TECTEO : La colère monte, il faut d’urgence un plan de mobilisation syndicale

«Conservons notre Statut et notre Carrière». C’est le calicot qui accueillait les membres du Conseil d’Administration de Tecteo qui se réunissaient ce jeudi 13 août pour voter un plan destiné à réaliser 20 millions d’euros d’économies sur le dos du personnel. Derrière le calicot, une petite centaine de travailleurs, majoritairement CSC, qui dénonçaient la casse de leur statut et l’arrogance de la direction de cette intercommunale, chasse gardée du PS liégeois.

Par Jean Peltier

Passage de 36 à 38 heures (payées 36 évidemment), report de 58 à 60 ans de l’âge auquel il est possible d’obtenir un congé préalable à la pension, modification des échelles de fin de carrière (ce qui entraîne le rabotage des augmentations salariales), suppression de primes, instauration d’un système d’évaluation annuelle des agents inspiré du privé (un blâme entraîne la suppression de la prime de fin d’année sans recours possible, deux blâmes signifient la mise à pied – avec un recours possible…),… Voilà ce que la direction de Tecteo, l’intercommunale liégeoise s’occupant notamment de la gestion de la distribution d’électricité, veut imposer à son personnel.

Ces propositions avaient provoqué une première fois la colère des travailleurs qui avaient fait une semaine de grève fin juin et début juillet (voir notre article à ce sujet). Mais les syndicats avaient par la suite accepté un préaccord qui entérinait ces propositions. Les travailleurs n’ont, eux, pas apprécié: les assemblées des affiliés de la CSC et du SLFP (libéral) ont rejeté ce préaccord le 13 août tandis que la CGSP, qui n’avait prévu de consulter ses affiliés que le 7 septembre, annonçait en fin de compte elle aussi son opposition, sans annoncer pour autant d’actions.

C’est donc la CSC qui a pris la responsabilité du «piquet d’accueil» des administrateurs de Tecteo. «Ces mesures remettent en cause le statut du personnel d’une manière inacceptable», explique Jean-Marie Kaddes, le délégué CSC. «Le mécontentement du personnel est grand, c’est d’autant plus dommage que la CGSP ne s’associe pas à cette action. Pour notre part, l’affaire n’est pas terminée. Même si le Conseil d’Administration vote ce plan, nous poursuivrons les actions, en justice comme sur le terrain, pour empêcher leur application.»

Colère au piquet

Parmi les manifestants, on sent en effet que la colère est grande. Un militant explique l’ampleur du recul social que représente ce paquet de mesures. «En moyenne, chaque agent va perdre 4.400 euros brut par an. C’est énorme, cela va faire mal à tout le monde et surtout à ceux qui ont les plus bas salaires. Mais pour la direction, ce sont juste des chiffres d’économie. Le passage de 36 à 38 heures, cela représente 6% de la masse salariale en moins. Les rabotages et suppressions de primes et la modification d’un des échelons salariaux, c’est 2,8 milliards d’euros qui sautent. Tout ce qu’ils ont pu trouver pour raboter, ils l’ont fait, même les trucs les plus mesquins : ils ont rogné sur les primes de participation, sur l’assurance hospitalisation, sur les primes de repas,… Sur les heures supplémentaires aussi : plus moyen de les faire payer, on va être obligés de les prendre en récupération, pas plus d’un jour à la fois et uniquement quand ça arrange la direction. Ils ont même décidé de supprimer les primes versées chaque année aux pensionnés de l’entreprise. Eux, ils vont perdre en moyenne 750 euros net par an.»

Un autre insiste sur l’arbitraire qui règne de plus en plus dans les décisions «Les examens vont être supprimés. Avant, ils permettaient de constituer une réserve de gens dans laquelle on recrutait quand il fallait accorder une promotion ou remplacer un responsable qui s’en allait. Maintenant, la direction pourra décider seule de qui elle engage et à qui elle donne une promotion».

Et ces attaques sont encore plus insupportables quand on voit qui les prend : «Stéphane Moreau, lui, il ne compte pas y aller de sa poche.» explique un militant qui entreprend de faire le détail des revenus et des mandats de Monsieur-le-Directeur-de-Tecteo. «Il touche 70.000 euros brut par mois. A lui seul, il gagne autant que la moitié du gouvernement wallon! Il détient 16 mandats, parmi lesquels bourgmestre faisant fonction d’Ans, directeur de Tecteo et de ses filiales (notamment Voo), directeur du Palais des Congrès de Liège, administrateur à l’Association liégeoise du Gaz (ALG), à la Compagnie intercommunale liégeoise de l’Eau (CILE), même chez les pompiers. Plus les divers avantages en nature liés à ces fonctions. Tu peux être sûr que, lui, on ne lui rabote pas ses primes et ses jetons de présence…».

«Ces gens-là, ils se disent socialistes, mais cela ne veut plus rien dire, ils se comportent exactement comme des patrons du privé», cet avis fait très certainement l’unanimité au piquet.

Un plan de mobilisation, d’urgence!

La colère dans le personnel, on pouvait la sentir au piquet. Mais elle s’est aussi manifestée cette nuit-là quand les pneus d’une quarantaine de véhicules de Tecteo garés dans un entrepôt à Sprimont ont été crevés. “Je ne dirais pas que ces personnes ont bien fait de crever ces pneus. Mais je comprends leur désarroi”, a déclaré à juste titre Eric Jehin, président de la délégation syndicale CGSP. “Tous les membres du personnel sont dégoûtés. Ils sont tristes de voir que la direction fait passer, en force, un projet qui a été refusé par les travailleurs”. C’est bien vrai. Mais le désarroi et la tristesse du personnel, il est aussi du au fait que les syndicats ont suspendu les actions menées fin juin et accepté un «préaccord» qui donnait toute satisfaction à la direction. Que la CGSP, qui est largement majoritaire chez Tecteo, ne prévoyait de faire son assemblée d’affiliés que le 7 septembre (soit après le Conseil d’administration qui devait se prononcer sur le préaccord). Et que, si la CSC a déposé ce mardi un «préavis d’action», la CGSP n’a toujours prévu ni mobilisation ni action pour les prochains jours.

Il est encore possible de bloquer ce plan d’économies inacceptable mais, pour cela, il faut un véritable plan de mobilisation des travailleurs qui aille au-delà des communiqués de presse et des actions symboliques. La meilleure manière de procéder, c’est de frapper la direction de Tecteo au portefeuille, entre autres par de vraies actions de grève. D’appeler à la solidarité les autres travailleurs de la région, parce qu’il est clair que le plan imposé chez Tecteo servira d’exemple pour imposer des mesures semblables dans d’autres intercommunales. Et de dénoncer publiquement ces managers et ces actionnaires qui se prétendent «socialistes» mais qui se comportent comme de vulgaires patrons de privé.

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Première page de Lutte Socialiste