‘‘Le 1er mai, prochaine journée d’action et nouvelle étape de la résistance contre Trump’’

Jess Spear lors de la journée de lancement de la campagne ROSA le 12 mars à Bruxelles. Photo : Mario

Le mouvement contre Trump est aujourd’hui le fer de lance de la résistance contre le populisme de droite. Jess Spear, l’une des porte-paroles de la ‘Marche des femmes’ à Seattle, nous parle ici de l’état des lieux de ce combat et du rôle que peut jouer le 1er mai, journée internationale des travailleurs.

Propos recueillis par Koerian (Gand)

Peux-tu nous parler de l’énorme mouvement social en développement aux USA ?

‘‘La plupart des gens se doutaient bien que des manifestations éclateraient dans tout le pays au lendemain de l’élection de Trump (le 9 novembre). Socialist Alternative (organisation-sœur du PSL aux USA, NDLR) fut l’une des premières organisations à appeler à manifester, à dire « je m’oppose à sa politique et en particulier à la diabolisation des migrants et des musulmans ainsi qu’à son sexisme et ses commentaires racistes ». Les mobilisations ont été essentiellement constituées de jeunes, avec énormément d’étudiants du secondaire, des jeunes qui n’avaient pas voté mais qui estimaient que sa politique aurait un impact sur leur avenir. La plupart des jeunes sont très progressistes, en faveur des droits des femmes et des personnes LGBTQI, en faveur de la diversité en général. Ils veulent se battre contre la guerre, contre la pauvreté et les inégalités, ils veulent un autre monde.

‘‘La prochaine étape, allait se situer de toute évidence le jour de son investiture (le 20 janvier), moment crucial pour exprimer son opposition. Le 20 janvier, nous avons vu de grandes manifestations, dont certaines organisées par nos propres forces, mais ce n’était encore rien face aux Marches des femmes du lendemain, en particulier celle de Washington. Ces mobilisations furent les plus grandes de l’histoire américaine. « Il y eut une grande diversité dans la participation, avec de nombreuses communautés représentées, ainsi que beaucoup de personnes âgées, particulièrement des femmes. Certaines d’entre elles avaient participé aux mouvements féministes des années ’60 et ’70. Choquées que quelqu’un d’aussi misogyne devienne président, elles voulaient être présentes pour défendre les acquis obtenus par le passé.

‘‘Une grande partie de la communauté latino-américaine est aussi sortie dans les rues. En Californie, les communautés latinos, les migrants ont manifesté durant plusieurs jours. Elles se retrouvent en première ligne avec toutes les déclarations de Trump sur la communauté mexicaine, sur les déportations de millions de migrants, sur la construction d’un mur à la frontière. Pour bon nombre de communautés, il est évident que nous devons unir nos forces, non seulement pour défendre nos conquêtes passées, mais aussi pour nous battre en faveur de quelque chose d’autre, de très différent.’’

Que trouvait-on comme opinions politiques dans ces mobilisations ?

‘‘Il existe un large éventail d’idées concernant la manière de lutter contre Trump. Il y a ceux qui veulent voter pour le Parti démocrate. Ceux qui veulent seulement s’opposer à Trump. Il y a également la gauche radicale et socialiste, comme Socialist Alternative, qui a, dès le premier jour, voulu organiser la résistance contre sa présidence , organiser des manifestations, des actions de désobéissance civile et des grèves, afin de l’empêcher de faire passer quoi que ce soit. Je pense que la majorité des gens en sont encore au stade de se dire qu’il suffira de voter contre lui la prochaine fois. Mais cette majorité se restreint au fil du temps. Un sentiment d’urgence se développe et de plus en plus de monde aspire à des actions plus directes.

‘‘Socialist Alternative appelle le mouvement à élaborer un programme, non seulement de résistance, mais aussi de revendications qui clarifie ce pour quoi nous nous battons vraiment. Grâce à cela, il sera possible d’attirer dans l’action des couches plus larges de la société, ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts, du mal à trouver un logement décent, qui sont préoccupés par leurs soins de santé. Nous nous battons aussi pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, pour un système universel de soins de santé, pour un enseignement gratuit (y compris universitaire), contre l’incarcération de masse et la brutalité policière.

