Le gouvernement Trump, meurtri et imprévisible

Le gouvernement Trump continue d’opter pour la fuite en avant en dépit de diverses défaites honteuses. Celles-ci, tout particulièrement l’incapacité de mettre en œuvre sa réforme des soins de santé, minent les capacités de Donald Trump d’introduire d’autres mesures de son projet politique.

Par Calvin Priest, Socialist Alternative (USA), article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

Les protestations ne cessent de se développer depuis l’investiture de Trump, elles confirment le manque de soutien dont dispose sa politique farouchement à droite. Le Trumpcare (sa réforme des soins de santé) et le décret anti-immigration ont été de sérieux revers. Quelques personnalités-clés ont quitté le gouvernement sous la pression. Tout cela illustre que Trump peut être vaincu. Quand le Trumpcare a été balayé le 24 mars dernier, ce fut en raison de la chute du soutien pour cette mesure à 17% seulement, avec de nombreuses actions de protestation et meetings dans les hôtels de ville. Dans les jours qui ont suivi, le soutien au président a descendu pour atteindre les 35%, un record. Même Richard Nixon n’avait pas été si bas au moment du Watergate !

Une grande partie de la base républicaine est déçue. Ce fut apparent le 11 avril durant des élections anticipées au Kansas pour un siège de député. Aux présidentielles, Trump l’avait emporté dans cet Etat avec une marge confortable de 27%. Cette fois-ci, malgré le fait que la direction démocrate ne s’est qu’à peine investie dans la campagne, le résultat fut serré. Trump lutte pour se maintenir debout, mais il n’est pas encore éliminé.

La situation reste imprévisible. Les éléments les plus réactionnaires de son programme pour l’intérieur seront pleinement appliqués. Mais la crise qui sévit au sein du gouvernement oblige Trump à favoriser une politique plus acceptable pour l’establishment républicain et l’élite dirigeante. Les marchés avaient favorablement accueilli son élection en raison des promesses de fortes dérégulations à l’avantage des entreprises, de diminutions d’impôts pour les riches et de cadeaux pour le secteur de l’armement. La position affaiblie de Trump et l’instabilité internationale ont toutefois fait en sorte que ce boom temporaire semble être du passé : il se peut que nous nous rapprochions d’une profonde crise économique.

Changement de politique étrangère

Sur ce terrain, Trump a effectué un grand virage. Son approche initiale d’un isolement américain est abandonnée et la méthode éprouvée visant à détourner l’attention des problèmes internes par des opérations militaires à l’extérieur a refait surface. Trump veut se profiler en tant que commandant en chef sûr de lui et de la puissance militaire américaine, comme l’ont démontrées les attaques aériennes en Syrie. L’idéologue d’extrême droite Stephen Bannon a d’ailleurs été viré du Conseil de Sécurité National pour donner plus de pouvoir aux conseillers et généraux établis. Ces attaques constituent également un changement des relations avec la Russie, allié important d’Assad. Ensuite, la ‘‘Mère de toutes les bombes’’ a été larguée sur l’Afghanistan. Encore une illustration d’une politique extérieure plus agressive.

Concernant la Chine, le virage de Trump a également été important. Trump a fait quelques critiques contre Pékin et la Chine a fait quelques concessions pour éviter une guerre commerciale nocive. Les relations entre les USA et la Chine peuvent encore considérablement s’embrouiller à cause des menaces américaines qui pèsent sur la Corée du Nord. Dans le Financial Times, Trump a déclaré que ‘‘Si la Chine ne s’occupe pas de la Corée du Nord, alors nous le ferons’’.

La direction démocrate, la classe dominante et les médias n’ont pas trop confiance en lui, mais ils soutiennent largement ses attaques en Syrie et sa nouvelle position vis-à-vis de Vladimir Poutine. Ils applaudissent l’abandon d’une tendance à l’isolationnisme pour un positionnement néolibéral classique. Hillary Clinton est réapparue dans les médias en se déclarant favorable à la destruction complète de toutes les bases aériennes syriennes.

Crise politique

La crise que traverse le parti Républicain a été révélée au grand jour lors du débat sur les soins de santé. Une partie des Républicains modérés a refusé de se rallier au Trumpcare très impopulaire. Pour l’aile la plus à droite, en revanche, la proposition du président n’était pas assez radicale. Mais le Trumpcare a aussi sombré en raison d’une résistance acharnée. Partout aux USA, des réunions ont eu lieu dans les hôtels de ville et des manifestations contre le Trumpcare ont déferlé sur le pays. La population savait pertinemment que le budget des soins de santé allait sérieusement pâtir et que le Medicaid, dont dépend un Américains sur cinq, serait supprimé.

