Une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous

Action de protestation à l’ambassade irlandaise, 23 avril 2017. Photo : Socialisme.be

Parler de la répression d’Etat fait tout d’abord penser à des pays tels que la Turquie ou le Maroc, des régimes autoritaires qui persécutent quotidiennement leurs opposants. Mais la tendance des élites dirigeantes à renforcer leurs outils de répression pour faire face à la contestation sociale est bien plus générale. En France, la ‘‘Loi travail’’ avait poussé des centaines de milliers de personnes dans les rues à plusieurs reprises en 2016. La répression avait été féroce et, aujourd’hui, les procès de militants se succèdent tandis que les manifestations contre les violences policières s’enchaînent, notamment autour du cas du jeune Théo qui révélait sur BFMTV, début février : ‘‘Je l’ai vu prendre sa matraque : il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement’’.

Par Nicolas Croes

En Belgique, à l’occasion de la journée internationale contre les violences policières (le 15 mars), la Coordination des sans-papiers et la campagne ‘‘Stop Répression’’ s’étaient associées pour dénoncer la répression policière et le racisme d’État lors d’une manifestation. Le texte de plateforme dénonçait à juste titre la manière dont de nouvelles mesures sécuritaires adoptées par le gouvernement Michel sont utilisées pour criminaliser les sans-papiers et réprimer le mouvement pour leur régularisation.
Ainsi, le 19 septembre dernier, l’évacuation du collectif la Voix des Sans Papiers à Molenbeek s’est déroulée avec des dispositifs policiers sans précédent, avec hélicoptère et armes lourdes, pour déloger quatorze personnes désarmées! La campagne posait très justement la question suivante : ‘‘Avec cette instrumentalisation de la notion de terrorisme, qui nous dit que demain un syndicaliste ne pourra pas être également condamné pour incitation au terrorisme parce qu’il s’oppose aux réformes injustes du gouvernement??’’ A ce titre, le procès contre les manifestants de Jobstown en Irlande peut constituer un dangereux précédent.

Jobstown not guilty

L’Irlande a récemment connu une lutte titanesque contre une taxe visant à en finir avec la gratuité de l’eau dans le pays. Comme l’expliquait le quotidien français Le Monde (10 février 2015) : « Alors que les premières factures doivent tomber en avril et coûteront plusieurs centaines d’euros par an aux ménages, les campagnes appelant au non-paiement sous le mot d’ordre ‘‘No way, we won’t pay’’ (‘‘pas question, on ne paiera pas’’), essaiment à travers le pays. Du jamais vu depuis l’indépendance en 1922. Pas même au plus fort de la crise financière. Car l’eau cristallise tout le reste. Coupes dans les dépenses publiques, baisse des salaires, augmentation des impôts : la rigueur budgétaire – dont le pays est officiellement sorti en octobre – a demandé trop d’efforts aux Irlandais. Le taux de chômage a certes baissé, mais avoisine toujours les 10,7 %. Et, alors que le gouvernement les serine avec la reprise économique, une grande partie des 4,5 millions d’habitants n’en ressent toujours pas les effets’’. ‘‘Les 99 % de gens ordinaires voient qu’on fabrique une reprise pour les 1 % de riches aux dépends du reste de la population qu’on continue à saigner’’, tance Paul Murphy. Le député a encore sa carte au Parti socialiste (trotskiste), qu’il a intégré à l’âge de 18 ans.’’

L’article avait été publié au lendemain de l’arrestation excessivement musclée de Paul Murphy et de divers activistes opposés à la taxe sur l’eau le 9 février qui avaient participé à un sit-in devant la voiture de la vice Première Ministre, en 2014, dans la localité de Jobstown (près de Dublin). Avec leur détention provisoire, l’establishment irlandais visait à criminaliser le mouvement social et à affaiblir la résistance à la taxe sur l’eau. Depuis lors, les autorités ont été forcées de reculer et la loi a été suspendue. Mais l’establishment tient à sa revanche et ces activistes sont aujourd’hui inculpés de ‘‘séquestration’’ !

L’un d’entre eux, âgé de 15 ans au moment des faits, a d’ailleurs été condamné à l’automne dernier. Les 18 autres, tous adultes, ont leur procès le 24 avril prochain. Ils sont menacés de longues années d’emprisonnement. Parmi eux, se trouve Paul Murphy, député irlandais de l’Alliance Anti-Austérité (AAA, devenue depuis lors Solidarity) et du Socialist Party, tout comme Mick Murphy et Kieran Mahon, conseillers municipaux de Solidarity.

Le message est clair. C’est une tentative d’intimidation de toutes celles et tous ceux qui veulent résister à ses politiques et lutter pour une autre société : ‘‘courbez l’échine ou vous risquez la prison’’. S’il advenait qu’ils soient condamnés, ça serait un véritable recul des droits démocratiques à manifester en Irlande. Un pas supplémentaire pour faire taire le mouvement ouvrier et social et essayer de le briser. Mais ce serait aussi un précédent alarmant pour les luttes sociales à travers l’Europe.

Une campagne de soutien, d’abord en Irlande, mais aussi au niveau international, s’est organisée autour de #JobstownNotGuilty (Jobstown non-coupable), rejointe depuis lors par Jean-Luc Mélenchon (candidat de la France Insoumise aux élections présidentielles), Angela Davis (militante des droits de l’homme, professeur de philosophie et militante communiste américaine), Noam Chomsky (linguiste et intellectuel anticapitaliste), Yanis Varoufakis (ancien ministre grec des Finances),…

En Belgique, elle a été rejointe par Eric Toussaint (CADTM), Peter Mertens (président du PTB), Michel Genet (Directeur Politique d’ECOLO), Zoé Genot (députée régionale ECOLO, Présidente de groupe au parlement régional bruxellois), Muriel Gerkens (députée fédérale ECOLO), Rudy Janssens (Secrétaire fédéral CGSP Bruxelles), Silvio Marra (ancien délégué FGTB des Forges de Clabecq),…

 

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