‘‘Si l’on regarde la lutte contre l’administration Nixon dans les années ‘70, les gens combattaient non seulement le président et ses politiques, mais ils réclamaient aussi le droit à l’avortement, le financement des communautés noires,… Une vaste gamme de questions faisait l’objet d’âpres combats, comme la protection de l’environnement. Des choses ont pu être gagnées car lorsque le pouvoir est confronté à un mouvement avec un important rapport de force, il se voit forcé de faire des concessions pour éviter que celui ci ne s’élargisse davantage. Nous cherchons nos sources d’inspiration dans l’Histoire. À bien des égards, nous devons rappeler cette Histoire aux gens. Beaucoup estiment que leur seul pouvoir est de voter, ils oublient que les mouvements de masse sont extrêmement efficaces.’’

Socialist Alternative avait appelé à 100 jours d’action, jusqu’au 1er mai. Comment avez-vous tenté d’orienter le mouvement vers cette date ?

‘‘Certains syndicats ont voté pour faire grève le 1er mai, alors qu’il n’existe pas de tradition de manifester ce jour-là, et encore moins de faire grève ( ce qui bien triste pour une date qui puisant ses origines dans le mouvement ouvrier américain). Nous n’avons jamais connu de grève générale aux États-Unis, les discussions sont donc limitées.

‘‘Les gens recherchent surtout des moments qui peuvent servir de journées d’actions, une échéance jusqu’à laquelle construire le mouvement. Au cours des premières semaines, les actions se succédaient jour après jour. C’était très fatigant et pas très efficace. Les gens comprennent rapidement qu’il leur est impossible de continuer indéfiniment ainsi. De là découle l’importance d’organiser de plus grands rendez-vous.

‘‘Le 8 mars était une grande journée d’action, avec un appel à la grève des femmes. Mais trop peu de choses avaient été faites pour préparer la grève et persuader les travailleuses d’y participer. Il a manqué des discussions collectives sur les lieux de travail visant à expliquer pourquoi stopper le travail et descendre dans la rue. Ce fut néanmoins une occasion importante de discuter de l’arme que représente la grève et de sa signification.

‘‘Nous pouvons tirer parti de cette expérience à l’occasion du 1er mai. Les syndicats auront un rôle clé à jouer pour convaincre les travailleurs à se préparer à une grève et à en élaborer le programme. Jusqu’ici, les syndicats ont joué un rôle très mitigé, la plupart ont une direction très conservatrice qui a oublié depuis longtemps comment organiser une lutte. Mais les développements positifs ne manquent pas. La pression de la base peut inciter les syndicats à aller plus loin.

‘‘Au cours de cette dernière décennie, les actions du 1er mai ont principalement été le fait des migrants. Nombre d’entre eux viennent de pays où il existe des traditions autour du premier mai et de la solidarité internationale. Depuis 2006, les migrants organisent chaque année des manifestations pour la Fête des travailleurs. Nous nous attendons à une large participation de leur part, pour ces raisons et parce qu’ils sont spécialement visés par l’administration Trump. Cela pourra avoir un impact sur le reste du mouvement.

‘‘Notre tâche est d’enraciner le 1er mai comme journée de lutte, autour de laquelle coopérer, autour de laquelle il est possible de faire grève. Si ce n’est pas possible de faire grève, parce qu’aucun rapport de force n’existe sur le lieu de travail, nous appelons à organiser d’autres actions de solidarité, sur le temps de midi par exemple.’’

Que pouvons-nous faire d’ici ?

‘‘Chaque groupe issu de la classe des travailleurs qui combat sa propre élite est une consolidation de la lutte globale. Toute action de solidarité à travers le monde contre Trump, toutes les actions de solidarité le jour de la marche des femmes montrent à la classe ouvrière américaine et aux jeunes en particulier que le problème de Trump a un impact bien au-delà des USA.

‘‘Ce qu’il fait est observé à la loupe par Marine Le Pen et d’autres dirigeants populistes ou d’extrême droite. C’est important que vous luttiez contre ça aussi et que les gens comprennent que ce combat est international. Que l’espace qui s’agrandit pour le populisme de droite existe en raison de la faiblesse de la gauche. Au plus vous luttez contre cela en Belgique, au plus il sera difficile qu’un tel processus se propage. Chaque manifestation que vous organisez contre la droite, en reliant cela à Trump et au ‘‘trumpism’’, favorise la conscientisation sur le fait que nous luttons tous contre la même chose.

‘‘Tout le monde veut de bons emplois et de bons salaires, de bons soins de santé, un enseignement gratuit et un meilleur avenir. Nous pouvons obtenir tout cela par la lutte collective. Chaque chose qui va dans cette direction est très, très utile. Certainement aujourd’hui, où le monde n’a jamais été aussi connecté.’’

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai