Opel-Anvers: Nationaliser pour sauver les emplois!

De sombres nuages s’amoncellent au-dessus d’Opel-Anvers. Ce que tout le monde craignait depuis longtemps semble maintenant se concrétiser: les candidats au rachat de l’entreprise veulent fermer l’usine en mars/avril prochain, une fois la dernière Astra sortie. Les 2.700 travailleurs d’Opel et les milliers d’ouvriers et d’employés sous-traitants vont connaître une période difficile. N’y a-t-il vraiment aucune autre alternative?

Par Jan (Anvers), article de l’édition de septembre de l’Alternative Socialiste

De nouveaux profits sur base d’un bain de sang social

On ne peut nier qu’il existe mondialement une surproduction automobile par rapport à la demande. Ce problème n’est pas neuf: il a commencé à se manifester durant la crise des années ’70 ! Mais, depuis lors, il a encore été possible de faire monter les bénéfices en augmentant la productivité (allongement de la semaine de travail, recours accru aux sous-traitants, restructurations,…), en accordant aux consommateurs des prêts bon marché et en investissant dans des activités financières plutôt que dans la production réelle. Mais, à l’été 2008, le secteur s’est écroulé suite à l’éclatement de la crise financière.

L’énorme baisse de la demande de voitures dans le monde a forcé les grands producteurs à opérer des coupes dans leur production, avec en conséquence des centaines de milliers de licenciements. Cette baisse de la demande contraste néanmoins de façon flagrante avec le manque d’accès au transport pour des millions de personnes ainsi qu’avec la nécessité de rendre les transports moins polluants.

Les candidats-repreneurs comme Magna n’ont qu’un seul intérêt: le profit. Magna, qui a reçu 1,5 milliard d’euros de soutien du gouvernement allemand, s’apprête à licencier 11.600 travailleurs d’Opel (sur les 55.000) et à appliquer des coupes salariales pour un montant de 1,25 milliard d’euros. Les 308 millions d’euros à cracher pour la fermeture d’Opel-Anvers ne sont qu’un détail pour recréer rapidement de la valeur pour les actionnaires», sur le dos des travailleurs licenciés et des contribuables.

L’inutile lobbying politique des dirigeants syndicaux

En misant sur la productivité de la filiale d’Anvers, qui peut apparemment facilement soutenir la comparaison avec l’usine de Bochum (en Allemagne), les directions syndicales et le gouvernement flamand espéraient convaincre les candidats au rachat de maintenir ouverte Opel-Anvers. Leur plan était donc de mettre en concurrence les travailleurs belges et leurs collègues allemands. Le gouvernement allemand a cependant systématiquement augmenté ses promesses pour que les repreneurs limitent les licenciements en Allemagne.

Si cette méthode d’action semble encore logique pour l’ancien diri-geant de la fédération patronale flamande et actuel ministre-président du gouvernement flamand Kris Peeters, c’est une position plus délicate à tenir pour les organisations syndicales. En se tournant vers le lobbying politique auprès des divers gouvernements et des actionnaires, les directions syndicales montrent que leur seule perspective est d’étaler les pertes d’emplois sur les diverses filiales européennes d’Opel.

Le 17 juillet, les représentants des délégations syndicales de l’usine d’Opel ont déclaré au quotidien flamand Het Laatste Nieuws qu’ils avaient «une confiance totale dans le gouvernement flamand». Cette même naïveté imbécile avait déjà caractérisé les directions syndicales et le Premier Ministre Dehaene quand Lionel Jospin avait fait la promesse électorale de s’opposer à la fermeture de Renault-Vilvorde en 1997. Un mois après les élections, la douche froide tombait, le nouveau Premier ministre français Jospin «oubliait» sa promesse et c’en était fini de l’usine.

Dans la discussion autour de l’attribution de la production pour la nouvelle Opel Zafira, les directions syndicales d’Opel à Anvers ont déclaré «qu’on peut la produire 18% meilleur marché qu’à Bochum». Cette surenchère de «promesses de productivité» de la part des directions syndicales est exactement le souhait du patronat. En l’espace de dix ans, Opel-Anvers est tombée de 8.000 à 2.700 travailleurs, et ceux qui sont restés ont continuellement été forcés de travailler plus pour gagner moins, à cause de la «nécessaire» course à la productivité. Des années plus tard, cela ne semble pas suffisant et l’usine doit quand même fermer.

