont Sven Naessens (raffinerie Total, Anvers), Daniël Behruzi (auteur d’analyses, entre autres sur Opel-Allemagne), Mohamed (ancien délégué FGTB à Bekaert Hemiksem) et Keith Gibson, un des leaders des grèves de la Lindsey Oil Refinery (Total) en Angleterre, Plus d’infos
Vendredi matin, l’assemblée générale des affiliés de la CGSP-Tecteo, réunie à la FGTB de Liège, a voté à une large majorité des présents dans la salle en faveur de la suspension de la grève et de l’acceptation de l’accord conclu entre les organisations syndicales et la direction (accord qui est étroitement basé sur un pré-accord conclu quelques jours auparavant entre la direction de Tecteo et les dirigeants régionaux de la FGTB et de la CGSP, sous la houlette des bonzes du PS liégeois). L’assemblée de la CSC, jugeant l’accord «peu satisfaisant» a pour sa part voté pour la poursuite de la grève, à condition que cela soit en front commun syndical. Comme ce n’était pas le cas, les travailleurs ont donc repris le travail dans l’après-midi. Mais les sentiments sont très mitigés.
«Avant, la direction voulait que les travailleurs travaillent plus en… gagnant moins. [Désormais] les travailleurs travailleront plus en gagnant autant.»Voilà comment Joël Thone, secrétaire régional intersectoriel de la CGSP (et négociateur du pré-accord) a résumé l’accord sur lequel a pris fin la grève de Tecteo après 11 jours de grève au finish1. Un résumé partiellement exact (mais partiellement seulement) au point de vue financier mais qui laisse beaucoup de questions pendantes et qui cache quelques vraies capitulations. Ce qui est bien l’avis du directeur général de Tecteo, Stéphane Moreau, qui, lui aussi, n’a pas caché sa satisfaction. «Même si cet accord nous coûte 3 millions d’euros par an (un chiffre dont on se demande sur quelle base il l’a calculé), on a conservé le plus important, à savoir la philosophie du plan.»2
Alors, cet accord, une victoire syndicale ou un motif de satisfaction pour la direction ?
Travailler (nettement) plus pour gagner … un peu plus qu’avant mais quand même moins qu’encore avant!
Voyons d’abord si les travailleurs vont «gagner autant». La prime barémique est rétablie à 100%, le système d’évolution de carrière permettant une augmentation de salaire consistante après 20 ans de service (échelle barémique C) est rétabli et le treizième mois est également maintenu (alors que, dans le plan de la direction, une première évaluation négative pour le travailleur entraînait la suppression pure et simple de cette prime). Voilà pour les points positifs. Par contre, toujours sur ce même plan financier, la prime annuelle «de participation» de 250 euros reste supprimée. Il en va de même pour l’assurance hospitalisation pour les conjoints des agents, tandis que celle des retraités reste amputée de 50%.
Pour ce qui est de «travailler plus», par contre, il n’y a pas le moindre doute… et pas le moindre recul de la part de la direction: le passage de 36 heures à 38 heures (payées 36) subsiste, de même que la suppression des deux jours de congé de circonstance.
Sur le plan financier, qui est celui sur lequel les négociateurs syndicaux ont surtout insisté, le bilan, on le voit, est fort mitigé et très loin du cri de victoire repris en début d’article.
Le statut et l’emploi à peu près préservés
Reste l’autre question, la plus épineuse pour la direction: celle du maintien du statut d’agents du service public pour les travailleurs nommés chez Tecteo – avec, en toile de fond, le développement d’une privatisation rampante de Tecteo. La filiale privée que la direction de Tecteo veut à tout prix ouvrir avec un statut de société anonyme le sera bel et bien. Mais son objectif initial est réaffirmé: il est limité au développement de l’énergie renouvelable (assez loin des envies de la direction d’avoir une filiale avec un objet «fourre-tout » susceptible dans l’avenir d’absorber tout le reste de Tecteo). Quant aux 229 travailleurs jugés excédentaires dans le secteur Resa (le réseau de distribution d’électricité, correspondant à l’ex-ALE), ils ne seront pas réaffectés dans cette filiale avec un nouveau contrat de secteur privé : ils conservent au contraire leur statut d’agent de service public mais pourront être affectés en sous-traitance dans cette filiale privée.
C’est donc une victoire syndicale sur la question du statut. Mais on peut craindre qu’elle ne soit que provisoire et que la question revienne sur la table à la prochaine restructuration. Ou même avant, car les réaffectations entre Resa et la nouvelle filiale se feront, selon les termes de l’accord, «après avoir discuté de l’organigramme de Resa». Or la direction a commencé depuis plusieurs semaines à redessiner cet organigramme, d’une manière jusqu’ici particulièrement opaque. On peut parier que les délégations syndicales auront bien du mal à obtenir des informations complètes et à peser sur les décisions futures. Or, un grand nombre de points concrets liés à l’application du nouveau règlement de travail devront encore être discutés entre la direction et les délégations syndicales dans les prochains mois.
Dernier point positif – et il est important : la garantie du maintien de l’emploi dans toute la structure. Mais, avec une même question : jusqu’à quand ? Quand on voit comment les patrons utilisent la crise pour lancer des restructurations d’ampleur présentées comme « indispensables » ou « inévitables », on se dit que ce genre de garantie ne pèse plus très lourd de nos jours.
Un bilan mitigé
Par rapport au plan d’économies de Moreau et au règlement de travail imposé aux travailleurs depuis le 7 septembre, la lutte menée pendant un mois et demi – et en particulier les deux semaines de grève menée en front commun – a permis de récupérer une partie de ce qui avait été perdu. C’est incontestablement la preuve que la lutte a payé. Mais, par rapport à la situation qui existait avant l’été, le recul reste sévère.
Le vote en faveur de la reprise s’est fait sans enthousiasme et avec beaucoup de méfiance envers la direction, son arrogance et ses manœuvres. Et le nombre de questions qui restent à régler par la négociation entre direction et délégations syndicales reste énorme. Sans compter les nouveaux problèmes qui sont venus à la surface à l’occasion de cette grève, et en particulier l’inquiétude pour l’avenir du fonds de pension Ogeo, créé au départ du fonds de pension des travailleurs de l’A.L.E. et élargi à d’autres entreprises et collectivités publiques, qui est dans un état plus que préoccupant.
Tout cela pose clairement la question : y avait-il moyen de faire reculer plus nettement Moreau ? Nous discuterons dans la deuxième partie de ce texte des stratégies suivies par la CGSP et la CSC-SP.
1.La Meuse, 2 octobre 2009
2.La Meuse, 5 octobre 2009