La fin de la récession? Pour les travailleurs et leurs familles, le pire reste encore à venir

A en croire le Fonds Monétaire International, la récession aurait atteint un plancher et «la reprise de l’économie mondiale a commencé». Cela ne s’est pas fait grâce à la «main invisible» du marché, mais bien grâce aux autorités qui se sont largement endettées afin de sauver le système. Pour éviter l’effet boule de neige des intérêts à payer, elles seront obligées des années durant, de couper fortement dans les dépenses publiques tout en cherchant de nouvelles sources de revenus.

Analyse, par Eric Byl

Des bourgeons verts?

Selon Obama, l’économie a été sauvée de la catastrophe, échappant à une dépression comme celle des années ‘30. En juin, la perte d’emplois aux Etats-Unis a été réduite de moitié par rapport aux mois précédents et limitée à «seulement» 250.000. Malgré ça, le gouvernement s’attend à un chômage de 10% pour la fin de l’année (contre 9,4% aujourd’hui). Mais, si l’on prend en compte les contrats temporaires involontaires et les chômeurs «démotivés», il atteint déjà les 16,3%. «Joe Six-pack» (le travailleur américain moyen) à déjà perdu 3,4% de son revenu sur base annuelle – le recul le plus important depuis le début des statistiques en 1960 – une diminution ininterrompue depuis huit mois. Parallèlement, sa productivité a augmenté de 6,4%. Le coût du travail payé par le patronat a baissé de 5,8%, la plus grande chute depuis 2001.

Il faut d’ailleurs toujours relativiser les «bonnes» nouvelles venant des USA. Le nombre de saisies immobilières a atteint un nouveau record en juillet. Malgré la prime de 250 $ accordée aux retraités et aux allocataires en mai, l’économie s’est encore contractée au deuxième trimestre de 0,3% par rapport au premier trimestre, ce qui fait un recul de 3,9% en un an. L’Europe aussi à ses «bourgeons verts». Tant les économies allemande que française ont connu une croissance modeste de 0,3% ce deuxième trimestre après 4 trimestres de recul. La prime pour le remplacement des vieilles voitures n’y est certainement pas étrangère. Mais tant les économies de Grande-Bretagne (-0,8%) que celle d’Espagne (-0,9%), d’Italie (-0,5%), des Pays-Bas (-0,9%) et de Belgique (-0,4%) ont connu un rétrécissement considérable ce deuxième trimestre. Sur base annuelle, l’économie allemande a reculé de 5,9%, la française de 2,6% et la belge de 3,8%. La production industrielle de la zone Euro s’est réduite pendant cette même période de pas moins de 17%.

La nouvelle de cet été, c’est la croissance des pays asiatiques, qui a atteint 10% en moyenne. Si ce chiffre est contesté en Occident, aucun doute ne peut pourtant exister: les stimulants fiscaux y ont été plus amples et ont eu un effet plus immédiat. Mis à part l’Inde, tous ces pays sont entrés en récession avec des budgets publics plus sains et avaient donc plus de marge pour intervenir. Les dettes des entreprises et des particuliers y étaient aussi plus limitées. Les banques asiatiques étaient encore en meilleur état que les occidentales. Sans pouvoir échapper à la récession mondiale, ces pays étaient mieux équipés sur le plan fiscal et monétaire pour y faire face.

Dangers en vue

Les dangers d’une rechute restent pourtant nombreux. La politique monétaire actuelle menace de gonfler de nouvelles bulles. Sur le marché chinois, les actions s’échangent ainsi à 31 fois les profits estimés, contre 18 fois en moyenne dans les pays riches.

Il n’est donc pas anodin que le prix Nobel Paul Krugmann ait déclaré que les autorités pourraient avoir été trop généreuses et auraient ainsi raté l’occasion d’appliquer des réformes structurelles. Il craint de nouvelles bulles spéculatives et un retour à la case départ dans quelques mois. L’économiste Ivan van de Cloot est réaliste lorsqu’il qualifie la Bourse de maniaco-dépressive: «un pendule qui oscille entre la peur et l’avidité». Et ce n’est d’ailleurs pas encore fini. Selon le FMI, les banques européennes auraient seulement assaini 17% de leurs mauvais actifs. Le stress test (simulation de conditions très défavorables) de septembre forcera beaucoup de banques à renforcer leurs capitaux. Les pouvoirs publics belges, les plus généreux en Europe après l’Irlande et la Grande-Bretagne, n’osent pas y penser, eux qui ont déjà dépensé 26,7% du PIB (92 milliards d’euros) pour sauver les banques.

Reprise économique ou pas, on s’attend partout à une hausse du chômage, qui devrait atteindre, en Belgique, 70.000 personnes cette année et 110.000 l’an prochain. La consommation, facteur le plus important de la croissance économique, sera ainsi freinée. L’illusion de croissance à déjà fait doubler le prix du pétrole en seulement 6 mois et d’autres matières premières suivent le même chemin. Les coûts de production et de transport des entreprises vont déraper. La croissance ne viendra donc pas non plus des investissements des entreprises. Ces augmentations de prix ne sont d’ailleurs pas dues à une croissance de la demande, mais principalement à la spéculation. De leur côté, les autorités devront compenser les sommes mirobolantes offertes pour sauver les banques par une politique d’assainissement. Finalement les banques resteront fort prudentes dans l’octroi de crédits.

Si reprise économique il y a, elle sera très faible et ira de pair avec des attaques contre le niveau de vie et les conditions de travail des travailleurs et de leurs familles. Une nouvelle chute économique est probable, car si la politique anticrise a énormément coûté, elle a très peu résolu. Ce système de profits ne peut être sauvé, régulé, ni même domestiqué, il doit être remplacé par un système où l’on produit en fonction des besoins de tous au lieu des profits de quelques-uns. C’est cela que nous appelons socialisme.

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