Comment sortir la classe ouvrière américaine de l’étau républicain/démocrate?

Un parti des travailleurs

La question d’une réelle alternative politique défendant les intérêts du peuple américain est loin d’être nouvelle, et fut notamment abordée par Trotsky dans ses discussions avec les membres américains de la Quatrième Internationale dans les années trente.

Nicolas Croes

L’histoire du mouvement ouvrier n’est en rien linéaire. Chaque pays a connu un développement particulier, influencé par la situation économique et sociale du pays lui-même, mais également par la classe ouvrière étrangère. L’émergence des syndicats aux États-Unis ne date que de la guerre de sécession (alors qu’en Angleterre, par exemple, les premières tentatives se situent avant même la révolution française), mais il fallut attendre la crise de 1929/33 pour que ceux-ci deviennent de véritables organes de lutte. Et, de la même manière que le Parti travailliste a émergé des syndicats anglais au début du 20e siècle sur base du déclin relatif du capitalisme et de l’impérialisme britanniques, mais également de la nécessité d’un prolongement politique aux luttes économiques, il fallait aux USA un parti de défense de la classe ouvrière.

La direction des syndicats américains de l’époque était trop liée au Parti démocrate qui, tout comme aujourd’hui, ne représentait que les intérêts de la bourgeoisie. En 1938, lancer un appel pour un parti des travailleurs était une évidence, mais la question était de savoir si l’on devait abandonner pour cela la construction d’un parti révolutionnaire.

Trotsky argumenta que le déclin du capitalisme se déroulait beaucoup plus vite que le développement de l’organisation aux États-Unis, développement rendu d’autant plus difficile que les staliniens, effrayés à la fois par la perspective d’une forte organisation véritablement marxiste révolutionnaire et par un mouvement de masse qu’ils ne pourraient contrôler, ne ménageaient pas leurs attaques, quitte à être du côté des exploiteurs. Dans ces conditions, demander à la masse des ouvriers d’adhérer à l’organisation révolutionnaire directement était une absurdité. Par contre, un parti large des travailleurs permet à la classe ouvrière de s’organiser plus efficacement et de tirer une analyse plus pertinente des luttes passées, bien qu’il ne puisse suffire à aider les ouvriers à s’émanciper complètement et à sortir du cadre du capitalisme. C’est pourquoi Trotsky défendait que l’appel à la création d’un parti des travailleurs devait être lancé tout en continuant la construction d’un courant révolutionnaire organisé au sein de ce partit large, de manière à le transformer en parti révolutionnaire de masse.

La Deuxième Guerre mondiale devait hélas se déclencher. La bourgeoisie en profita pour prendre des mesures contre le mouvement ouvrier pendant et après la guerre, en réprimant tout mouvement combatif sur une base nationaliste facilitée par la suite par la guerre froide.

Actuellement, la situation est un peu différente. Mais l’augmentation du temps de travail sans augmentation de salaire, les différentes pressions visant à réduire les coûts salariaux,… tout nous démontre que rien n’est chose acquise sous le capitalisme, et que rien n’arrête les exploiteurs dans leur recherche effrénée de profit. Et avec l’impressionnant virage à droite des partis sociaux-démocrates, nous nous retrouvons dans la même situation que la population laborieuse américaine, sans relais politique pour défendre nos intérêts. Et si ce nouveau parti des travailleurs ne saurait être créé que sur base des luttes concrètes de la population, et doit donc attendre une amplification des luttes, le courant révolutionnaire, lui, ne peut attendre, et doit continuer à être renforcé.


(voir: Léon Trotsky, Discussions sur le Labor Party, Oeuvres n°17, p.279, Institut Léon Trotsky)

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