Elio Di Rupo n’a pas peur des mots : pour lui, la crise dans laquelle la Belgique et le monde sont plongés est “vertigineuse”. Il a développé récemment les réponses que le PS veut y apporter. Qui, elles aussi, donnent le vertige. Mais pas pour les mêmes raisons…
Par Jean Peltier
Face à cette crise « vertigineuse », le président du PS n’estime pourtant pas nécessaire de mettre en route un nouveau plan de relance, ni même de doper le plan existant,… Non, ce qui serait décisif, selon lui, c’est de nommer un commissaire spécial auprès du gouvernement fédéral pour vérifier que les décisions prises dans le cadre du plan de relance sont bien appliquées ! Face à une telle audace, on est effectivement pris de vertige…
Plan de confiance
Mais, s’il estime inutile un nouveau plan de relance, Di Rupo a un joker dans sa manche : un « plan de confiance » pour « faire en sorte que les citoyens consomment davantage et qu’ils soient acteurs de la relance économique » !
Pour cela, il veut essentiellement baisser la TVA à 6% dans une série de domaines : le gaz et l’électricité, le bâtiment (construction et rénovation, privé et public), la restauration,… Il veut aussi accélérer l’instauration d’un 13e mois d’allocations familiales au moins pour le premier enfant (83 euros), une mesure déjà prévue par le gouvernement.
Coût de l’opération : entre 500 millions et 2 milliards d’euros. Le PS prévoit donc, pour alléger (un tout petit peu) le poids de la crise sur plusieurs millions de travailleurs, de pensionnés et de chômeurs, de dépenser entre 2,5 % et 10 % de ce que le gouvernement a mobilisé pour sauver les banques ! Vous avez dit « vertigineux »…
Mais si une TVA diminuée signifie un peu plus de pouvoir d’achat, cela veut dire aussi moins de rentrées pour l’Etat. Comment y faire face ? En « réeestimant les capacités budgétaires » et en « utilisant les marges existantes ». C’est ce qui s’appelle ne pas faire de vagues inutiles.
Dernière proposition « vertigineuse » du PS : en retour des milliards d’euros injectés dans le secteur bancaire, il estime “crucial que nos (sic!) banques continuent à répondre aux demandes de crédits des épargnants et des entreprises” et il estime qu’ «il faut d’abord renforcer le rôle de la Commission bancaire, financière et des assurances en demandant que son comité de direction, au moins quatre fois par an, fournisse un rapport sur la politique de gestion des risques dans les banques». Devant tant d’audace, les bras en tombent…
Vertige de la platitude
Avec une crise qui s’aggrave de jour en jour et des élections qui approchent à grands pas, beaucoup de gens espèrent que le PS va sortir du bois et donner un grand coup de barre à gauche. Cela n’en pend pas vraiment le chemin. Bien sûr, on peut s’attendre dans les prochaines semaines à de nouvelles dénonciations virulentes de la « crise libérale », la désormais célèbre formule du Di Rupo qui a le double avantage de faire retomber la responsabilité de la crise sur Reynders et ses potes (toujours bon à prendre avant les élections) et de ne pas devoir parler de crise capitaliste (ce qui obligerait le PS à discuter de mesures anticapitalistes).
Mais, dans les faits, les propositions « anti-crise libérale » du PS se distinguent surtout pas leur extrême faiblesse (qui peut croire que la baisse de la TVA et un commissaire fédéral supplémentaire pourraient enrayer la crise ?) et leur extrême timidité. Le PS ne propose ni de remettre le secteur financier sous contrôle public (alors qu’il n’a été sauvé de la faillite que par l’injection massive de fonds publics) ni même de recréer une banque publique. Il ne parle pas de revenir sur les libéralisations désastreuses dans le secteur de l’énergie (et pour cause, il y a participé activement). Il ne parle même pas de mener une véritable chasse à la fraude fiscale. Et encore moins d’aller chercher dans les caisses des grandes sociétés, qui sont encore gonflées des énormes profits réalisés ces dernières années, de quoi financer de vraies mesures pour défendre le pouvoir d’achat et créer de l’emploi.
Si, le 7 juin, le PS redevient le premier parti en communauté Wallonie-Bruxelles, ce sera beaucoup plus à cause du discrédit qui est tombé en quelques mois sur le « modèle libéral » (et à l’insupportable arrogance de Reynders) que grâce à l’audace de ses propositions et à l’espoir qu’elles susciteraient. Mais, qu’on aille ensuite vers une tripartite traditionnelle PS-MR-CDH (pour appliquer plus facilement les plans d’austérité draconiens annoncés par Van Rompuy) ou qu’on se dirige, comme beaucoup de commentateurs le pensent, vers une coalition PS-Ecolo-CDH (la formule qui fait rêver les directions de la FGTB et de la CSC), une chose est certaine : ce n’est pas du PS que viendra une alternative à la politique néolibérale qui nous a mené au chaos actuel. Et ce n’est pas non plus sur le PS que les travailleurs et les syndicalistes pourront compter pour défendre emplois et salaires.
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