Le Trumpcare a donc volé à la poubelle, ce qui a creusé un trou dans le budget des Républicains. Les coupes budgétaires que représentait le Trumpcare étaient nécessaires pour mettre en œuvre une nouvelle réforme des impôts. Le projet devait libérer 337 milliards de dollars en 10 ans, notamment en interdisant à 24 millions de personne d’avoir un accès aux soins de santé.

Une fois les élections présidentielles terminées, la direction démocrate a immédiatement défendu qu’il fallait accorder une chance à Trump. Mais la pression était forte à la base pour rejeter des pans entiers de sa politique. Une grande partie de l’opposition des Démocrates ciblait les prétendus liens de Trump avec la Russie plutôt que son agenda antisocial. Ils ont négligé de construire activement le mouvement social. Ils ont bien résisté au Trumpcare, mais en se limitant à la défense de l’Obamacare.

Le soutien est pourtant large en faveur d’un système universel de soins de santé. La direction démocrate refuse de s’aventurer sur ce chemin. Elle ne défend pas non plus de campagne offensive pour l’augmentation du salaire minimum (à 15 dollars de l’heure) ou pour d’autres revendications qui jouissent d’un grand soutien, comme l’a prouvé la campagne de Bernie Sanders pendant les primaires. Un programme de gauche permettrait de briser le populisme de droite sur base de la différence fondamentale que cela induirait pour la vie quotidienne des travailleurs et de leurs familles.

La résistance contre la politique antisociale ne peut pas être reportée aux prochaines élections présidentielles. La direction démocrate a du reste largement illustré durant les présidentielles qu’elle préfère pervertir ses propres chances plutôt que de laisser un espace à la gauche. Socialist Alternative appelle les Democratic Socialist of America à collaborer à une campagne visant à présenter des candidats de gauche ou socialistes indépendant des Démocrates. Un espace existe aux USA pour un nouveau parti socialiste qui pourrait, en s’appuyant sur des dizaines de milliers de membres impliqués dans l’opposition combative contre la politique de droite, poser les bases d’un nouveau parti de masse des travailleurs.

Stopper Trump par la mobilisation

Une fois Trump élu, Socialist Alternative a déclaré que l’on ne pouvait arrêter Trump que par la mobilisation massive et incessante des travailleurs et des jeunes. Pendant la période qui a précédé son entrée officielle en fonction, Socialist Alternative a appelé à 100 jours de résistance jusqu’au 1er mai. Le lendemain de l’intronisation de Trump a vu la plus grande journée d’action de l’histoire des Etats Unis avec les marches des femmes du 21 janvier.

Pour arrêter Trump, les travailleurs devront utiliser leur force sociale par des grèves et des actions de désobéissance civile. La discussion sur l’arme de la grève est grandissante. C’était le cas pour la journée internationale des femmes du 8 mars et ensuite pour le 1er mai. Le 1er mai, il n’y aura pas de grève générale, mais cette date est un important point de départ vers un été de résistance. Cela confirme la force et l’importance des actions de grève qui heurtent la classe dominante là où cela lui fait le plus mal : au portefeuille.

Juste avant le 1er mai, de grandes actions ont encore eu lieu avec une Marche pour la Science et une Marche du peuple. La lutte connaîtra sans aucun doute des hauts et des bas. La crise du gouvernement peut même amoindrir le sentiment de danger immédiat mais, au même moment, cela peut renforcer le mouvement parce qu’une victoire semble à portée de main. Cette résistance massive n’est encore que le début d’une période de profonde agitation sociale aux USA et sur le plan international.

Il ne s’agit pas seulement de bloquer les pires éléments de la politique de Trump. Nous nous battons pour des réformes comme le salaire minimum des 15 dollars de l’heure, un système universel de soins de santé, la fin de la politique raciste qui emprisonne des milliers de gens innocents,… Pour cela, nous avons besoin d’un puissant mouvement de masse reposant sur une colonne vertébrale socialiste et de la formation de nouveaux partis socialistes de masse.

Au cours de la lutte, les travailleurs et les jeunes comprendront toujours plus que le système capitalise en faillite ne se prête pas à la réforme pour réaliser nos revendications. Un changement fondamental et profond de société est nécessaire vers une société basée sur la solidarité, la démocratie réelle et l’égalité. Organise-toi avec nous pour ce monde socialiste !

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai