Ce jeudi 24 novembre, une marée de colère a déferlé à Bruxelles à l’appel du secteur non-marchand. Plus de 20.000 membres du personnel des hôpitaux, des maisons de repos, des labos, des crèches, des institutions éducatives, des soins à domicile, etc. ont battu le pavé pour dénoncer les 902 millions de mesures d’austérité supplémentaires prévues par le gouvernement fédéral dans le secteur. Mais il y a plus. Dans ce domaine comme ailleurs, les pénuries sont immenses depuis longtemps. Dans certains cas, le manque de subsides ne permet même pas de respecter les lois sociales !
Qu’est-ce que le non-marchand ?
Le secteur emploie entre 400.000 et 525.000 travailleurs selon les estimations respectives du Syndicat des employés, techniciens et cadres de la FGTB (SETCa) et de la Centrale nationale des employés de la CSC (CNE). Près de la moitié des travailleurs du non-marchand au sens restreint travaillent pour le fédéral, soit 240 000 selon les estimations de la CNE. Ce sont les travailleurs des hôpitaux privés (120 000), des maisons de repos et des maisons de repos et de soins (72 000) ou encore les infirmiers à domicile salariés (10 800). Le secteur des maisons de repos a été communautarisé par la 6e réforme de l’État, et directement régionalisé du côté francophone.
Du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le non-marchand représente quelque 25 000 travailleurs. Ceux-ci sont principalement occupés dans les secteurs de l’Aide à la jeunesse (8000), le socio-culturel (8000) et l’accueil de l’enfance et de la petite enfance (7600). La Wallonie et Bruxelles (Région, Cocof, Cocom) comptent respectivement 18 000 et 7000 travailleurs dans des secteurs comme l’aide aux familles et aux personnes handicapées ou encore l’insertion socio-professionnelle.
Et pourtant, partout, un seul constat s’impose : il s’agit d’un secteur avec trop de travail et trop peu de personnel. Quatre professionnels de la santé sur dix souffrent déjà du stress et le nombre d’épuisements professionnels (burn-out) explose : un travailleur sur dix ! Isabelle Hansez, professeure de psychologie du travail à l’ULG, explique : ‘‘Le monde de la santé et celui du travail social sont les plus exposés. À vrai dire, la notion même de burn-out est apparue à partir de ce qui était observé chez les infirmières.’’ À cela s’ajoute encore l’introduction des mécanismes du marché dans les secteurs des soins, sa commercialisation.
Le coup de hache de Maggie ‘‘Thatcher’’ De Block
Un tiers de la centaine d’hôpitaux généraux que compte le pays a déjà un budget dans le rouge suite au sous-investissement chronique qui sévit depuis longtemps déjà. Avec les nouvelles mesures du gouvernement fédéral, chacun verra ses moyens amputés de plusieurs millions d’euros. Des investissements nécessaires vont être repoussés, voire carrément annulés, et il y aura également suppression de personnel dans certains cas. Le 24 novembre, on a même vu des gestionnaires d’hôpitaux venir manifester dans la capitale !
Du côté des mutualités, on ne manque pas de souligner que la ministre De Block avait promis de ne pas toucher à la Sécurité sociale. Mais la croissance du budget des soins de santé sera bel et bien limitée à 0,5 % (au lieu du 1,5 % promis), ce qui sera insuffisant pour faire face à la hausse des besoins liée au vieillissement de la population. Et qui en supportera le coût ? Les patients, que cela soit par des hausses de tarifs ou par la réduction de la qualité des soins. Le front commun des mutuelles dénonce le renforcement d’une médecine à deux vitesses : ‘‘C’est un recul social jamais vu depuis 10 ans’’.
Les choses sont à peine meilleures dans les entités qui ne dépendent pas du fédéral. ‘‘Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles est dans la même logique que le fédéral. Il promet l’établissement d’un calendrier de discussions, mais aucun budget n’est prévu’’, expliquait Christian Masai, secrétaire fédéral Setca, en marge de la manifestation du 24 novembre. Il n’est dès lors pas surprenant que la manif du 24 ait été la première expérience de ce genre pour de nombreux travailleurs du secteur. La coupe est pleine, partout, et depuis longtemps déjà !
Il faut plus de moyens !
Les travailleurs et bénéficiaires du secteur doivent reprendre les choses en main. En organisant la lutte contre l’austérité de concert, l’opportunité existe d’imposer le développement de l’aide et des soins de santé. Pour cela, il faut une nouvelle colère blanche, en référence à la période de lutte du secteur des soins de santé qui s’était ouverte en 1989. Il avait été possible de construire un sérieux rapport de force et d’imposer des améliorations.
Ce qui arrive dans ce secteur très large et diversifié touche l’intérêt de chacun. Tant que les politiques d’austérité de ces autorités ne seront pas arrêtées, la destruction se poursuivra. Pour cette raison, il nous faut un plan d’action interprofessionnel allant crescendo, jusqu’à la chute du gouvernement.
Les richesses sont suffisamment présentes dans la société pour donner à tout le monde la possibilité de vivre une vie de qualité. Tant que ces richesses seront dans les mains d’une élite richissime qui vit sur notre dos, assurer à chacun la possibilité de vivre une vie décente restera inaccessible. Une lutte généralisée pour des services de base, pour la répartition du travail et la transformation de la société est absolument nécessaire pour le bien-être et la santé de tous !