La lutte qui doit être menée à Opel ne doit pas s’orienter contre les travailleurs d’une autre filiale, mais bien contre le patron. Les vraies questions sont : Où doivent aller les profits : aux travailleurs ou aux actionnaires? Qui doit contrôler la production?

La seule solution: nationalisation sous contrôle des travailleurs

Les syndicats ne devraient en aucun cas accepter les pertes d’emploi et chaque cahier de revendications devrait comporter des exigences comme la diminution du temps de travail et des cadences de travail. D’énormes défis sont à relever en matière de diminution des embouteillages, du coût de la mobilité (d’autant que nombre de familles voient maintenant leurs revenus baisser), de protection de l’environnement,… Des investissements massifs dans les transports en commun sont urgents, de même que dans le développement de voitures écologiques, tout en s’attaquant à la grande pression de travail du secteur. Mais tant que le profit reste la préoccupation centrale des discussions, les intérêts de toute la population sont rangés au placard.

Un gouvernement qui défendrait les intérêts des travailleurs, des chômeurs et de leurs familles nationaliserait Opel-Anvers (sans indemniser les actionnaires, sauf sur base de besoins prouvés) et organiserait son avenir dans le cadre d’un plan général de mobilité et de transport. Avec les 500 millions d’euros de soutien que le gouvernement flamand a promis au repreneur, les coûts nécessaires pour une reconversion orientée vers les transports publics seraient au moins partiellement couverts. Ainsi, un tel gouvernement pourrait construire autour de l’entreprise un centre de recherche technologique pour des automobiles écologiques, en élargissant par exemple les centres de recherches de nos universités et hautes écoles. Il pourrait parallèlement diminuer la semaine de travail, abaisser la pression au travail et augmenter les salaires. Toutes ces mesures créeraient beaucoup d’emplois et pourraient devenir un exemple exaltant et stimulant pour les travailleurs du secteur automobile partout dans le monde.

Une nationalisation réussie nécessite l’introduction d’un réel contrôle et d’une véritable gestion par les travailleurs. Les syndicats peuvent jouer un rôle important en organisant les travailleurs, en organisant l’élection de façon démocratique des représentants des travailleurs, qui pourraient alors codécider de la manière dont l’usine pourrait remplir une fonction utile dans la société. Un grand nombre de groupes impliqués – comme des organisations représentatives des utilisateurs du transport public, les travailleurs de De Lijn et de la SNCB, les syndicats, des scientifiques, etc. – devraient être impliqués dans la discussion sur l’avenir de l’usine. De nouvelles organisations démocratiques pourraient être créées afin que le débat puisse être mené parmi toutes les couches de la population.

Syndicalisme de lutte et non de soins palliatifs!

Pour qu’un tel scénario devienne réalité, il faudra une lutte qui parte de la base, impliquant le personnel d’Opel-Anvers et celui des entreprises sous-traitantes, ainsi que d’autres entreprises à la fois dans et en dehors du secteur. En fin de compte, cette lutte est importante pour chacun de nous : elle devrait être un exemple de la manière dont les travailleurs, par une lutte de masse, peuvent stopper les tentatives du capitalisme de leur faire payer la crise.

Les syndicats, en tant que représentants des intérêts des travailleurs, doivent jouer un rôle de meneurs. Ils devraient proposer aux travailleurs un plan de nationalisation de l’usine et organiser un débat. Une stratégie internationale est également essentielle. Un meeting au sujet de l’avenir de l’entreprise, incluant des représentants des travailleurs de toutes les usines Opel d’Europe, serait un bon début. Il faut aussi un plan pour faire monter la pression sur les gouvernements nationaux, avec des actions de plus en plus dures. Sur base de la lutte pour la nationalisation, une solidarité internationale à travers toutes les branches de l’industrie automobile dans tous les pays d’Europe pourrait commencer à croître et à prendre des formes concrètes.

En résumé: seule une mentalité combative, avec des dirigeants syndicaux impliquant au maximum la base dans les débats sur le déroulement de la lutte, peut garantir un avenir pour Opel-Anvers et pour l’ensemble du secteur!

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