Automobile en crise: La chute des icones du capitalisme

Fin juin, le PSL-Anvers a organisé un meeting sur le secteur automobile. Les participants ont pu écouter Thomas, un ancien travailleur temporaire à Opel-Anvers, et Brett Hoven, travailleur chez Ford à Minneapolis, aux Etats-Unis, et membre de Socialist Alternative, notre parti-frère aux USA. Le dossier suivant est basé sur leurs interventions.

La crise touche très durement le secteur automobile. General Motors, la plus grande entreprise automobile au monde durant 77 ans, a ainsi dû passer sous le contrôle de l’Etat américain.

Au cours des décennies passées, les entreprises automobiles étaient un peu les icones du capitalisme. Avec le «fordisme», la chaîne de montage a fait son entrée dans le processus de production. Avec le «toyotisme», l’organisation du travail et de la production a été marquée par une plus grande flexibilité avec une explosion de la sous-traitance, des horaires de travail de plus en plus flexibles et la production en just-in-time(1). Le fait que des termes comme fordisme et toyotisme ont été ensuite de plus en plus utilisés en économie montre bien le rôle central joué par le secteur automobile dans le système capitaliste.

Surproduction

La crise qui frappe aujourd’hui le secteur automobile n’est pas nouvelle. Ces dix dernières années, 11.000 emplois directs ont été perdus dans notre pays, et sans doute autant d’emplois indirects. La crise économique accélère une crise fondamentale de surproduction du secteur. Car la technologie fait qu’on peut toujours produire plus de voitures avec moins de travailleurs.

Même quand 17 millions de voitures étaient vendues chaque année aux USA, il y avait surproduction et les entreprises automobiles procédaient à des restructurations et à des licenciements. Pour cette année, on s’attend à seulement 10 millions de voitures vendues. En plus, la crise financière limite les possibilités qu’ont les entreprises automobiles de trouver d’autres activités rentables sur les marchés financiers.

C’est cela qui est à la base de la faillite de Chrysler et de GM ainsi que de leur reprise par l’Etat. Les moyens de la collectivité qui sont ainsi investis dans ce secteur ne vont pas servir à sauver les emplois, mais bien à organiser un bain de sang social. L’idée est «d’assainir» ces entreprises pour les rendre ensuite au privé.

La Belgique aussi connaît une surproduction. Avant la crise, seuls 75% de la capacité de production étaient utilisés, chiffre qui est descendu maintenant à 60%. Pousser la flexibilité et la productivité vers le haut dans le secteur ne sert qu’à produire autant, voire plus, avec moins de travailleurs.

Opel-Anvers a-t-il encore un avenir?

Dans l’offre de reprise de Magna, il y a 2.500 licenciements en Allemagne et 8.500 dans le reste de l’Europe. Avec Sberbank, Magna dispose d’un partenaire russe influent. Les travailleurs russes et d’Europe de l’Est ne doivent sans doute pas craindre grand-chose dans l’immédiat. Par contre, les licenciements vont pleuvoir sur les 20.000 travailleurs d’Espagne, de Grande-Bretagne, de Belgique, de Suède et de France. Maintenant que la production de l’Astra arrive à sa fin, la fermeture d’Opel-Anvers, dont c’était la spécialité, est certainement une option sérieuse.

Les licenciements ne doivent pas être le prétexte pour faire entrer les travailleurs mutuellement en concurrence en fonction des différentes filiales. Détourner les pertes d’emplois sur d’autres n’offre aucune solution face à la surproduction. La solidarité de la base est cruciale pour lutter contre chaque licenciement. Evidemment, une telle résistance contre les pertes d’emplois devrait être combinée à des propositions alternatives tant sur le plan de la manière de travailler que sur celui du type de production.

Un programme de lutte offensif doit contenir des revendications pour une diminution radicale du temps de travail sans perte de salaires et pour le maintien de la prépension, couplées à d’autres exigences en matière d’élargissement des transports publics et de mobilité alternative.

