Les choses ne se passent pas bien au gouvernement fédéral. Selon les propose du Premier ministre de l’ombre, Bart De Wever (N-VA) lors de l’entrée en fonction de l’équipe gouvernementale, il était question de “tailler pour favoriser la floraison”. Depuis lors, la taille a déjà déchargé les salariés d’un prétendu ‘‘handicap’’, celui de notre ‘‘avantage salarial’’ par rapport aux salariés des pays voisins. Quant à la floraison, elle se fait attendre. La dette publique n’a pas diminué, au contraire. L’équilibre budgétaire a, une fois de plus, été reporté d’un an. Les prix grimpent bien plus vite en Belgique et la croissance économique est bien plus faible que la moyenne dans la zone euro. Lorsque les fondamentaux sont en berne, la nervosité se développe.
Par Eric Byl
À la N-VA, ils n’aiment pas trop que ce bilan économique soit rappelé. Ses ministres Philippe Muyters (Budget et Finances au gouvernement flamand) et Johan Van Overtveldt (Finances et lutte contre la fraude fiscale au fédéral) ne savent pas compter, c’est bien connu. Siegfried Bracke (président de la Chambre) a tenté de jouer au chevalier blanc, mais cela s’est retourné contre lui, tandis que son collègue Jan Jambon (Intérieur au fédéral) est la marionnette par excellence du lobby des diamantaires. Cela n’ont plus n’est pas très bien pour le parti. La N-VA se concentre donc à nouveau sur ce qui est, dans les faits, devenu sa vocation première. Non, pas la question nationale, même sous sa forme affaiblie du confédéralisme, mais bien le racisme le plus pur, parce que ça rapporte électoralement. Theo Francken (Asile et migration au fédéral) est ainsi devenu le politicien le plus populaire de Flandre.
‘‘Si Francken peut le faire, alors moi aussi’’ a certainement pensé Zuhal Demir, toute nouvelle secrétaire d’État à la Lutte contre la pauvreté et pour l’égalité des chances, avant de lancer une tirade contre Unia, l’ex-Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme. Liesbeth Homans (Intérieur et logement en Flandre) en a rajouté une couche en qualifiant Unia de ‘‘centre pour les immigrés geignards’’ (traduction libre). Ce sur quoi Zuhal Demir n’a pas hésité à prétendre que le nombre record de personnes qui ont fait appel aux banques alimentaires l’an dernier résultait de ‘‘l’afflux massif de réfugiés’’. Totalement déchainée, elle a ensuite qualifié le CD&V de ‘‘nouveau parti musulman qui instrumentalise les musulmans comme du bétail électoral”.
Ce fut tellement brutal que le dirigeant du CD&V et député fédéral Wouter Beke a exigé des excuses en menaçant de ne pas voter la confiance à la présentation de la note de politique de Mme Demir à la Chambre, ce qu’elle n’a pas fait. Après l’intervention des organisations patronales, après avoir été caressé dans le sens du poil par Charles Michel et Bart De Wever et avoir faussement interprété une ouverture de la part de De Wever sur une taxe sur les plus-values, Wouter Beke a, en vrai calotin, retiré sa menace. Les choses étaient à peine calmées que Patrick Dewael (Open-VLD) balayait toutes les illusions concernant cette taxe sur les plus-values. En termes footballistiques, c’est ce qui s’appelle un ‘‘une-deux’’ entre De Wever et Dewael pour déjouer Beke. Pour le Premier ministre, le moment fut difficile : il a dû, quasiment au même moment, sacrifier son le membre de son parti Armand De Decker en raison du kazakhgate pour sauver son ministre des Affaires étrangères Didier Reynders.
Entre temps, les partis gouvernementaux ont accepté le fait que, sur le plan économique et social, ils seront plus calmes jusqu’aux prochaines élections. Le référendum sur une dictature présidentielle en Turquie et la salve de reproches tout à fait Trumpiennes du nationaliste conservateur Erdogan a même inspiré l’irrésistible envie à Hendrik Bogaert (CD&V) de remettre en question la double nationalité et forcer les Turcs de Belgique à choisir. C’est juridiquement impossible, mais, pour la parlementaire N-VA Sarah Smeyers, l’occasion était trop belle : elle a donc proposé un examen de citoyenneté à tous ceux qui veulent devenir belges et qui ont un ou deux parents sans nationalité belge. De son côté, la ministre CD&V de l’Enseignement Crevits croit enfin savoir pourquoi notre enseignement renforce les discriminations: ça serait, selon elle, dû à un manque d’intérêt et au fait que les parents immigrés participent trop peu aux réunions de parents. À eux de faire plus d’efforts donc.
A part stimuler la division, la seule réalisation de ce gouvernement est d’opérer un transfert massif de richesses des pauvres vers les riches. Mais ses promesses de rétablir l’équilibre budgétaire, de soulager les générations futures en réduisant la dette publique, de relancer l’économie et d’accroître les investissements, rien ne vient. La faiblesse de l’opposition est son seul avantage. Le PS est dans une situation impossible, menacé sur sa gauche par le PTB. Que les isolés et les retraités aient peur de leur facture énergétique et d’eau, que les patients ne reçoivent plus le remboursement de leurs médicaments, que celui qui a suffisamment de liquidité puisse acheter l’arrêt d’une procédure judiciaire… ‘‘Pas avec nous !’’ criait le président du SPa John Crombez la veille du premier mai en parlant de ‘‘nouvelle garantie sociale’’. Il est vrai qu’il ne reste plus grand-chose de l’ancienne, notamment à cause du SPa…
Toute la social-démocratie est en déficit de crédibilité, dans une telle proportion que même les médias en Flandre font plutôt appel à Groen voire même au CD&V (pourtant au gouvernement) lorsqu’ils veulent donner la parole à l’opposition, plutôt qu’au SPa, faible et sans crédibilité. En Belgique francophone, il s’agit surtout du PTB et d’Écolo. Au Parlement fédéral, Raoul Hedebouw (PTB) représente à lui seul plus d’opposition que tous les autres réunis. De nombreux syndicalistes estiment que les dirigeants syndicaux devraient soutenir cet effort plutôt que de renvoyer les militants dans l’impasse que représente la social-démocratie. Les dirigeants syndicaux veulent persuader le gouvernement d’un changement de cap, ils accompagnent la social-démocratie derrière la bannière pour un régime fiscal plus équitable, comme si celle-ci n’avait pas été suffisamment longtemps au pouvoir pour le réaliser. Avec des supplications et des illusions dans les prochaines élections fédérales, nous n’avancerons pas. Nous avons besoin d’un programme de lutte pour construire des relations de force, mais également de politiciens qui gagnent l’équivalent de nos salaires et qui défendent vraiment nos intérêts.