13 jours de grève se terminent sur une belle victoire

IKEA – Hognoul

Jeudi matin, une nouvelle assemblée des travailleurs du siège de Hognoul de la multinationale suédoise de l’ameublement IKEA a approuvé le projet d’accord négocié par la délégation syndicale et a donc décidé la reprise du travail pour vendredi. Et cet accord représente une fameuse victoire dans le climat actuel.

Par Jean PELTIER (PSL-Liège)

C’est donc la fin d’une grève qui a duré 13 jours et a été une belle démonstration de la combativité et de l’unité des travailleurs d’Hognoul. Une grève qui trouve son origine dans le ras-le-bol de plus en plus fort des travailleurs devant la détérioration de leurs conditions de travail et les manoeuvres de la direction qui avait tendance à se croire tout permis et à ignorer la délégation syndicale. Comme nous le résumait un travailleur avant l’assemblée, « Depuis quelques semaines, on voyait que l’un après l’autre, les contrats à durée déterminée n’étaient plus remplacés. Cela créait de plus en plus de problèmes d’organisation du travail et de surcharge pour tout le personnel, surtout avec la perspective de l’agrandissement du magasin en été. Puis des caisses en self-scanning ont été installées. Tout cela sans que la direction donne la moindre explication. On était chaque fois mis devant le fait accompli. Et puis brusquement, la direction a annoncé un plan de crise destiné à faire face à une baisse de la fréquentation des magasins : fin des CDD, diminution du travail étudiant pendant l’été quand le personnel prend ses vacances. On s’est rendu compte que tout était planifié depuis des mois au niveau national. Et là, le ras-le-bol a explosé. On est parti en grève spontanément. Les syndicats ont tout de suite reconnu le mouvement. Et ça a duré 13 jours… »

Anne-Marie Dierckx, la déléguée CNE, a ouvert l’assemblée en rappelant qu’après des jours de refus de discussion de la part de la direction, une première réunion a eu lieu mardi avec la direction mais que 13 heures de discussion n’avait pas permis d’arriver à un accord. Mercredi, une nouvelle réunion-marathon de 12 heures a, par contre, fini par aboutir sur un projet d’accord.

De – 10.000 à + 11.000 !

Le point principal tient en deux chiffres. A travers son plan de crise, la direction voulait réduire le volume d’heures de travail prestées à Hognoul de plus de 10.000 heures par an. L’accord de mercredi soir prévoit au contraire une augmentation de 11.336 heures !

Cela se fera essentiellement à travers des modifications aux avenants des contrats de travail (un avenant est un complément au contrat initialement conclu entre le travailleur et la directions ; il porte sur un complément d’horaire, celles-ci étant le plus souvent effectuées dans une formule moins stable et moins avantageuse). Beaucoup d’ouvriers et d’employés travaillant à temps partiel pourraient ainsi « gonfler » le nombre d’heures qu’ils prestent actuellement, et ce avec un contrat amélioré. Des heures en CDD devraient être transformées en CDI et de nouveaux engagements devraient avoir lieu dans les prochaines semaines. Fait important : ce chiffre de 11.336 heures ne sera pas lié à l’évolution du chiffre d’affaires. Même si celui-ci régresse, l’engagement devra être tenu. Le renfort en heures concernera tous les départements. Les CDD récemment non prolongés seront prioritaires pour les embauches futures. Le personnel en vacances sera remplacé comme avant par des étudiants en fonction des besoins des départements.

La direction s’est aussi engagée à respecter les diverses conventions collectives qu’elle avait tendance à prendre un peu à la légère. L’application de l’accord devrait être mise en route immédiatement et être terminée pour le 21 juillet. La délégation syndicale devra être consultée sur l’établissement des nouveaux contrats CDD. La direction a aussi accepté une rencontre mensuelle avec la délégation syndicale pour évaluer l’application de l’accord. Quant au responsable des « relations humaines » à Hognoul qui avait braqué quasiment tout le personnel par son attitude, il devrait être « recadré » par la direction nationale (« On avait d’abord pensé à demander son déplacement dans un autre siège du groupe mais on s’est dit que ce ne serait pas sympa pour les collègues de là-bas » ajoutera avec malice Anne-Marie Dierckx).

Unité et combativité

Cet accord a été présenté comme « historique » par les délégués qui ont pris la parole. Car alors que partout dans le secteur du commerce – et bien au-delà – l’heure est aux compressions de personnel, à l’explosion du chômage technique et aux licenciements, obliger une direction patronale à augmenter le volume de l’emploi est un exploit. Et imposer à cette direction la reconnaissance effective des droits de la délégation syndicale n’est pas une mince victoire non plus. Ces deux points pourraient ouvrir une brèche dans le front patronal qui pourrait être utilisée par d’autres délégations au sein du groupe comme ailleurs.

Il est clair – et tous ceux qui ont pris la parole l’ont souligné – que rien de tout cela n’aurait été possible sans la détermination et l’unité du personnel qui, sans même devoir faire un piquet de grève pour bloquer les portes du magasin, a tenu bon pendant 13 jours de grève, malgré les dégâts dans les portefeuilles de beaucoup d’entre eux. Comme nous l’a dit un délégué, « Cette grève a été plus qu’une affaire d’argent et même d’emploi, une vraie lutte pour la dignité des travailleurs ».

Après une discussion parfois animée sur les diverses mesures et leurs conséquences, le projet d’accord a été mis au vote. Le résultat est clair : sur les 173 bulletins dépouillés, il y a eu 82,1% pour l’accord et 17,9% contre. Une nette majorité pense que l’accord représente le plus qu’on pouvait gagner. Quand à ceux qui on voté non, si personne ne remet en cause les avancées obtenues, il semble que le manque de précisions sur la manière dont seront affectées les heures gagnées a fait hésiter plus d’un. Et beaucoup ont aussi des doutes sur la bonne volonté que mettra la direction pour appliquer correctement cet accord.

Après quelques interventions de remerciements et de félicitations – de la délégation au personnel et du personnel aux délégués – l’assemblée s’est terminée aux accents de « tous ensemble « et de « Motivés, motivés ». Avec un sentiment de victoire qui flottait dans l’air du parking.

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