Pendant la Grande Dépression des années ’30, le syndicat américain AFL luttait déjà pour la semaine des 30 heures, cinq journées de travail de six heures. Cette revendication vieille de 65 ans va plus loin que ce qui est aujourd’hui revendiqué alors que depuis lors la productivité a largement augmenté. Une diminution radicale du temps de travail à 32 heures sans perte de salaire répartirait le travail disponible au lieu de laisser grandir la masse des chômeurs. A côté de cela, le maintien de la prépension est nécessaire en réponse au chômage des jeunes, qui augmente rapidement.

Une stratégie syndicale doit contrer la logique de pertes d’emplois et de licenciements. Si GM-Europe ferme la filiale d’Anvers, il faut plaider pour une nationalisation liée à un plan de mobilité qui prenne également en compte les nécessités écologiques. On peut par exemple réorienter la production d’automobiles vers celle de moyens de transports publics.

Nationaliser pour sauver les emplois

Les nationalisations qui se déroulent pour l’instant aux Etats-Unis servent à organiser de véritables carnages sociaux qui vont sévèrement toucher des collectivités locales entières. Dans les anciens centres automobiles, comme Détroit ou Flint, des quartiers entiers sont maintenant devenus de véritables villes fantômes. Les moyens qui sont utilisés maintenant ne vont qu’agrandir le désert que le libéralisme laisse derrière lui.

Pourquoi les travailleurs devraient-ils payer pour la crise? Le travail est déjà dur et souvent monotone dans le secteur automobile. Et puis, rogner nos salaires ne va pas arrêter les fermetures comme l’ont démontré toutes les concessions qui ont été faites au niveau de la flexibilité.

Pour sauver nos emplois, il faut un programme offensif qui parte des réels besoins de la société et des travailleurs. Il faut des plans pour une production alternative qui mette plus l’accent sur le transport public et les technologies vertes. Une reconversion de tout le secteur automobile est nécessaire pour sauver les emplois, mais aussi pour des besoins écologiques.

La technologie existante rend possible une reconversion rapide du secteur. Cela a d’ailleurs déjà été démontré dans le passé, dans d’autres circonstances et avec d’autres objectifs. Durant la seconde Guerre Mondiale, il n’a fallu que quelques mois pour reconvertir le secteur automobile américain à la production de chars d’assaut et d’autres matériels militaires.

Mais cela nécessite une planification de la production qui entre en conflit avec la soif de profits aveugle des investisseurs privés qui continuent à dominer le secteur, même lorsqu’il y a des reprises par l’Etat. La reprise de GM et de Chrysler par le gouvernement et les syndicats américains aurait pu être utilisée pour faire de GM une entreprise publique. Un conseil d’administration public pourrait utiliser la connaissance et les capacités techniques de GM pour réorienter la production dans la perspective de développer un réseau de transport en commun sûr et écologique.

Avec une nationalisation sous le contrôle de la collectivité, le contrôle des moyens techniques ou financiers ne serait pas laissé aux administrateurs privés, mais aux conseils de travailleurs de l’usine et à la collectivité. Les nécessités en termes d’emploi (de bonnes conditions de travail pour chacun), de mobilité (un transport accessible et de bonne qualité), d’écologie,… ne peuvent être satisfaites ensemble que sur base d’une planification nationale et même internationale.

La nationalisation du secteur automobile est liée à une discussion plus large sur les besoins des travailleurs et leurs familles, et pas seulement dans le domaine de la mobilité. Actuellement, la surproduction dans des secteurs comme l’automobile cotoie l’insatisfaction de nombreux besoins sociaux. Le capitalisme est aujourd’hui un frein pour un futur développement de l’humanité. Chaque amélioration de la production est utilisée contre les travailleurs et la collectivité. Ce frein doit être supprimé. C’est pourquoi nous luttons pour une société socialiste, seule capable d’assurer une planification démocratique et de mettre fin au gaspillage de nos ressources.

Ce ne peut être que le résultat d’une lutte des travailleurs, au départ des entreprises et des lieux de travail. Rien n’est garanti, mais si ceux qui luttent peuvent perdre, ceux qui refusent de lutter ont déjà perdu.


(1) Just-In-Time : Méthode de gestion de la production qui consiste à minimiser les stocks et les en-cours de fabrication.

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