Les diverses commissions et autres groupes de travail sur les questions communautaires ayant été enterrés en sourdine, les amateurs de « grandes réunions » au sein des partis traditionnels se sentaient bien perdus. Heureusement pour eux, la commission Fortis est venue combler un vide. Mais, pour une écrasante majorité de la population, la discussion qui s’y est menée a été aussi incompréhensible que le labyrinthe des opérations menées pour vendre du vent sur les marchés financiers.
Par Geert Cool
Rappelez-vous l’automne dernier. Pendant un moment, le gouvernement a essayé de camoufler son échec retentissant sur le plan communautaire avec la « réussite » de sa gestion de la crise bancaire. Mais cette « réussite » s’est vite révélée construite sur du sable. Fortis a été achetée avec l’intention de la revendre aussi vite que possible, même si cette vente était surtout avantageuse pour BNP-Paribas.
Séparation des pouvoirs
La commission Fortis s’est penchée sur les contacts qui auraient eu lieu entre le gouvernement et la justice dans le cadre du procès autour de Fortis et qui constitueraient une violation de la séparation entre pouvoirs exécutif et judiciaire. Comme si l’appareil judiciaire – où les nominations politiques sont monnaie courante – était hermétiquement séparé des autres appareils de l’Etat. Si la querelle entre les cabinettards, les juges et les membres du ministère public a mis quelque chose en lumière, c’est bien que tous ces gens forment un petit monde où « tout le monde se connaît ».
Les contacts entre les représentants CD&V des cabinets de Vandeurzen et Leterme et les milieux judiciaires avaient déjà été établis avant. La commission Fortis a permis de rendre publics les contacts entre les cabinets Reynders et ces mêmes milieux : il y en a eu plus de 70 ! Ces contacts n’ont apparemment pas suffi pour mettre au pas la justice et la forcer à avaliser la vente de Fortis..
Qui paiera la note ?
La question qui devrait être centrale dans la discussion sur Fortis est la suivante : qui paiera la note ? Ces dernières années, les banques ont réalisé des profits exorbitants. En 2006 et 2007, Fortis a réalisé un profit de 4 milliards d’euros par an. En 2006, KBC/CBC et Dexia ont totalisé plus de dix milliards d’euros de profit ! Quand les choses allaient bien, les actionnaires ont encaissé des dividendes royaux. Maintenant que le vent a tourné, c’est la collectivité et les salariés qui paient la note. Voilà la logique des partis traditionnels et du monde des affaires. Depuis août, des milliards d’euros de moyens de la collectivité ont été engloutis dans le secteur bancaire. Cependant, dans le top 10 des entreprises qui ont procédé à des licenciements collectifs, on trouve justement deux banques : Dexia et ING avec respectivement 350 et 530 licenciements. En outre, la collectivité se retrouve avec une dette exorbitante en conséquence des interventions et des garanties gouvernementales.
Le scandale de Fortis, ce n’est pas quelques coups de téléphone passés à des magistrats trop zélés. C’est la vente en soldes de Fortis elle-même qui est scandaleuse.
C’est pourquoi nous disons qu’il faut une nationalisation totale du secteur financier. Pas pour le restructurer ensuite sur le dos du personnel et de la collectivité. Mais pour placer les banques et les institutions de crédit sous le contrôle de la collectivité pour que les besoins de la majorité de la population soient au cœur de sa gestion.