[INTERVIEW] Lutte des sans-papiers et combat anticapitaliste

Au centre, derrière la banderole de gauche : Rabia

 »La lutte des sans-papiers ne peut pas être détachée de la lutte plus générale pour en finir avec le système capitaliste ! »

La situation pénible vécue par les sans-papiers a récemment refait surface avec le cas de Mohamed, un sans-papiers qui a travaillé pour divers sous-traitants dans une station de métro bruxelloise en 2013. Il était payé en-dessous du salaire minimum et ne bénéficiait d’aucune protection au travail. Nous avons discuté de la lutte des sans-papiers avec Rabia Benkhabba, membre du PSL et de la Coordination des Sans-papiers de Belgique.

Rabia, quelle est ton histoire? Comment as-tu a décidé de t’engager politiquement ?

‘‘Je suis arrivé en Europe il y a 5 ans et ici à Bruxelles il y a deux ans, en passant par le Danemark, l’Italie et la Suisse. Pendant ce parcours, tout était difficile : trouver un logement, trouver un travail, apprendre les langues et se refaire une vie. Au début, j’étais complètement révolté mais, par après, surtout une fois à Bruxelles en m’engageant dans le mouvement des sans-papiers, j’ai commencé à prendre du recul par rapport à ma situation personnelle. J’ai commencé à me demander pourquoi j’étais sans-papier et c’est ainsi que j’ai compris que c’était avant tout une question politique. Je suis donc devenu militant.’’

Quel changement a produit en toi le fait de devenir militant ?

‘‘J’ai considéré les choses de manière différente. Beaucoup de sans-papiers vivent depuis longtemps en Europe dans des situations inhumaines et difficiles et, des fois, ils ne se plaignent même pas. Je ne comprenais pas comment ils pouvaient accepter leur situation sans poser aucune revendication pour défendre leurs droits. C’est comme ça que j’ai commencé à plus m’impliquer, pour essayer de mobiliser au maximum, pour que les sans-papiers se réveillent et entrent en action. C’est ainsi que j’ai rejoint la Coordination des sans-papiers de Belgique.’’

Comment t’es-tu engagé dans le combat syndical ?

‘‘Un jour, en marchant dans le métro Arts-loi, j’ai vu un camarade que je connais personnellement qui était affiché en grand dans une photo des travaux de cette station de métro. En discutant avec lui, nous avons décidé de dénoncer l’exploitation des sans-papiers et nous avons pris contact avec le comité des travailleurs avec et sans papiers de la CSC.

‘‘Il est inacceptable que les sans-papiers soient exploités sur des chantiers publics, avec l’argent du contribuable, comme à la STIB, mais aussi dans tout autre secteur où les sans-papiers travaillaient chaque jour : l’horeca, la construction, la logistique, le nettoyage, etc. Nous savons très bien à quoi servent les travailleurs sans-papiers dans notre système économique : à baisser les conditions de travail de tout le monde. Les travailleurs sont mis en concurrence les uns avec les autres pour détruire leurs droits. Être sans-papier, ce n’est pas un handicap, c’est le produit de la volonté politique de ce système pourri.

‘‘Le syndicat est dès lors un outil important pour dénoncer l’exploitation mais surtout pour faire converger au maximum les luttes contre les politiques d’austérité et de dumping social qui divisent et affaiblissent les travailleurs. L’unité des travailleurs avec et sans papiers pour la régularisation et pour la défense de bonnes conditions de travail pour tous, voilà la solution contre le racisme qui nous divise.’’

Que penses-tu de la revendication syndicale d’un permis de travail pour les sans-papiers ?

‘‘Le permis de travail reste une revendication intermédiaire vers la régularisation de tous les sans papier. Elle doit être destinée à renforcer le mouvement des sans-papiers et à lui donner une perspective politique de lutte qui remette au centre du débat la question du travail, de la solidarité entre tous les travailleurs et de la lutte des classes.

‘‘La revendication d’un permis de travail est une revendication centrale pour les syndicats afin de rétablir de l’enthousiasme au sein du mouvement des sans-papiers et de construire la plus grande solidarité de classe pour défendre les droits de tous les travailleurs contre le patronat. Ce serait une bonne chose que les syndicats organisent aussi des rencontres entre les travailleurs sans-papiers et les délégations syndicales pour construire l’unité et discuter d’une stratégie de lutte commune.

‘‘Les partis traditionnels ferment les yeux sur la situation, les partis populistes de droite l’utilisent pour semer le racisme dans la société et diviser la classe des travailleurs. Quant aux patrons, ils se remplissent les poches. Le mouvement des sans-papiers doit se mobiliser contre toutes les formes de populisme de droite, c’est pour cela que nous mobiliseront pour le rassemblement du 24 avril Place de la Monnaie à Bruxelles (au lendemain du premier tour des élections françaises) contre tous les Franken, les Marine le Pen, les Wilders et les Trump de la planète. Ce dernier sera d’ailleurs en Belgique les 24 et 25 mai prochains.’’

Pourquoi as-tu rejoint le PSL ?

‘‘J’ai rencontré des camarades du PSL à une manifestation de sans-papiers. Je les ai approchés pour leur demander ce qu’était leur parti et à quoi peut bien servir un tel parti. Dès que j’ai vu le nom, Parti Socialiste de Lutte, j’avais compris. La lutte pour mes papiers ne peut pas être détachée de la lutte plus générale pour en finir avec le système capitaliste qui nous bouffe tous à la même sauce.

‘‘De plus, j’ai pu énormément apprendre en participant aux réunions de section au sujet des différentes méthodes de lutte et des différents combats que mène le PSL sur plusieurs terrains. C’est ainsi que je me bats aujourd’hui pour une société socialiste sans classe où les travailleurs et les citoyens pourront eux-mêmes démocratiquement décider de la manière dont fonctionne la société, non pas sur base du profit, mais pour répondre aux besoins de tous et toutes. Justice, liberté, égalité pour tous : voilà pourquoi je suis devenu membre !’’

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