Yémen : Des familles entières laissées en proie à la famine à cause de la cupidité de multinationales occidentales

C’est dans la nature du capitalisme de transformer chaque catastrophe humanitaire en une opportunité pour faire du profit. La guerre au Yémen a non seulement détruit la vie de dizaines de milliers de gens; elle a également créé un contexte dans lequel des grandes entreprises multimilliardaires peuvent se comporter plus facilement comme des gangsters à l’égard de la main d’œuvre locale.

Le géant énergétique français TOTAL a été actif au Yémen depuis plus de 25 ans. La protection de ses installations était effectuée par des travailleurs employés comme gardes de sécurité par un contrat de sous-traitance avec la société britannique G4S.

Après avoir fait d’énormes bénéfices pendant des années grâce à l’exploitation des travailleurs yéménites en temps de paix, ces deux entreprises ont instrumentalisé les circonstances de la guerre afin de réaliser un « hold-up » sur les salaires et les primes de licenciement de plus de 200 travailleurs – facilité par l’absence de couverture médiatique sur le Yémen, l’état dysfonctionnel des infrastructures, et la corruption généralisée dans le pays.

TOTAL et G4S ont gelé la plupart de leurs activités au Yémen en 2015, mais l’ont fait avec un mépris total pour la législation en vigueur. En vertu du droit du travail au Yémen, l’employeur doit donner aux salariés au moins 30 jours de préavis de licenciement et payer une indemnité à la suite de la rupture du contrat. TOTAL et G4S sont partis sans donner la moindre compensation, ni même le moindre préavis aux 208 gardes de sécurité qui travaillaient sous leur autorité. “À la fin de décembre 2015, j’ai appris par la télévision que TOTAL avait quitté le Yémen”, affirme un des travailleurs concernés, Mohsin Omar Almashdali.

À la suite d’une procédure judiciaire, les deux sociétés ont été condamnées à payer les salaires et autres rémunérations jusqu’à notification officielle de la fin des contrats de travail. Mais la décision du tribunal a été délibérément ignorée par les deux entreprises et les autorités locales n’ont rien fait pour appliquer cette décision. Depuis lors, les travailleurs se battent sans relâche pour exiger leurs droits.

Ils ont mené une lutte héroïque dans des conditions difficiles, résistant aux méthodes d’intimidation mafieuses utilisées pour les faire taire, incluant des menaces de mort et des enlèvements par des gangs armés liés aux gestionnaires locaux de ces entreprises. En décembre dernier, trois jeunes gardes de sécurité ont été abattus par un groupe armé à Sana’a, alors qu’ils protégeaient un site de TOTAL saisi par le Tribunal du travail. Les puissants réseaux d’influence de ces entreprises leur ont octroyé un permis de tuer, facilité par le climat d’anarchie qui sévit au Yémen en ce moment.

Le CIO a mené une large campagne internationale de protestations pour dénoncer ce scandale. Le 17 février puis le 31 mars, nos différentes sections ont mené des actions et des piquets devant les sièges de TOTAL dans une douzaine de pays sur tous les continents, afin d’exiger le paiement immédiat de tous les salaires et droits des travailleurs, ainsi que l’arrestation des tueurs.

Dans un pays frappé par un embargo économique et une explosion des prix alimentaires, où la moitié de la population est au bord de la famine, cette lutte est devenue une question de vie ou de mort. Les travailleurs qui sont victimes des pratiques criminelles de TOTAL et G4S, ainsi que leurs familles qui dépendent de leurs revenus, sont confrontés à une situation extrême. Certains d’entre eux ont vu des membres de leur famille, y compris des enfants, mourir de faim; d’autres, incapables de payer leurs hypothèques, ont perdu leurs maisons. En incluant les primes de risque, les assurances sociales etc, les entreprises ont accumulé des arriérés de l’ordre de 27.000 $ à l’égard des anciens gardes. Autrement dit, moins de 1% du salaire annuel de Patrick Pouyanné, le PDG de TOTAL. Pendant ce temps, TOTAL et G4S ont enregistré des profits en hausse l’an dernier. C’est bien pour engraisser encore plus cette élite capitaliste que les travailleurs yéménites ont été volés et laissés à eux-mêmes dans l’un des pays déjà les plus pauvres de la planète.

Ce qui arrive aux travailleurs de TOTAL et G4S au Yémen est inhérent à un système où le travail est exploité pour gonfler la richesse d’une poignée d’entreprises privées. Le sentiment d’impunité de ces entreprises doit cesser, au Yémen comme ailleurs. C’est pourquoi il est dans l’intérêt des travailleurs du monde entier de se solidariser avec la lutte courageuse des travailleurs de TOTAL et de G4S.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai