Une catastrophe aggravée par le système de profits
Bien que l’épidémie grippe porcine ne mérite pas encore le titre de pandémie, pas autant en tout cas que la grippe espagnole de 1918, elle a révélé le rôle du profit dans la création de ce genre de situation, et l’incapacité du capitalisme de résoudre rapidement et efficacement des crises telles que celle-ci.
Andy Moxley et Aleida Vilchez, Socialist Alternative (CIO-USA)
La grippe H1N1, connue sous le surnom de «grippe porcine», est une combinaison mutante de quatre différentes souches de grippes. Ces souches ont été trouvées chez les virus des grippes aviaire, porcine et humaine. Elle se transmet d’homme à homme, et a maintenant été confirmée chez 650 cas au niveau mondial. 443 de ces cas ont été détectés au Mexique (Associated Press, 02/05/09), dont entre 100 et 176 ont été mortels. Le Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies prévoit encore plus de décès.
Le rôle de l’agro-industrie
Comme Mike Davis l’a fait remarquer dans son article du Guardian du 27 avril, les craintes d’une telle mutation virale et la demande de la part du monde scientifique d’un suivi fédéral de cette affaire remontent à l’année 1998 (!), lorsqu’un virus similaire est apparu parmi les porcs d’une porcherie industrielle en Caroline du Nord.
Les élevages industriels sont d’immenses fermes mises en place par l’agro-industrie pour produire plus de profits en empilant le plus d’animaux possible sur le plus petit espace possible, dans les conditions les plus terribles pour les animaux. Selon l’article de Davis, plus 65 millions de porcs seraient maintenant concentrés dans 65.000 fermes industrielles (aux Etats-Unis). La situation est similaire en ce qui concerne les poulets. Selon les critères fédéraux, chaque poulet n’a besoin que d’un espace de 16 pouces (40 cm) pour survivre.
Les animaux finissent par vivre dans leurs propres excréments, tandis qu’on les gave de stéroïdes pour qu’ils grandissent plus vite et d’antibiotiques pour pouvoir survivre aux blessures ouvertes et aux infections. De plus, dans ces élevages, ils sont enfermés si proches les uns des autres que toute maladie se répand facilement à l’ensemble de la population d’une ferme, ce qui aide à créer des virus et bactéries plus résistants. Les fermiers qui exploitent ces élevages industriels sont à la merci de l’agro-industrie.
Par exemple, Perdue, une compagnie nationale d’élevages de poulets, possède tous les droits légaux sur les poulets élevés par ses fermiers et sur leur nourriture, les louant en pratique aux fermiers. Toutefois, Perdue n’est pas légalement responsable des déjections produites par ces poulets, laissant leur gestion et leur évacuation à la charge des fermiers (PBS Frontline, 21/04/09). Ces fermiers n’ont pas les ressources ni l’argent dont dispose Perdue pour effectuer de telles opérations. L’immense quantité de déjections rejetées dans la nature créée de graves problèmes de contamination de l’eau et autres problèmes de santé.
Destruction environnementale
La recherche par l’agro-business du profit maximum qu’il peut tirer de ces fermes n’affecte pas seulement directement la transmission et la création de nouvelles maladies, mais prélève également un tribut destructeur sur l’environnement.
Cela fait longtemps que la course aux profits cause des dégâts à l’environnement. L’utilisation de combustibles fossiles et d’autres ressources non-renouvelables pollue non seulement l’air que nous respirons (la création de «smogs»), mais a également ouvert un gigantesque trou dans la couche d’ozone qui sert de bouclier à la Terre, ce qui a eu pour effet une accélération du changement climatique au cours des dix dernières années.
Les déjections animales émises par les fermes industrielles ont causé l’empoisonnement de sources d’eau potable, et la destruction massive de la faune des rivières (poissons, etc.). Depuis 1991, plus d’un milliard de poissons sont ainsi morts directement à cause de cela dans le fleuve Neuse de Caroline du Nord, plus que n’importe où ailleurs aux Etats-Unis.
Réponse tardive
En ce moment, le monde n’est qu’à deux doigts d’une pandémie mondiale de grippe H1N1. Toutefois, le statut de pandémie ne fait référence qu’à l’étendue de la maladie, et non à sa sévérité. Jusqu’ici, les rapports indiquent que la menace du H1N1 pourrait ne pas être aussi grave que ce que l’on avait cru initialement (The New Nation, 02/05/09). Les pays riches ont pris les mesures nécessaires afin de contenir et d’enrayer l’infection, telles que le check-out complet des patients qui présentent des symptômes ressemblant à ceux de la grippe, la distribution de médicaments anti-viraux et même le développement d’un vaccin avant que la prochaine saison de grippe ne frappe l’hémisphère nord.
Lorsque le virus a été identifié pour la première fois, les scientifiques ont cru qu’il possédait un taux de mortalité plus élevé, à cause du grand nombre de décès au Mexique. En réalité, jusqu’ici, il apparaît que ce virus est vulnérable aux anti-viraux habituels tels que Tamiflu et Relenza. Les patients réagissent bien au traitement, et les cas de grippe porcine hors du Mexique se sont révélés bénins et non-fatals, à l’exception d’un garçon mexicain qui est décédé au Texas (Associated Press, 29/04/09).
