Croissance de l’instabilité et des tensions. La troisième guerre mondiale menace-t-elle?

La Syrie. Photo : Wikimedia

La guerre en Syrie se poursuit avec l’implication directe ou indirecte de diverses grandes puissances. Les USA et l’Europe occidentale s’y trouvent couteaux tirés face à la Russie. Le président américain Trump a lancé la ‘‘mère de toutes les bombes’’ – la plus puissante bombe non nucléaire – sur l’Afghanistan. Les États-Unis menacent d’envoyer une flotte en Corée du Nord, dans l’arrière-cour de la Chine. Pendant ce temps, les tensions en Ukraine et ailleurs ne s’atténuent pas. À cela s’ajoutent encore les conflits commerciaux entre les grandes puissances. Tout cela peut-il dégénérer en une troisième guerre mondiale ?

Par Geert Cool

La mondialisation en crise

Les années 1990 ont été caractérisées par la croissance économique et le triomphalisme idéologique du néo-libéralisme. L’effondrement de la caricature stalinienne totalitaire de socialisme en Europe de l’Est et en Europe centrale a chassé l’idée d’une alternative au capitalisme vers un arrière-plan lointain. Les anciens partis ouvriers et même une partie des dirigeants syndicaux ont étés entrainés dans la logique néolibérale du marché libre tout-puissant.

L’ouverture de nouveaux marchés (les anciennes économies bureaucratiquement planifiées) et la croissance économique ont rendu possible une plus grande unification des pays et blocs capitalistes. Ainsi, l’Union européenne s’est développée à côté de nombreux autres accords commerciaux internationaux. La ‘‘mondialisation’’ – une phase du capitalisme marquée par une coopération internationale renforcée pour maintenir les profits – a immédiatement été présentée comme l’ultime garantie de la paix et du progrès.

Au début de ce siècle déjà, il était évident que cette mondialisation ne profitait qu’aux plus riches et que les inégalités ne faisaient que se creuser. Depuis le déclenchement de la crise économique en 2008, les tensions tant au sein de l’Union européenne qu’entre les différentes grandes puissances ont à nouveau augmenté. Le capitalisme n’a pas pu transcender les frontières nationales et éradiquer les contradictions entre les diverses bourgeoisies nationales. La méfiance croissante envers le système et ses institutions attise l’instabilité politique, d’où l’élection de l’incontrôlable Donald Trump.

Guerre & conquête des marchés

Le révolutionnaire Léon Trotsky décrivait la Première Guerre mondiale comme la faillite d’un système pourrissant sur base de ses propres contradictions. Il a écrit en 1914: ‘‘La guerre de 1914 est la plus grande convulsion économique d’un système qui meurt de ses propres contradictions. Toutes les forces historiques qui furent appelées à dominer la société bourgeoise, à parler en son nom et à l’exploiter (…) sont balayées par la banqueroute historique de 1914.’’

La guerre était essentiellement une lutte pour de nouveaux marchés. L’intégration globale de l’économie n’avait pas mis fin aux différents intérêts historiques, économiques, politiques et stratégiques des classes dirigeantes nationales. La guerre en était l’expression tragique. Comme le socialiste français Jean Jaurès assassiné tout au début de la guerre le faisait remarquer: ‘‘Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage’’.

La fin de la Première Guerre mondiale a été précipitée par les révolutions en Russie (1917) et en Allemagne (1918). Cependant, l’absence d’une expansion internationale de la révolution victorieuse en Russie a permis à la classe capitaliste de conserver son pouvoir. Les causes sous-jacentes de la guerre n’ont pas pour autant disparu et la période de crise économique des années 1930 les a de nouveau fait émerger de manière plus nette. L’écrasement du mouvement ouvrier allemand sous la poigne de fer du fascisme a ouvert la voie à une nouvelle guerre mondiale. Comme le théoricien militaire Clausewitz le soulevait, la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens.

La Seconde Guerre mondiale a été particulièrement dévastatrice avec des millions de morts et l’utilisation d’armes de destruction massive les plus modernes. Les nazis ont affronté le peuple de l’Union soviétique sur le front de l’Est qui, en dépit de l’extrême manque de préparation de la part du régime stalinien, a refusé de se rendre pour ne pas retourner à la période antérieure à la révolution. Ailleurs, la résistance de la population était également forte. Ainsi, à l’été 1940 en Pologne, la résistance armée regroupait déjà 100.000 combattants. L’avancée de l’armée rouge en Europe de l’Est et le renforcement des forces de combattantes de la résistance ont forcé les États-Unis à intervenir dans la guerre. Ces derniers voulaient à tout prix éviter que la Seconde Guerre mondiale finisse de la même manière que la première: par une révolution ouvrière victorieuse qui mette fin au capitalisme et aurait par ailleurs aussi conduit à une révolution politique mettant de côté la bureaucratie stalinienne totalitaire en Union soviétique.

