Organisons la résistance contre Macron, dans les urnes et dans la rue !

Pour les Français de l’étranger, le premier tour des législatives prenait place plus tôt. Pour la circonscription du Benelux, la candidate de la France Insoumise Sophie Rauszer s’est hissée au second tour.[/caption]

Les médias français et internationaux ont présenté la victoire de Macron comme un triomphe et une adhésion à ‘‘un projet politique novateur’’. Mais les scores de l’abstention (12 millions de personnes, soit 25,4%, un record depuis 1969) et des bulletins blancs et nuls (4 millions de personnes, soit 11,5%, record absolu) expriment le refus de cautionner ce que représente le nouveau président derrière son emballage : la continuation d’exactement la même chose. Le sondage consacré à la motivation de ses électeurs au second tour parlait de lui-même : 43% désiraient ‘‘s’opposer à Le Pen’’, 33% voulaient ‘‘un renouvellement politique’’, seuls 16% affirmaient rejoindre son programme et 8% se déclaraient en faveur de ‘‘sa personnalité’’. Tout sauf un vote d’adhésion.

Par Stéphane Delcros, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

Le Front National n’a pas gagné, mais nous n’en sommes pas encore débarrassés

Même si Marine Le Pen n’a pas gagné, sa campagne et son résultat représentent un sérieux avertissement: 10 millions de voix, c’est un record absolu. Comment est-ce possible, 15 ans après l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour ?

C’est vrai, le FN de 2017 est plus ‘lissé’ et joue (un peu) moins sur la provocation xénophobe. Mais il reste ultraréactionnaire. S’il brandit davantage une rhétorique sociale, c’est pour mieux masquer sa politique foncièrement antisociale faite de coupes budgétaires et de haine, et surtout parce que même Le Pen sait que le core busines de son parti – le racisme et la xénophobie – ne dispose pas à lui seul d’un écho suffisamment important parmi les travailleurs et la jeunesse. La campagne menée par le FN visait bien plus à instrumentaliser le sentiment anti-élite.

Le succès de Marine Le Pen repose avant tout sur la colère contre la dégradation des conditions de vie des décennies durant et sur le dégoût ressenti face à une élite économique et politique qui ne vit pas dans le même monde et cherche toujours à protéger ses seuls intérêts. 5,7 millions de chômeurs, 9 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, 4 millions de mal-logés, dont 150.000 SDF, etc. voilà ce qui a alimenté le succès du FN ces dernières années.

Les partis pro-élites qui ont mené cette politique de destruction sociale en ont payé le prix aux présidentielles: le PS de Hollande-Valls est au bord de l’implosion et n’a recueilli que 6% des voix tandis que la formation les Républicains de Sarkozy-Fillon n’est arrivée qu’en troisième place dans une présidentielle qui leur était pourtant promise il y a encore 6 mois. Aucun des deux blocs électoraux traditionnels n’est parvenu au second tour !

Rajeunir l’emballage pour tenter de continuer la même politique

Macron, c’est ‘‘le mondialiste’’, ‘‘le candidat du système bancaire et de la misère sociale’’ disait Marine Le Pen dans l’entre-deux tours. Elle n’avait pas tort cette fois. Ex-banquier d’affaires chez Rothschild, ex-ministre de l’Économie du gouvernement Hollande-Valls, le nouveau président est celui qui a donné son nom à la Loi Macron – qui augmente notamment la flexibilité au travail – et qui est à la base de la détestable ‘Loi El Khomri’ – dite ‘Loi Travail’, qui détruit la législation du travail.

Son programme ? Supprimer 120.000 postes dans la fonction publique, réduire la dépense publique de 60 milliards d’euros – exactement comme François Hollande ces 5 dernières années(1) -, avec les conséquences désastreuses sur le plan social que cela implique. À cela s’ajoute la stigmatisation des chômeurs avec le renforcement des contrôles et l’interdiction du refus de 2 offres d’emplois. Pas étonnant qu’il ait été ouvertement soutenu dans sa campagne par des personnalités du MEDEF (organisation représentant le grand patronat français) !

Juste après son élection, Macron a déjà annoncé une réforme du Code du travail dès cet été, pour accroitre la flexibilité au travail et les facilités de licenciement. Il a également prévu son instauration par ordonnances, c’est-à-dire en incluant le Parlement au tout début et à la toute fin du processus, dans le but d’aller plus rapidement et de passer en force. Le ton est donné.

