Grippe porcine et système de profits

La grippe porcine se répand rapidement. Il est urgent de produire un vaccin afin de prévenir l’épidémie, mais il faudra attendre un an avant de disposer d’un nombre suffisant pour l’ensemble de la population. Au Royaume-Uni, par exemple, la moitié de la population aurait le temps d’être infectée d’ici là.

Jon Dale, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

Heureusement, pour la plupart des gens, cette infection, bien que déplaisante, n’est pas grave. Le nombre de gens qui développent des complications dues à cette grippe ou qui en meurent ne semble pas plus élevé que pour une grippe saisonnière normale. Mais les virus de grippe sont imprévisibles, car ils peuvent changer brusquement. La situation pourrait donc empirer en conséquence.

Des pandémies de grippe – des épidémies qui touchent le monde entier – se produisent une fois toutes les quelques décennies. Cela fait plusieurs années que des scientifiques parlaient du risque d’une nouvelle pandémie. L’apparition de la grippe aviaire en 2005 aurait pu en être le début, mais ce virus n’était pas très contagieux pour les humains.

L’industrie pharmaceutique a eu beaucoup de temps pour se préparer : à quel point est-elle donc préparée pour répondre à une demande de plusieurs milliards de doses ? Les vaccins antigrippaux ne peuvent pas être développés à l’avance, à cause de la manière dont le virus change. Une ligne de production ne peut pas non plus être mise en œuvre du jour au lendemain, puisque les vaccins requièrent la multiplication d’une forme modifiée du virus, ce qui prend au moins douze semaines et peut prendre des mois.

Des tests de sécurité doivent être effectués, au cas où il y aurait des effets secondaires. Mais il faut des usines prêtes à démarrer la production dès que le travail de développement a été effectué.

Environ 300 millions de doses de vaccin contre la grippe saisonnière sont produits dans le monde chaque année. Si les producteurs se spécialisaient dans une seule souche de vaccin anti-pandémique, ils pourraient tripler le nombre de doses jusqu’à environ 900 millions.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, jusqu’à 4,9 milliards de doses pourraient être produites en 12 mois. Mais si plus d’une seule dose par personne est nécessaire (on a souvent besoin de deux) et que le total de production est inférieur à celle de vaccin contre la grippe saisonnière, beaucoup moins de gens auront accès à la protection.

Le 23 juin, la compagnie pharmaceutique américaine Baxter International a déclaré avoir reçu des commandes de cinq pays, y compris le Royaume-Uni, l’Irlande et la Nouvelle-Zélande, pour un total de 80 millions de doses de vaccin, et qu’elle n’en recevra pas plus. Elle produira ces doses dans de nouvelles usines en Tchéquie et en Autriche.

Selon la Chicago Tribune, Baxter pourrait obtenir entre 30 et 40 millions de dollars grâce à ces contrats. Cela équivaut à 50 cents par dose. Dans le deuxième trimestre de 2009, Baxter a réalisé un profit de 587 millions de dollars – un gain de 8% par rapport à l’année passée. Les payements de dividendes ont cru de 13%.

Une autre compagnie qui bénéficie de la frayeur causée par la grippe est GlaxoSmithKline (GSK), qui a une implantation en Belgique dans la région de Wavre – Louvain-la-Neuve. On prévoit que les ventes de l’inhalateur Relenza produit par cette compagnie, et qui est une alternative au Tamiflu utilisé entre autres par les femmes enceintes, vont atteindre un niveau record de 700 millions d’euro. Ce chiffre pourrait être augmenté jusqu’à 2,4 milliards d’euros en septembre, lorsque le nouveau vaccin va arriver sur le marché.

“Nous ne cherchons pas à générer un taux ahurissant de profit » a dit Andrew Witty, président de GSK. «Mais de la même manière, nos actionnaires ne voudraient pas que nous fassions quoi que ce soit sans rien recevoir en retour».

GSK et les autres compagnies pharmaceutiques ne veulent pas construire et entretenir des usines chères et dont ils pourraient ne pas avoir besoin pendant plusieurs années, pour le seul plaisir d’être prêts pour une pandémie lorsque celle-ci apparaît. C’est pourquoi la pression exercée pour trouver et produire un vaccin contre la grippe porcine aussi vite que possible menace la production normale de vaccins contre la grippe saisonnière. Les mêmes installations de productions pourraient être requises.

Le gouvernement américain vient d’offrir un contrat de 35 millions de dollars à la Protein Sciences Corporation (Corporation des Sciences Protéiques). Cette compagnie est en train de développer une nouvelle méthode rapide de fabriquer des vaccins, en utilisant des cellules d’insectes dans lesquelles multiplier les virus, plutôt que dans des œufs de poule comme on le fait habituellement. Seulement, la veille de la signature du contrat, cette entreprise était au bord de la faillite !

Le développement et la production de vaccins ne devrait pas être abandonné à la volonté de corporations gérées afin de faire du profit. Une industrie pharmaceutique publique et contrôlée démocratiquement placerait les ressources nécessaires à la préparation à une éventuelle pandémie, même si ces installations n’étaient pas utilisées pendant des années.

Elle s’assurerait également qu’il y aurait assez de capacité que pour produire assez de doses pour toutes les personnes exposées, y compris celles qui vivent dans des pays où la plupart des gens ne disposent pas de soins de santé adéquats. La vitesse à laquelle ce virus est parti du Mexique pour se propager au reste du monde montre bien à quel point i lest nécessaire de mettre en place un plan international afin de combattre de telles maladies infectieuses.

Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont dépensé plus de 864 milliards de dollars dans les guerres en Afghanistan et en Irak. Il n’aurait probablement fallu que 10 milliards de dollars pour produire assez de vaccin antigrippal pour le monde entier. La question de savoir laquelle de ces deux dépenses contribue le plus à notre sécurité ne se pose pas.

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