Si le virus H1N1 cause une pandémie, il touchera d’abord et le plus durement les pays «en développement». Pire encore, la crise se passe pendant la saison de grippe annuelle. L’incapacité du gouvernement mexicain à résoudre cette épidémie montre que les pays pauvres ne possèdent pas les ressources nécessaires pour la prise en charge des malades. A l’apogée de l’épidémie au Mexique, le gouvernement a distribué environ six millions de masques à Mexico City, dont la population est de à vingt millions. De peur que l’infection échappe à tout contrôle, certaines ambulances ont refusé de ramasser les malades, et beaucoup d’entre eux se sont vu refuser l’entrée à l’hôpital.
La Banque Mondiale a prévu d’octroyer un prêt de 205 millions de dollars au gouvernement mexicain afin de l’aider à affronter cette crise. Le Mexique a déjà reçu 25 millions de dollars (Guardian, 27/04/09). Ce n’est qu’après avoir reçu cet argent que le Mexique a été capable d’acheter les médicaments anti-viraux nécessaires, et de commencer à évaluer l’ampleur de la crise. L’Organisation Mondiale de la Santé a aussi donné 2,4 millions de médicaments à 72 pays en développement (The Houston Chronicle, 02/05/09). Il n’est pas étonnant qu’après cela, la situation ait commencé à s’améliorer.
Maintenant, le nombre de cas et de décès a commencé à diminuer grâce à une mise à l’arrêt économique quasi-totale. Dans son effort pour contenir l’infection, le gouvernement mexicain de Felipe Calderon a fait passer une mesure permettant de fermer toutes les entreprises privées et agences gouvernementales jusqu’au 6 mai ; tous les rassemblement publics ont été annulés, y compris les manifestations du 1er Mai, fête internationale des Travailleurs.
La pauvreté – incubateur à maladies
La politique néolibérale mise en oeuvre par la classe dirigeante a fragilisé les pays du monde entier. Depuis les années ‘70, le capitalisme a attaqué le niveau de vie, les salaires et les conditions de travail partout dans le monde afin d’engranger plus de profits, accroissant par là la pauvreté et négligeant les soins de santé et les besoins humains de base. Via la libéralisation du commerce et la mondialisation, la spirale descendante n’était pas seulement menée au niveau des salaires, mais aussi au niveau des conditions de vie et de l’infrastructure.
Le capitalisme a créé un monde où il y a des excédents de nourriture, alors que 25.000 personnes meurent de faim chaque jour ; un monde où les travailleurs et les pauvres meurent de maladies guérissables, simplement parce qu’ils n’ont pas assez d’argent que pour aller voir un docteur. Sous le capitalisme, les 10% de personnes les plus riches détiennent 85% de la richesse mondiale.
Les virus tels que celui de la grippe porcine prospèrent dans les conditions de pauvreté extrême. Les conditions de vie horribles dans les régions du monde frappées par la pauvreté créent un champ de reproduction pour ces virus. La pollution, la faim et la maladie affaiblissent les systèmes immunitaires et rendent les gens extrêmement vulnérables aux infections, ce qui pose les bases pour des épidémies. La maladie ne connaît pas les frontières, de sorte que la simple existence de telles conditions, n’importe où sur la planète, signifie que la porte est grande ouverte pour une épidémie mondiale.
Le capitalisme a également créé la ferme industrielle, qui sert d’incubateur pour des virus et maladies qui affectent à la fois les animaux et les humains, et qui cause des dégâts environnementaux irréversibles. Nous devons produire la nourriture d’une manière qui ne soit pas seulement saine du point de vue des maladies, mais qui soit aussi durable et écologique.
La distribution adéquate de fournitures médicales dans le monde entier, y compris de vaccins et de médicaments, est une tâche intérgale dans le cadre de la lutte contre les maladies. Il est aussi nécessaire d’ôter la recherche médicale des mains de corporations avides de profits et qui s’inquiètent plus de leur propre compte en banque que de la prévention et du soin des maladies, et de placer cette recherche entre les mains des personnes les plus affectées.
Une alternative à l’agro-industrie
Aucun de ces problèmes ne peut être résolu sous la domination actuelle de l’agro-industrie et du capitalisme. Au fur et à mesure que les maladies continuent d’évoluer, la seule manière de s’assurer que ces crises soient évitées et résolues de manière efficace est via une planification démocratique par les masses de la population. En éliminant la motivation pour le profit grâce à la planification socialiste et démocratique de l’économie, nous pourrons plus rapidement prendre à bras le corps tout problème émergent, et nous pourrons développer un plan de production et d’opération qui empêche l’émergence-même de la plupart de ces événements.
La grippe H1N1 a mis en lumière l’infrastructure pourrissante créée par le capitalisme. En l’espace de quelques semaines, une épidémie mondiale s’est produite, causant des centaines de morts facilement évitables et provoquant une crise mondiale.
Sous le règne des grandes entreprises et du capitalisme, de tels problèmes vont sans cesse se produire. Seul un système socialiste démocratique pourrait éliminer la pauvreté, fournir des soins de santé de qualité pour tous, et mettre un terme au règne de la destruction de notre environnement et de nos vies par les corporations.
Il nous faut organiser un mouvement puissant afin de briser l’emprise des grandes entreprises sur notre santé et notre alimentation. Nous devons mener campagne contre la destruction de notre environnement par les corporations et contre la guerre, où d’innombrables milliards de dollars sont dépensés pour détruire, et utiliser cet argent afin d’aider les pays en développement. Nous devons nous organiser à une échelle nationale et internationale afin de briser le règne des grandes entreprises et du capitalisme. Pour vaincre la privation, le racisme, et la dégradation environnementale et voir cette victoire de notre vivant, les moyens sont là, mais nous devons nous organiser afin de mettre un terme à la dictature du profit, pour le remplacer par celui du contrôle démocratique.