Sri Lanka: La défaite des “Tigres” amplifie la rancune du peuple Tamoul

Le gouvernement Rajakapse ne peut pas satisfaire les besoins des travailleurs et des pauvres

“Cette bataille a atteint une fin amère… Nous avons décidé de faire taire nos fusils.» L’annonce tragique parue dimanche ce 17 mai sur le site des Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam – LTTE) semblait indiquer que la guerre civile au Sri Lanka, longue de 26 ans, appartient au passé. Les LTTE ont subi une défaite écrasante, alors qu’ils contrôlaient auparavant un tiers du territoire de l’île, dont plus de la moitié de son littoral.

Elizabeth Clarke, CIO

Aidé par des désertions importantes, telles que celle de Karuna, le commandant du front de l’Est, et avec un énorme soutien de la Chine ainsi que de l’Inde, le gouvernement Rajapakse a été capable de poursuivre cette guerre de manière brutale, ignorant les protestations massives à Londres, au Canada et ailleurs tout autant que les bêlements hypocrites des gouvernements étrangers.

Avant le début de cette année, le bilan pour l’ensemble de la guerre civile s’élevait à 70.000 morts. Depuis la dernière offensive sanglante de l’Armée Sri Lankaise, au début de l’année, on estime qu’entre 7.000 et 20.000 autres personnes ont trouvé la mort – pour la plupart des civils piégés dans la zone de conflit, morts des suites de leurs blessures, abandonnés là où ils ont été touchés. Pendant plus d’une semaine, aucune aide médicale ou alimentaire n’a pu les atteindre. Les médecins postés dans la zone «neutre» ont été forcés d’abandonner le seul hôpital improvisé au moment où celui-ci a été bombardé par l’armée sri lankaise (laquelle avait déclaré plusieurs semaines auparavant qu’ils cessaient tout usage de l’artillerie lourde !).

Confiant de sa victoire, le président Sri Lankais Mahinda Rajapakse a annoncé la fin de la guerre avant même la confirmation de la mort de Velupillai Prabhakaran, le chef des LTTE. Pour lui, ceci signifiait l’accomplissement de son objectif déclaré au moment de son élection en 2005, c’est-à-dire établir une nation unifiée, sans autonomie pour la minorité de la population tamoule au nord et à l’est.

Pour les Tamouls à travers toute l’île, les feux d’artifice de «célébration» qui ont éclaté dans les rues sur ordre du gouvernement à partir de dimanche paraissaient sceller leur sort en tant que nation assujettie et opprimée, sous un régime cingalais chauviniste triomphant. Pour les centaines de milliers de gens déplacés au cours des mois de combat, et dont la plupart sont maintenant maintenus prisonniers dans une quarantaine de camps gouvernementaux (dont 55.000 enfants), le futur n’apporte que la faim, la maladie, la mort, le vagabondage, la pauvreté et une misère inimaginable.

La BBC et d’autres commentateurs ont mentionné le fait que la brutalité avec laquelle le gouvernement a accompli sa victoire militaire est en train de radicaliser une nouvelle génération de Tamouls, à la fois sur l’île et parmi la diaspora, qui se sent humiliée et en colère. Selon Mangala Samawira, ancien membre du Parti de la Liberté du Sri Lanka de Rajapakse, et Ministre des Affaires étrangères de son gouvernement, «Le carnage (…) a encouragé les appels à un Etat séparé de la part de Tamouls autrefois modérés. Je crains que des centaines de Prabhakaran n’aient été créés». Robert Templar, du Groupe de Crise International : «On peut facilement imaginer un des membres de la génération nouvellement énergisée s’avancer pour remplir le vide».

Une question nationale sans fin

Que le chef des Tigres ait été tué par l’Armée Sri Lankaise ou qu’il ait pris sa propre vie, au côté d’autres combattants dans le dernier morceau de jungle qu’ils contrôlaient, sa mort ne marque que la phase actuelle du conflit national au Sri Lanka. Les travailleurs cingalais qui participent aux réjouissances, tels que W.S.C. Bandula, ce chauffeur cité dans le Times de Londres du 18 mai, seront gravement déçus en croyant que «On peut s’attendre à de meilleures vies, une meilleure sécurité, une meilleure économie».

Malheureusement, le gouvernement fortement endetté de Rajapakse ne peut pas assurer une paix durable, sans parler de la prospérité pour les travailleurs et les pauvres du Sri Lanka – qu’ils soient Tamouls ou Cingalais. L’immense tâche de sauver des vies et reconstruire les maisons et les moyens de subsistance des gens du Nord requerra bien plus que le prêt de 1,9 milliards de dollars demandé au FMI et en ce moment bloqué par l’administration Obama.

Le peuple tamoul doit avoir la chance de choisir librement et honnêtement leurs propres représentants, et de décider de comment ils veulent que soient gérées les régions à majorité tamoule. Le United Socialist Party (USP, section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Sri Lanka) a toujours défendu ces droits de même que ceux des minorités – musulmane et cingalaise – au sein de ces régions. L’USP défend une politique socialiste de propriété et contrôle publics de la terre et de l’industrie par les travailleurs et les pauvres, en tant que seule manière de résoudre les immenses problèmes nationaux et économiques qui pèsent sur la population laborieuse qui lutte aujourd’hui pour sa survie. Ceci signifie aussi mener campagne pour la chute de la clique dirigeante actuelle, par une lutte politique et syndicale.

Au nom de la guerre contre le terrorisme, les droits des Cingalais ont été piétinés par le régime de Rajapakse tout comme ceux des Tamouls. Tôt ou tard, cette quasi-dictature sera révélée pour ce qu’elle est.


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