[LIVRE] Il faut tuer TINA – 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde

Un vent de panique souffle sur les dirigeants du monde à mesure que la colère se développe contre ce système injuste et que les vieilles certitudes partent en lambeaux. La célèbre expression de Margaret Thatcher ‘‘TINA’’ (There Is No Alternative) était brandie triomphalement par l’establishment capitaliste il n’y a pas si longtemps encore. Aujourd’hui, dix ans après le début de la crise, le ton a changé, la formule en est réduite au rang d’argument désespéré. Comme cela est rappelé au tout début de l’ouvrage, une étude réalisée dans 20 pays avait récemment mis en lumière la profondeur de la crise de légitimité du système capitaliste. De 2005 à 2009, le nombre de personnes qui pensent que le système capitaliste reste le meilleur système possible est passé de 63% à 36%.

Par Nicolas Croes

Dans son livre ‘‘Il faut tuer TINA’’, le fruit de 7 années de travail, Olivier Bonfond veut démontrer que des alternatives existent, et en grand nombre. Et, de fait, les quelque 500 pages de l’ouvrage fourmillent d’informations des plus intéressantes sur la thématique de la dette publique ; le dogme de la croissance économique ; le combat contre les OGM ; la nature de l’ONU, l’OMC, l’OTAN et autres G7 ; les luttes féministes ; etc. Les anecdotes abondent également, souvent savoureuses. Saviez-vous par exemple comment le roi François II avait géré le problème de la dette ? En mettant en place une loterie, en 1561, et en procédant à un tirage au sort pour définir le tiers des créanciers qui allait être remboursé…

L’ambition de l’auteur est de ‘‘proposer un outil accessible, pratique, concret et rigoureux pour rompre avec le fatalisme ambiant et montrer que, dans tous les domaines (finance, économie, éducation, culture, démocratie, agriculture, etc.), des alternatives crédibles à la mondialisation capitaliste sont à notre portée.’’ La force de l’ouvrage réside dans l’impressionnante compilation de données qui illustrent à quel point des initiatives – certaines audacieuses, d’autres moins – sont prises partout pour tenter de se frayer un chemin vers un autre monde.

Dépasser le capitalisme

Olivier explique très justement que: ‘‘Dès lors que l’on admet que les crises sociales et écologiques sont le produit de la nature intrinsèque du capitalisme, on comprend que l’humanité a le choix : soit réaliser une révolution, à savoir dépasser le capitalisme et construire une autre société basée sur d’autres valeurs, soit être entrainé vers toujours plus de barbaries.’’ La grande question étant de savoir comment faire. Cela est à notre avis insuffisamment traité dans ‘‘Il faut tuer TINA’’.

Comme cela est expliqué en quatrième de couverture : ‘‘L’Histoire a montré qu’il est vain d’attendre passivement que nos dirigeants servent les intérêts des populations. Ce ne sont pas le bon sens ou l’intérêt général qui mènent le monde, mais les rapports de force. Face à la puissance organisée des transnationales et de la finance, il est temps que les peuples s’organisent, prennent en main leur destin et, par l’action collective, relèvent le défi du changement’’ et cela dès aujourd’hui.

Olivier a raison de juger stérile de rester dans sa tour d’ivoire en attendant le Grand Soir et de défendre de s’impliquer dans le combat pour des réformes applicables aujourd’hui. Mais, à notre sens, une des faiblesses de ce travail titanesque est de compiler des pratiques réformistes et révolutionnaires sans les lier véritablement, au risque d’entretenir une confusion entre ces deux registres, voire même d’entretenir des illusions quant à la possibilité d’obtenir un capitalisme domestiqué.

Ainsi est développé l’exemple de l’augmentation de la taxation des multinationales en Bolivie (passé dans le secteur du gaz de 12% à 80% en 2006) pour illustrer que les multinationales ne partent pas nécessairement quand une mesure progressiste est adoptée. Ailleurs dans le livre, l’urgence de l’expropriation et de la collectivisation de telles entreprises afin d’opérer une véritable transition énergétique est très justement défendue. Quelle conclusion tirer ? Autre part encore est-il expliqué que ‘‘les bases d’une résolution de la crise passent donc nécessairement par une série de mesures, dont la régulation stricte des marchés financiers et des banques.’’ Ne devrait-on pas dans ce domaine également défendre la collectivisation du secteur pour en finir avec la dictature des marchés ?

Nous tenons également à soulever un autre élément, qui n’est pas des moindres, celui de la stratégie à adopter. Cette question est évacuée un peu cavalièrement, en disant : ‘‘Soyons pragmatiques et ouverts : avoir la certitude qu’il faut abolir le capitalisme et le remplacer par un autre système, quelle que soit la stratégie, c’est déjà être révolutionnaire.’’ Mais peut-on tout simplement affirmer que tout ce qui va dans le bon sens est nécessairement bon à prendre ? Ne faut-il pas débattre des méthodes les plus émancipatrices et les plus efficaces dans la construction de l’action collective ? Des priorités à établir pour éviter que l’énergie de la lutte ne soit dilapidée en allant dans tous les sens ? Dire que tout est intéressant ne signifie pas de considérer que tout se vaut. De là découle logiquement une absence de perspectives qui peut être étouffante, tout spécialement pour un lecteur non-militant ou qui en est encore au début de la formation de sa grille d’analyse politique.

Nous conseillons la lecture de cette belle brique regorgeant d’informations des plus diverses. Mais nous invitons également le lecteur à entrer en profondeur dans le débat crucial sur le programme, les méthodes et la stratégie nécessaire pour une transformation anticapitaliste de la société. Cela ne pourra se faire qu’en mobilisant les masses pour retirer le contrôle des secteurs clés de l’économie des mains de la classe capitaliste afin de les organiser démocratiquement dans le cadre d’une économie planifiée.

Olivier Bonfond est économiste et conseiller au CEPAG (Centre d’Éducation populaire André Genot), membre du CADTM et de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe).

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