Macron ne va pas probablement pas obtenir de majorité lors des élections législatives des 11 et 18 juin. Il pourra toutefois compter sur le soutien des PS et LR, de l’intérieur comme de l’extérieur à un gouvernement, pour assurer sa politique. C’est dans ce genre de situation que l’on reconnait ses vrais amis et, ainsi, son camp…

‘‘On n’éteint pas un incendie à l’aide du pyromane’’

Le Pen battue ? Peut-être pas pour très longtemps. ‘‘On n’éteint pas un incendie à l’aide du pyromane !’’, disait Mélenchon dans l’entre-deux-tours. Et c’est le sentiment partagé par beaucoup : avoir voté contre Le Pen au deuxième tour en 2002, ‘ça n’a servi à rien’. On ne peut pas bloquer l’extrême droite avec des politiques qui lui permettent de croitre.

Les conditions qui ont amené Le Pen à ce niveau sont toujours présentes et risquent de décupler avec le même type de politique que sous les mandats Sarkozy-Fillon et Hollande-Valls. C’est exactement ce que s’apprête à faire Macron, sous couvert de la ‘nouveauté’.

Le message clair de la France Insoumise

Plus de 7 millions de voix et 19,6%, voilà sur quoi construire une lame de fond contre la politique antisociale du président Macron. 1 jeune sur 3 qui a voté a glissé un bulletin ‘Mélenchon’ dans l’urne ; il l’a emporté loin devant les autres candidats concernant les 18-24 ans. La France Insoumise est aujourd’hui devenue la plus grande force de gauche du pays, tant en termes de votes qu’en termes d’adhérents : plus de 530.000 !

Des centaines de milliers de militants, dont beaucoup participaient là à leur première expérience politique, ont su construire une campagne audacieuse basée sur un programme très détaillé ne cherchant pas les compromissions avec les élites. Une campagne armée d’un programme, ‘L’Avenir en commun’, basé sur un principe : ‘partir des besoins réels, et ensuite trouver le financement nécessaire’. Un programme avec lequel nous avons des désaccords, mais qui va très clairement dans le sens d’une rupture avec le néolibéralisme : le refus des traités d’austérité de l’Union européenne, un changement institutionnel avec le passage à la Sixième République, une hausse des dépenses publiques de 173 milliards d’euros, couplée à un plan d’investissements de 100 milliards pour des créations d’emplois massives, un relèvement du salaire minimum et des pensions, la garantie de revenus pour tous, une planification écologique pour notamment atteindre 100% d’énergies renouvelables en 2050, la construction de 200.000 logements sociaux par an, l’école 100% gratuite, le remboursement à 100% des soins de santé prescrits,…

Construire une force politique de masse pour les élections et pour la lutte

L’enjeu des législatives est énorme : mettre le plus de ‘députés insoumis’ au Parlement pour être capable de décider d’une partie de la politique à mener en cas de majorité – et de bloquer certaines politiques macronistes. C’est aussi porter la voix des travailleurs et des jeunes sur le plan national, être le relais des luttes locales et essayer de canaliser la colère en un outil puissant qui défende les intérêts de la majorité sociale. Car tant pour bloquer la croissance du FN que pour imposer un autre projet de société, il sera très important de construire la résistance sociale contre la politique de Macron.

Après une situation où une opposition réelle de gauche a été quasi absente ces dernières années, surtout durant le mandat de François Hollande, l’énorme mouvement de masse contre la Loi El Khomri du printemps 2016 et la campagne de la FI illustrent le potentiel existant.

Avec sa campagne et son résultat électoral, la FI n’a peut-être pas gagné, mais elle a marqué un essai précieux ; il s’agit maintenant de le transformer. Cela passera nécessairement par une structuration du mouvement pour le développer encore plus loin, tout en gardant ses points forts que sont le caractère inclusif et ouvert et la liberté de mener la campagne comme chacun l’entend, en utilisant le temps qu’il veut, les moyens qu’il veut et en utilisant ses propres talents et capacités. Et en avançant vers la construction d’un réel instrument de lutte électoral et sociétal, armé d’un programme combatif de gauche, une nouvelle force politique de masse, qui préserve les sensibilités internes.

Note :
(1) Libération, Programme économique de Macron : un peu de rupture, beaucoup de continuité, 27 février 2017.

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