Une interview de Mariana Cristina, représentante du travail LGBT de Socialismo Revolucionario, notre section-sœur au Brésil réalisée par Pablo N, de Bruxelles à l’occasion de la rencontre internationale qu’a constitué l’école d’été d’Amérique Latine du CIO.
par Pablo N
PN : Bonjour, pour commencer, peux-tu nous expliquer quelle est la situation des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Transsexuels) au Brésil et quel est le sentiment qui règne dans la population à propos de la lutte contre l’homophobie ?
MC : Tout d’abord, l’oppression des LGBT diffère de celle des autres groupes discriminés comme les femmes ou les noirs, car les patrons n’utilisent pas directement cette discrimination pour faire de la plus value. De plus, cette oppression est niée dans la population brésilienne. En effet, pour eux, les LGBT ont les mêmes droits que tout le monde. Pourtant, la réalité nous montre que cette oppression existe. Presque personne n’affirme être homophobe, mais peu acceptent d’avoir un homo dans leur entourage proche. Encore récemment, une recherche a par exemple démontré que si l’on demande à des enfants «qui ils ne voudraient pas avoir comme amis» (c-à-d : un «gros», un «petit»,…) la majorité ne veulent pas d’homosexuels comme amis. De plus, les insultes homophobes sont très courantes. On donne ainsi aux homos des noms d’animaux. La violence est également très présente contre les LGBT, particulièrement contre les transsexuels et les travestis qui pour survivre doivent souvent se prostituer et affronter tous les risques liés à cette pratique. Les lesbiennes, elles, subissent plus une violence domestique, nous n’avons donc pas beaucoup de chiffres. Il est très clair que les LGBT souffrent énormément des discriminations au sein même du cercle familial. Ce qui fait aussi qu’ils ne vont pas en justice, ils pensent que leur problème est un problème individuel et familial.
PN : En Belgique, le mariage civil est légal pour les LGBT, où cela en est-il au Brésil ?
MC : Il y a effectivement un projet de loi qui est discuté… depuis 18 ans. Lula (le Président actuel du Brésil) a promis beaucoup pour la communauté homo comme l’accélération du projet de loi pour le mariage ou encore un programme «homophobie zéro», mais rien n’a été fait. De plus, contrairement aux ONG, nous pensons qu’il ne faut pas s’attarder sur la partie légale ou le mariage, ce n’est qu’une partie de notre lutte.
PN : Je sais que le poids de l’Eglise catholique est très important en Amérique Latine et je suppose qu’il en est de même ici, au Brésil. J’aimerais te demander quelle est la réaction de l’Eglise par rapport à la communauté LGBT ?
MC : L’Eglise catholique est malheureusement un vrai problème dans notre lutte. En effet, au début de cette année par exemple, elle a émis le souhait que l’homosexualité soit détruite cette année. De plus, elle organise aux alentours de la date de la gay pride une «Marche pour la vie» à caractère homophobe avec comme objectif d’avoir une participation plus nombreuse que celle de la gay pride. Heureusement, elle n’y arrive pas. L’Eglise protestante est plus ouverte, elle a voulu lancer une campagne contre l’homophobie, mais suite à une autre campagne pour l’avortement, elle n’avait plus suffisamment d’argent.
PN : Tu as parlé de la gay pride. En Belgique, cela existe également. Malheureusement, elle devient de plus en plus apolitique et commerciale. Une image capitaliste du LGBT y est mise en exemple. Comment cela se passe ici ?
MC : Tout d’abord, il existe aussi un marché «LGBT» capitaliste, que nous appelons «Pink» : beaucoup de produits de luxe, des boîtes branchées, etc. Ce phénomène est tellement répandu qu’on dit que l’homosexuel doit «acheter» son homosexualité. Mais bien sûr, c’est une question de classe. Seuls les riches peuvent se permettre d’«être» véritablement homo. A Rio de Janeiro par exemple, il y a les plages de Copacabana et de Paneima qui sont connues pour le tourisme gay et, comme ce sont des riches qui vont là-bas, ils n’ont aucun problème dans la rue, ils peuvent se tenir par la main, etc. Mais les autres homos brésiliens qui ne peuvent pas se payer des apparts sur ces plages se font agresser en rues.
La gay pride est ici un très grand évènement, chaque année. Elle rassemble plus de 3 millions de personnes (LGBT ou non) et est préparée un mois à l’avance. C’est un évènement très important pour la communauté gay, car c’est le seul jour dans l’année où ils peuvent ouvertement être gays.
PN : Quelle est votre intervention dans le cortège ?
MC : Avant, nous dirigions le «mouvement LGBT socialiste» au nom du PSoL (Parti du Socialisme et de la Liberté). En 2006, nous avions un camion avec des parlementaires du PSoL et nos militants distribuaient des tracts autour d’eux. Malheureusement, après une demi journée, tout le monde est trop drogué ou trop saoul, donc nous avons arrêté l’intervention. Mais en 2007, nous n’avions plus de grosse intervention du PSoL, nous nous sommes contentés de distribuer des tracts de Socialismo Revolucionario. Cette année (en 2008) nous avons fait une intervention avec Conlutas (une nouvelle centrale syndicale de gauche), mais les organisateurs de la gay pride ne veulent pas de politique et ont estimé que le camion de Conlutas n’était pas du «bon format». Alors nous avons organisé un cordon humain pour faire passer le char et les organisateurs ont appelé la police. Résultat : 2 personnes arrêtées et un bras cassé chez nous.
PN : Pourquoi l’intervention avec les PSoL ne prend-elle plus place ?
MC : En fait, avant, nous avions 2 camarades LGBT qui ne militaient que sur le travail LGBT, mais à cause de la trop grande pression dans le mouvement gay pour ne pas avoir une vision de classe, ils nous ont quitté. C’est ce qui a empêché de nouvelles éditions de l’intervention du PSoL et a considérablement affaibli notre travail LGBT. Pour cela, nous faisons très attention à ce que nos membres LGBT militent non seulement pour leur communauté, mais avant tout pour la classe ouvrière.
PN : A propos, quel est votre travail LGBT aujourd’hui ?
MC : Nous sommes en train de nous réorganiser, d’écrire un programme et nous prévoyons une campagne anti-homophobie sur les universités. Nous voulons à l’avenir engager une telle campagne en direction de la classe ouvrière sur les lieux de travail. Nous pensons à travailler à cela avec d’autres organisations dans Conlutas. De plus, ici, à l’école d’été du CIO (d’Amérique Latine) nous avons noué des contacts avec nos camarades chiliens pour un début de travail LGBT international.