Les contradictions existent toujours

Les contradictions qui ont conduit à la Deuxième Guerre mondiale existent toujours. Les États-nations se battent entre eux pour le bénéfice économique et pour la conquête de nouvelles positions stratégiques. D’énormes ressources sont allouées à l’achat d’armes de guerre et à la recherche militaire. Imaginez si ces moyens étaient utilisés pour les investissements massifs dans les soins de santé, l’enseignement et le logement! Plusieurs pays capitalistes sont capables de se détruire les uns les autres et même de détruire le monde, mais ils échouent à éradiquer la faim.

Une nouvelle guerre mondiale semble toutefois exclue en ce moment pour plusieurs raisons. Une telle guerre conduirait à la destruction complète de la planète, ou tout au moins à un risque élevé que cela ne se produise. Les capitalistes sont prêts à aller très loin dans la défense de leurs intérêts, y compris le changement climatique qui met la planète en danger, mais une destruction complète va trop loin, pour eux aussi.

Et puis, il existe un autre facteur décisif qui est souvent ignoré par les historiens et les médias établis: le rôle de la classe ouvrière. Une opposition massive à la guerre peut conduire au questionnement du système capitaliste lui-même. En 2003, le mouvement anti-guerre n’est pas parvenu à empêcher l’invasion de l’Irak, mais il a tout de même démontré le potentiel d’un mouvement mondial. Des millions de personnes sont descendues dans les rues au même moment et si ce mouvement s’était davantage développé à travers des grèves, cela aurait rendu la guerre en Irak très difficile. Avant ça, les manifestations de masse ont joué un grand rôle pour mettre un terme à de la guerre du Vietnam.

Avec la protestation américaine contre Trump qui a déjà mis des millions de personnes dans la rue et avec une quête croissante d’alternatives en Europe (pensez au soutien à Mélenchon, à Podemos et, avant sa transformation en une extension politique de la Troïka austéritère, aussi à SYRIZA en Grèce), nous sommes dans une phase de croissance des luttes. Cela pourrait conduire à un mouvement de masse sans précédent qui empêchera de nouveaux pas vers une guerre mondiale et contestera parallèlement le capitalisme lui-même.

Y a-t-il une issue à la guerre en Syrie?

C’est très bien tout ça, penseront certains lecteurs, mais pendant ce temps, le massacre barbare se poursuit en Syrie. Comment peut-il être stoppé ? Déterminer quel est le problème est une condition sine qua non pour apporter des éléments de réponses. Cette guerre a été causée par des années d’ingérence des puissances impérialistes dans la région et par les régimes locaux et régionaux qui ont pu construire et maintenir leur position dominante sur une base sectaire. Nous n’avons rien à espérer de ces forces. Celui qui a des illusions sur le rôle que pourrait jouer la Russie ou même dans les interventions militaires américaines pour une sortie de crise se trompe.

Les années d’oppression et de guerre destructrice n’ont pas permis au mouvement populaire de 2011 en Syrie de poursuivre son développement. Des forces sectaires tiennent maintenant le haut du pavé. Malgré ce contexte très sombre, des tentatives de solutions existent, comme dans la région kurde du Rojava. Cela illustre qu’il pourrait en être autrement. Les causes de la vague de soulèvements et les mouvements révolutionnaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en 2011 existent toujours. L’évincement des dictateurs comme Moubarak (Égypte) et Ben Ali (Tunisie) n’ont toutefois pas suffi: l’ensemble du système doit être balayé. De nouveaux mouvements de masse écloront et auront un impact sur la population en Syrie.

Nous pouvons préparer cela au mieux en insistant sur l’importance d’une position de classe indépendante: les opprimés doivent s’unir indépendamment de leur ethnie et de leur religion dans une lutte contre la classe dirigeante. Il est absurde de lutter pour la paix en soutenant un camp capitaliste contre l’autre. Elle ne sera pas non plus atteinte en mettant tout espoir dans des forces bourgeoises. Nous devons être indomptables et insoumis dans notre combat pour une société socialiste.

L’horreur de la guerre est une conséquence sanglante du capitalisme. Tant que le capitalisme existe, cette tendance à la barbarie continuera à réapparaître. Pour éviter la guerre, nous devons lutter contre le capitalisme. Des partis des travailleurs et de la jeunesse indépendants et massifs qui défendent une alternative socialiste internationaliste demeurent la meilleure garantie contre la guerre. Ils peuvent jeter les bases d’un monde socialiste basé sur la planification démocratique de l’économie, ce qui éliminerait la concurrence pour les marchés et la défense d’intérêts économiques particuliers, des luttes inévitables sous le capitalisme et qui continuent à provoquer des conflits.

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